Arel3 : L’enfer, c’est les autres
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Arel3. La série d’anticipation qui te met une clé de bras mentale. Arrêtez tout de suite de regarder Black Mirror, Arel3 est digne des meilleures fictions qui passent sur Netflix. La saison 1 vient de se terminer, et nous nous devions de vous en faire un compte-rendu. Bienvenue, (Néo), dans un monde où tout repère réel n’existe plus, un monde dans lequel la science nous montre ce qu’elle peut faire de pire.
Le 27 avril 2018, un ovni faisait son entrée sur le YouTube français. Bruce Benamran, qui semblait avoir déserté sa chaîne « e-penser », était en réalité en train de nous écrire une web-série d’une extraordinaire qualité. Un premier épisode sort, Arel3, suivi d’un prénom, « Daphné ». Puis, c’est au tour de « Gäetan », de « Claire » et de « Franck »… Chaque vendredi, c’est un nouvel épisode qui sort et avec lui, un focus dédié à chaque personnage. Chacun d’entre eux est enfermé dans une même pièce, tapissée d’un papier peint générique mais étrangement élégant. Tous sont habillés en blanc, leur tenue évoquant des patients issus d’un hôpital. Tous se demandent pourquoi ils sont ici, et qui les a enfermés. Ils ont beau tâtonner les murs, il n’y a aucune issue possible. Plus étrange encore, une lumière rouge s’allume de temps à autres, avant de passer au noir, et parfois, de nouveaux personnages apparaissent ou disparaissent. Cette lumière représente pourtant leur seul repère tangible, car la notion du temps a depuis longtemps disparu.
À ce stade, il est facile de comparer le scénario à des films comme Le « Cube » pour son côté claustrophobe. Le spectateur ressent un sentiment grandissant de malaise pour ces pauvres êtres mis en boîte et qui tentent vainement de se raccrocher à des bribes de souvenirs ou d’échanger des hypothèses pour savoir comment ils en sont arrivés là. C’est d’autant plus perturbant à regarder que l’on s’aperçoit, au fur et à mesure de la série, que les premiers épisodes ne sont pas dans l’ordre. L’épisode 3 est en fait arrivé avant l’épisode 1, et l’épisode 2 juste après le 4. Vous me suivez ? Le personnage de Franck est de loin le plus touchant. Il semble être arrivé en premier, et il a subi l’expérience atroce de la solitude dans cette pièce. Combien de temps cela a duré ? Des jours, ou des mois ? Impossible de le savoir. Une histoire d’amour s’ébauche même entre lui et Claire, femme au tempérament bien trempé et qui ne compte pas végéter ici. Franck est joué par Lucien Maine et Claire, par Audrey Pirault, et tous deux crèvent l’écran. Chacun a son propre caractère, ce qui est une force de cette série. L’innocence de Daphné (jouée par la prometteuse Lou Howard), le côté fonceur de Claire, la fragilité humaine de Franck, Gaëtan qui analyse la situation, et Bruno le séducteur qui passe pour « le salaud de l’histoire ». Mais nous oublions Alex, le tout premier personnage que Daphné ait vu, et qui est le seul à porter des manches longues… Pourquoi ? Le suspens est savamment distillé de semaine en semaine, et le spectateur en veut toujours plus pour obtenir des réponses.
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Attention vous entrez dans la partie spoilers. Lisez à vos risques et périls !!!
