Beau Séjour, mystère, fantastique et beauté
Série flamande et fantastique sur fond de thriller à l’ambiance et à l’univers indescriptible mais envoutant, Beau Séjour démarrait Jeudi 2 Mars sur Arte.
Présentée à Série Series en 2015 et récompensée à Série Mania en 2016, cette nouvelle série nous présente la vie dans un petit village après qu’une jeune fille, Kato, disparaisse et soit retrouvée morte. Mais l’est-elle vraiment ? En effet, magnifiquement interprété par Lynn Van Royen, Kato est un personnage a part entière et se retrouve consciente, ainsi elle se déplace, marche, cours, utilise un véhicule, mais ses actions n’ont pas d’effet sur le commun des mortels, attention : seulement le commun. Je vous laisse comprendre pourquoi en regardant la série.
C’est donc une série fantastique, dans sa définition la plus littéraire, c’est à dire : l’introduction du mystique, de l’inexplicable dans le réel. Elle rejoint donc sur ce créneau des séries telles que « Les Revenants », « The Leftovers », ou plus récemment « The OA », bien que le scénario ait été écrit avant la diffusion de ces trois shows d’après les créateurs. En quoi cette série est-elle donc originale et vaut le coup ?
Ce qui fait grandement la qualité des nouvelles séries d’auteur européennes, c’est l’ambiance qu’elles arrivent à développer, ainsi que les relations complexes entre chacun des personnages. Souvent dans des milieux policiers (nombre de séries scandinaves comme Bron ou The Killing) ou dans d’autres milieux (la norvégienne Valkyrien par exemple), Beau Séjour parvient à allier le milieu policier (il y a une enquête pour déterminer l’assassin de Kato) et le fantastique. Cela crée une ambiance mystérieuse, sombre mais pas larmoyante, cette série adopte donc un ton très juste et parvient à nous entraîner avec elle.
Un autre aspect permettant la qualité de l’ambiance mise en place est la qualité de la réalisation. Dirigé par Sanne Nuyens et Bert Van Dael, le pilote installe l’identité visuelle de la série. Premièrement l’image n’est pas désaturée (baisse de l’intensité des couleurs) comme la plupart des séries d’auteurs française (Les Revenants), et ainsi ne rajoute pas un côté trop dramatique car le scénario n’a pas besoin d’être alourdi par une réalisation trop sombre.
Deuxièmement, et ce qui est un point noir habituellement dans le monde des séries, la réalisation arrive à parler d’elle-même. Si on a vu qu’elle n’était pas trop lourde, il est commun dans ces deux premiers épisodes que l’image remplace la parole. Problème souvent évoqué des séries américaines, cela a été théorisé par de nombreux professeurs et essayistes qui disent que : pour occuper le spectateur, notamment dans les séries, il faut constamment qu’il y ait des mots, du son, Beau Séjour s’affranchit de cette règle et donne aux séries la beauté et la pureté du cinéma, participant ainsi au sentiment de mystère qui enveloppe la série.
Quant à l’histoire elle-même elle regorge de qualité.
L’intérêt de cette série est de nous plonger dans des interrogations métaphysiques, sur des visions de la mort, des esprits … Et nous laisse complètement dans le flou lors du premier épisode, on est aussi perdu que Kato elle-même, et c’est intéressant, chacun y va de son interprétation jusqu’à ce que la série nous donne elle-même les indices suffisants. Le but de la plupart des personnages est aussi de retrouver le meurtrier de Kato, cette enquête a donc lieu dans ce contexte très métaphysiques, où chaque personnage réagit différemment au mystère entourant Kato, laissant aussi place à des histoires secondaires entre chaque personnage et ajoute une richesse scénaristique à la série. Ainsi de nombreux indices sont plus ou moins subtilement laissés en cour de chemin entretenant les interrogations autour de la mort de Kato.
Toutefois, quelques points dénotent un peu ces premiers épisodes. En effet, comme pour chaque pilote on peut remarquer les lenteurs du premier épisode, mais nécessaires pour présenter l’ambiance qui sera celle dans laquelle se développera la série.
On peut aussi être déçu par un choix des scénaristes. Avoir l’audace de créer une série dans un tel univers est remarquable. Et cet univers devrait se suffire à lui-même pour avoir une série de qualité comme dans la première saison des « Revenants ». En effet, cette enquête policière peut paraître de trop pour une série si recherchée. Il devient ainsi risquer que cette série devienne plus une série policière qu’une série fantastique. Et ce serait dommage car le potentiel est là. Cela participe notamment à la lenteur de la série car comme dans toute histoire policière, il faut des éléments classiques du polar : interrogatoires … Qui ralentissent l’épisode. De plus cet aspect policier est très commun au milieu sériel, c’est donc un peu décevant de le retrouver dans une série aussi ambitieuse.
La série conserve tout de même tout son charme et cette rencontre entre le polar et le fantastique a toutes les raisons de fonctionner. C’est ainsi qu’a démarrée Beau Séjour, énormément de positif, des prises de risques remarquablement dépassées, tous les éléments sont là pour faire une très bonne série et au vu des deux premiers épisodes cela ne devrait pas poser de problème, seulement attention à ne pas se perdre dans les genres, les styles et à vouloir trop en faire. Beau Séjour illustre le développement de la qualité des séries belges après La trève diffusée sur France 2 notamment.
Beau Séjour est diffusé tous les Jeudis soirs sur Arte à 20h50, et je serai devant avec joie !
4.5
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