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Buffy, Scully, Olivia, Lorelai, où sont les femmes ?

Où sont les femmes ? Un sujet fleuve, vaste et qui mène à un débat totalement dépassionné et serein, ça vous dit ?

On va parler du rôle des femmes, ou plutôt de l’écriture des rôles de femmes dans nos séries.

Avant d’essuyer les tirs nourris, je tiens à préciser que je vais tâcher de faire une synthèse objective, à partir de constats, tels que je les ressens. Donc, objectif, mais avec les éléments de subjectivités d’un ressenti forcément présent, car, c’est à cela qu’on fait appel en regardant un film ou une série. Je rappelle aussi à qui veut bien lire : je ne déteste pas les hommes, j’en ai moi-même un très beau spécimen à la maison. 😀

Passé cet avertissement, je vais prendre pour exemples des séries que j’adore, dont je suis fan mais avec du recul pour pouvoir aborder le sujet.

En ce moment, je suis dans le revisionnage de vieilles séries (enfin, celles qui ont fait mon adolescence et ma vie de jeune adulte) : Lost, The X-Files, Fringe, Buffy. Tout en continuant à suivre des séries plus actuelles.

Le constat est assez triste : là où dans les années 90 on avait des femmes fortes, mais avec leurs failles, on se retrouve actuellement avec 2 schémas archétypaux de femmes : soit une femme forte, sans failles, avec laquelle il est donc impossible de s’identifier, soit un personnage défini par son histoire d’amour avec l’homme, le héros, donc avec laquelle on a quasiment toujours affaire, depuis les princesses Disney jusque Joyce Byers, la mère de Will dans Stranger Things.

Revenons en arrière : Buffy est une ado dotée de super-pouvoirs, mais avec ses failles d’adolescente. C’est une jeune fille qui cherche sa place, dont les hormones commencent à la titiller, mais qui n’est pas un prétexte scénaristique pour justifier son existence ; elle vit des histoires d’amour, certes, mais qui s’inscrivent dans la recherche de sa place dans le monde et surtout dans la place de cet univers magique dans lequel elle évolue. Buffy évolue dans un monde en pleine mutation, monde dont elle essaie de comprendre les codes, dans lequel elle doit apprendre à vivre, malgré le fait qu’elle soit dotée de super-pouvoirs.

Dans X-Files, Scully est une jeune femme qui consacre sa vie à sa carrière. Elle n’est pas du tout définit par sa relation avec les hommes, ni avec Mulder. De l’autre côté, Mulder n’est pas non plus fasciné et/ou attiré par Scully. Leur duo fonctionne sur l’antagonisme entre les deux : le croyant face à la sceptique.

Dans le même temps, Scully n’est pas sans faille, sans contradiction, ne serait-ce que parce qu’elle croit en Dieu, tout en étant une scientifique affirmée.

Le point commun de ces 2 séries, c’est le fait que ce soit deux hommes qui ont écrit ces personnages.

A contrario, dans les exemples de Fringe et Lost, il existe des femmes fortes. Dans Lost, Kate est d’abord une femme débrouillarde, capable de suivre des traces dans la jungle, d’utiliser une arme, se battre. Pourtant, l’essentiel de son histoire, au fil de la série se résumera ensuite à ce triangle amoureux avec Sawyer et Jack. Elle finit par n’être définie que par son histoire d’amour avec l’un ou l’autre.

Dans Fringe, l’héroïne principale est une femme, Olivia Dunham. Elle est une agente du FBI, elle aussi self-made woman, plaçant sa carrière avant tout (Abrams n’a jamais caché son amour pour X-Files, d’où la filiation, a priori évidente, avec Scully). Sauf qu’au fil des saisons, Olivia tombe follement amoureuse de son partenaire Peter Bishop, et là, encore, c’est son amour pour lui qui passe en avant et qui finit par la caractériser.

Là aussi ce sont des personnages féminins écrits par des hommes. Mais moins bien réussis, à cause du schéma de « la princesse qui trouve son prince charmant »

Nous pouvons donc légitimement nous poser la question suivante : doit-il forcément y avoir des femmes scénaristes pour écrire des bons rôles de femmes ?