Franck, lorsque Bruno débarque dans la pièce, voit ses vêtements passer au rouge. J’ai craint à un moment donné qu’il ne finisse « éliminé » (et même son nom est écrit en rouge dans le générique de fin!). Finalement, une troisième femme fait son entrée, étrangement sereine vu l’impossibilité de la situation. Il s’agit d’Elsa, une psychologue spécialisée dans les traumatismes et le stress post-traumatique, et qui cherche le mystérieux Alex. Ce dernier est joué par un Sylvain Quimene troublant de froideur. Celui-ci, sous l’injonction de Gaëtan, accepte de venir tout expliquer à ses patients. Et là, horreur. Tous sont venus de leur plein gré pour digitaliser leur conscience à l’intérieur d’un ordinateur. Ils ne peuvent plus en sortir, parce que voyez-vous, « c’est une question complexe ». Tous sont cobayes d’une expérience test pour que la conscience humaine perdure de manière immortelle à l’intérieur d’une machine. Alex lui-même n’existe pas, c’est une intelligence artificielle plus ou moins surveillée par Elsa, qui supervise les avancées de l’expérience. Mais cette prouesse technique, est-elle humainement éthique ? Certainement pas. Franck est de loin le plus humain des personnages. S’il est habillé en rouge, c’est « qu’il souhaite se démarquer des autres », et il est celui qui a subi l’atroce solitude, tout seul dans la pièce. La comparaison avec « Le joueur d’échecs » de Stefan Sweig est glaçante. Il est le meilleur représentant de l’humain « broyé par la machine » mais qui s’exprime malgré tout, au travers de sa relation avec Claire, tandis que celle-ci s’effondre, trahie par Bruno. Cette série, que l’on croyait proche de « The Cube », se rapproche en vérité de « Matrix ». En tout, il n’y aura eu que 7 épisodes pour construire l’histoire, mais quels épisodes !
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Bruce Benraman a vraiment réalisé un tour de force dans sa série. On peut parler de « méta-fiction » car le personnage de Gaëtan, en particulier, lui ressemble beaucoup. C’est tout à fait une projection de Bruce dans sa manière d’émettre des hypothèses, d’analyser les différentes causes de la présence des protagonistes dans la pièce, et dans sa façon de provoquer le retour de la lumière rouge à différents moments. Gaëtan est l’homme qui en savait trop, et son élimination brutale au moment de ses dernières révélations se vérifie jusque dans le générique final, où son nom a été effacé. Dans la pièce, tout le monde l’a oublié, sauf Daphné… Et la scène post-générique, qui est le seul indice de la vie réelle, ne nous en apporte pas beaucoup plus.
Je réitère, mais Arel3 est une réussite. Une critique de la télé-réalité est même ébauchée quand on voit la révélation du triangle amoureux entre Bruno, Claire et Daphné. Et pourtant, ce n’est jamais montré de manière tapageuse. Tout est lissé et savamment orchestré dans cette réalisation irréprochable, digne des meilleurs scénaristes. Les commentaires de la vidéo prétendent qu’il ne s’agissait que de la saison 1, et qu’une deuxième est en préparation. Impossible de savoir à l’heure actuelle si c’est vraiment le cas. Quoiqu’il en soit, le dernier épisode, diffusé il y a deux jours, nous laisse abasourdis. Trop de questions restent sans réponses. Que sont devenus les corps de Daphné, de Claire, ou de Franck ? Sont-ils morts, dans le coma ? Où avons-nous seulement vu une projection d’eux-mêmes, transformés en IA, et qui ne savent pas qu’ils n’existent pas ? La série énigmatique s’arrête sur un final épouvantable digne d’un thriller horrifique, avec l’ordinateur qui sert de prison éternelle à nos consciences trop curieuses. N’est-il pas innommable d’envisager que l’on prélève l’esprit d’une personne dans le coma, sans son autorisation, et qu’on la numérise à l’intérieur d’un autre cerveau, sans bouche pour parler ni yeux pour voir ? Où à l’intérieur d’un ordinateur pas fini, où la personne subit un enfer numérique pour toute l’éternité ? Affreux, n’est-ce pas ? Et pourtant, c’est exactement ce qui risque de se passer. Quelques derniers articles dithyrambique sont sortis ces derniers temps sur la capacité de digitaliser l’esprit de quelqu’un après sa mort. La mort, l’ultime libération, sera donc impossible. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait Rabelais. L’enfer, c’est les autres ? Non. L’enfer, c’est la machine.
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