Death Note : faut-il aussi y inscrire le nom d’Adam Wingard ?
Hollywood aurait-il un problème avec les mangas ? On peut se poser naturellement la question. Après Dragon Ball Evolution ou encore Ghost in the Shell, c’est au tour de Death Note de se faire massacrer par les Américains.
En cette année 2017, la plateforme de streaming Netflix a décidé d’accélérer et de diversifier ses contenus Original Netflix. Malheureusement, en prenant en compte uniquement les fictions, les propositions de Netflix ne sont guère enthousiasmantes. Hormis le formidable Okja de Bong Joon-Ho, les déceptions sont énormes. Que retenir de War Machine si ce n’est l’insupportable prestation de Brad Pitt ou la paresse de la mise en scène de David Michôd ? Que peut-on ajouter devant les comédies débiles d’Adam Sandler type Sandy Wexler ou The Do-Over ? C’est dans ce contexte peu glorieux qu’arrive donc la nouvelle production originale de Netflix, Death Note. Réalisé par le jeune Adam Wingard, rompu à l’exercice de l’horreur avec You’re Next ou encore Blair Witch, Death Note est une adaptation du célèbre manga crée par Tsugumi Ōba et Takeshi Obata. Déjà remarquablement adapté sous la forme d’une série animée de 37 épisodes, le film de Wingard ne se veut pas une adaptation fidèle du manga mais plutôt une transposition du récit. Exit donc le Japon et Tokyo, place aux Etats-Unis et à Seattle. L’intention est louable. Le résultat est désastreux.
Difficile de savoir ce qui a pu se passer dans la tête de Wingard. En effet, le réalisateur décide d’opter pour une mise en scène stylisée à base de ralentis, de dutch angle ou encore de plongées et de contre-plongées. Malheureusement, cette stylisation de la réalisation n’aide en rien à la beauté formelle du film, transformant le tout en une énorme faute de goût. La faute à une gestion parfaitement calamiteuse de la caméra (le final sur la grande roue étant d’une bêtise et d’un mauvais goût total). En ce qui concerne la photographie, celle-ci n’apporte pas vraiment de plus-value artistique au film, l’ensemble étant désespérément plat, un détail revenant plus que souvent dans les Original Netflix.
La structure narrative du film se révèle vite classique. Wingard lorgne dans un premier temps du côté Destination Finale en montrant des morts toutes aussi absurdes que débiles. En résulte donc un entre-deux où le cinéaste hésite entre le drame sérieux et la série B jouissive comme la fameuse franchise horrifique. La seconde partie s’oriente davantage vers le thriller, avec l’apparition du détective L. Mais très vite, le film s’enfonce davantage dans le ridicule, avec une histoire d’amour plus que téléphonée ou ses séquences d’actions gênantes (on notera une course-poursuite digne de Benny Hill).
Vient ensuite un problème : comment condenser une œuvre aussi dense en un film d’1h40 ? Pour le fan de l’animé ou du manga, il aura l’impression de voir un film passant son temps à courir après le manga, donnant un aspect rushé particulièrement désagréable. Mais quitte à réadapter un manga, il n’est pas interdit de prendre quelques libertés avec le matériau original, à condition de rester fidèle à l’esprit du manga ou au moins à l’essence des personnages. Ici, la décision d’américaniser Death Note pousse Wingard et ses scénaristes à rendre les motivations du personnage principal acceptables. Sans doute par crainte de subir un rejet massif du public dû à la nature plus qu’ambigüe de Light (dans un autre style, Ridley Scott en a fait les frais avec Alien Covenant), Wingard et ses scénaristes décident de greffer à Light une back-story profondément banale. Là où l’original tirait sa force en nous présentant un personnage parfait sous toutes les coutures qui, après avoir pris le Death Note, se décidait à purger le monde de la méchanceté et du vil, la version de Wingard nous montre un pauvre adolescent à la marge hanté par le décès de sa mère qui va vouloir assouvir son désir de justice.
Qu’en est-il de Ryuk ? Souffrant sans doute d’un manque de budget, Wingard décide de garder le célèbre dieu de la mort dans l’ombre ou en le montrant de dos. Une décision décevante, le personnage étant l’un des rares points positifs de ce marasme. Le mérite en revient à Willem Dafoe qui donne à ce dieu de la mort un pouvoir d’évocation immédiat. Bien sûr, il était obligatoire de corriger le personnage de Missa (appelée Mia dans le film), beaucoup trop soumise à Light et trop cartoonesque. Problème : la relation entre Light et Mia semble elle aussi forcée et précipitée. Le comportement de Mia changeant en fonction des envies de Wingard et de ses scénaristes, il est difficile de s’attacher à ce personnage. Quant au personnage de L, il se révèle vite incohérent. Comment le public peut croire à ce détective plus qu’intelligent qui, très vite, perd le contrôle de ses nerfs ?
En voulant américaniser Death Note, Adam Wingard ne réussit juste qu’à massacrer un matériau fort et puissant. Il ne reste qu’une banale série B vide et laide. Le prochain film de Wingard sera Godzilla vs Kong. Gageons que ce n’est ni pour son talent visuel, ni pour ses aptitudes scénaristiques qu’il fut engagé par Warner Bros.
Tony Bonnet