Je vais prendre un dernier exemple : Gilmore Girls. Cette série a été écrite par une showrunneuse : Amy Sherman-Palladino. (en collaboration avec son mari). Et cela se ressent dans l’écriture. Pour simplifier, c’est l’histoire d’une mère et sa fille dans leur petite ville de Stars Hollow, et des personnages qui gravitent autour d’eux. Bien sûr, il y a des histoires d’amour (rien de surnaturel ou de policier, dedans, juste l’histoire de leurs vies), mais ce qui fait le trait de caractère des deux héroïnes, c’est le fait qu’elles se soient toujours débrouillé seules. La mère, Lorelai, a quitté son petit copain et ses parents par la même occasion, à 16 ans, lorsqu’elle est tombée enceinte et a choisi de se débrouiller seule, sans l’aide de ses parents ni de son petit copain. Durant 6 saisons maîtrisées par sa showrunneuse, Lorelai a un caractère bien trempé, capable de commettre des erreurs stupides, mais toujours cohérentes avec son personnage (elle a par exemple recouché quelques fois avec son ex, tout en le regrettant immédiatement après). Lors de la saison 7, pour cause de différends, la showrunneuse est remplacée par un homme et le personnage de Lorelai soudainement choisi d’épouser son ex ! Celui qu’elle a passé 6 saisons à repousser ! Cette saison 7 a régulièrement été décriée, notamment pour ce faux pas, totalement à l’encontre de ce qui fait le caractère du personnage de Lorelai. Et le fait que ce soit un homme qui ait écrit cet arc n’y est pas totalement étranger, quoiqu’on puisse en dire.

La difficulté est donc de passer à autre chose que la femme définit par l’homme qu’elle aime. Car, en y réfléchissant, on en revient très souvent à ça. (Au final, même X-Files, cette saison 9 honnie, rend Scully affaiblie par la disparition de Mulder, soudainement devenu l’homme de sa vie, la montrant insupportablement pleureuse à chaque fois que le sujet de Mulder est vaguement effleuré, oui, cette saison 9 m’énerve !)

Là, j’évoque quelques séries des années 90, mais le problème reste le même actuellement, même s’il y a bien évidemment des changements qui s’opèrent, et heureusement ! Je pense notamment à Mouche sur Canal, ou DoubleJe sur France 2, où on a des « self-made women », non sans failles assez violentes voire pathétiques, ce qui les rend plus complexes, donc plus vraies, et nous permet de nous identifier à elle.

L’identification est cruciale dans une histoire. C’est ce qui rend Luke Skywalker attachant, par exemple, puisqu’il est le reflet de notre émerveillement dans les découverte de ces nouveaux mondes et de cette « magie » que représente la Force.

C’est aussi ce qui rend le Docteur de Doctor Who aussi attachant, par le regard de ses compagnons : il est un génie aventurier et voyageur, et il lui faut une audience pour le constater. Quoi de mieux que des compagnons qui l’admirent au point de tout abandonner pour l’accompagner dans ses folles aventures ?

C’est aussi ce que j’ai déjà pointé dans le personnage du Docteur, version féminine. Bien que très cool, la Docteur n’est plus un personnage grandiose qui fait briller d’admiration les yeux de ses compagnons (et donc les spectateurs), elle est au même niveau que les humains, plus timide, paraissant moins sûre, la rendant, du coup, plus humaine, mais ne nous permettant plus de rêver à des aventures grandioses dans cet univers infini qu’elle nous propose de traverser. L’identification se fera peut-être à un autre niveau, mais le Docteur est un personnage extraordinaire, et en version féminine, il aurait dû rester extraordinaire et non devenir ordinaire. Je pense que l’exemple de sa femme River Song nous donne un bon aperçu de ce qu’aurait pu être un bon Docteur version féminine. Une femme arrogante, mais attachante, sûre d’elle, géniale, super-intelligente, drôle et rivalisant d’inventivité.

 

Plus largement, souvent pour contrer le schéma de la princesse qui cherche son prince charmant, on nous propose l’opposé absolu : la femme ultra forte, musclée, se battant comme un homme et complètement « badass » sans aucune faille. Devenant donc un objet de fascination dans l’oeil des hommes. Je pense par exemple à Lucy de Luc Besson et même au 5e élément. Oui, j’élargis au cinéma, mais je pourrais même élargir à la littérature et à la BD aussi, par exemple, le schéma est le même partout. Essayez d’analyser la prochaine fois que vous regardez une série ou un film, quel est la place de la femme dans l’histoire. Est-elle une badass sexy ? Fonctionne-t-elle uniquement avec le coeur ? A quoi se résument ses failles ? Ses forces ? Est-elle objet de fascination pour les hommes ? Est-elle considérée à égalité avec l’homme ? Dans ce cas, est-elle représentée comme un « garçon manqué » ? Quelques schémas se répètent souvent quand on se pose ces questions là, schémas comme une sorte de « plafond de verre » difficile à exploser. Et se dire que la majorité des décideurs restent des hommes n’y est peut-être pas étranger.

Heureusement, les choses changent, que ce soit écrit par des hommes ou des femmes, on a des personnages variés de femmes au cinéma ou à la télé, mais je pense que le paradigme pourra vraiment changer lorsque les femmes seront plus présentes du côté des décideurs (scénario, réalisation, mais aussi production et distribution des séries), permettant ainsi une plus grande variété de personnages féminins, comme on peut avoir une grande variété de personnages masculins.

Iris

Picarde, 2e des 3 fans français de Dr Who, sériephile, dessinaniméphile, x-phile et motion designer de métier

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