Christine Angot : Un amour impossible, son roman virtuose
Le nouveau roman de Christine Angot, le thème de l’amour, des critiques dithyrambiques… Il n’en fallait pas davantage pour me rendre curieuse. Un amour impossible est sorti le 19 août chez Flammarion. On vient d’apprendre qu’il figurait dans la première sélection du Goncourt 2015.
Un amour impossible
parle de plusieurs formes d’amour : l’amour d’une femme pour un homme, l’amour d’une fille pour sa mère, l’amour de cette mère et de cette fille pour les autres hommes… Ces amours sont rendues impossibles par une seule et même personne : le père.
Dans la première partie d’Un amour impossible, Christine Angot raconte l’histoire d’amour, courte mais intense, de Pierre et Rachel, ses parents. Malgré les moments heureux passés ensemble, Pierre explique d’emblée à Rachel qu’il ne l’épousera jamais. Si elle avait été plus riche, peut-être. Cela n’empêche pas Rachel de s’abandonner à cet amour corps et âme. Un jour, elle tombe enceinte. Elle prévient immédiatement Pierre, consciente qu’il ne souhaitera peut-être pas être présent. Et en effet, Rachel doit élever seule sa fille Christine. La petite entretient une relation fusionnelle extrêmement touchante avec sa mère. Le récit de cette enfance constitue la deuxième partie du livre.
On fait surtout connaissance avec le « père » à travers les lettres qu’il adresse à Rachel et à Christine. Un moyen très simple et direct de rendre compte de son immense lâcheté. Il ne doute de rien. Et pour cause : il a toujours prévenu Rachel qu’il ne l’épouserait pas. Il lui a toujours dit qu’avoir un enfant ensemble était par contre possible. Malheureusement, diverses obligations dont son mariage avec une Allemande quelques années plus tard, l’empêchent d’être aussi présent qu’il le voudrait. Alors que Christine porte de plus en plus les marques psychologiques de cette absence, sa mère fait de son mieux jusqu’à apprendre un jour les choses terribles que sa fille subit de la part de son père. Car oui, Un amour impossible aborde le thème de l’inceste comme plusieurs autres romans de Christine Angot. Mais le fait qu’elle l’ait inclus au sein de son histoire familiale lui donne une force absolument inédite.
A la fin du roman, la langue de Christine se délie. Elle a besoin de formuler les choses à sa mère, ce qui donne naissance à une vingtaine de superbes pages. Sont abordés les thèmes du rejet social, qui est en réalité à la base de l’absence de ce père : parce que Rachel était pauvre, et juive, accessoirement, leur union sociale était impossible. Faire un enfant était possible, mais reconnaître cet enfant, la faire entrer dans sa sphère sociale à lui, c’était inenvisageable. Rachel ayant finalement réussi à le convaincre de reconnaître Christine, il commet l’irréparable. C’est ainsi que le perçoit Christine elle-même, des années plus tard. Je cite Yann Moix ; dans ce roman de Christine Angot, « impossible n’est pas le contraire de possible ». L’impossible, c’est ce qui a lieu quand même, mais qui est terrible.
A la fin d’Un amour impossible nous reste l’émotion d’une magnifique relation mère-fille. Le style bien connu de Christine Angot se met cette fois-ci au service de l’expression de faits et de sentiments dans son plus simple appareil. Une virtuosité qui laisse sans voix.
« C’est pas une petite histoire personnelle, tu comprends, c’est pas une histoire privée. Non. C’est pas ça qu’on appelle la vie privée. Là c’est l’organisation de la société qui est en jeu, à travers ce qui nous est arrivé. La sélection des gens entre eux. C’est pas l’histoire d’une petite bonne femme, aveuglée et qui perd confiance, c’est pas l’histoire d’une idiote, non. C’est bien plus que ça. »