Akiyuki Nosaka, auteur du Tombeau des Lucioles, est décédé
Akiyuki Nosaka, né en 1930 à Kamakura au Japon, s’est éteint le 9 décembre 2015 à Tokyo. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais il s’agit d’un écrivain dont les œuvres ont inspiré les studios Ghibli, pour l’animé : Le Tombeau des lucioles. Ce long-métrage, l’un des plus tristes qui soit (films et dessins animés confondus) raconte l’histoire de deux orphelins, en 1945, qui doivent survivre en fuyant les bombes et la famine. Or, ce récit est semi-autobiographique, car Nosaka a bel et bien subi la guerre, à l’âge de 14 ans.
Nosaka est un écrivain touche à tout très connu au Japon pour ses multiples frasques : en effet, ce n’est pas un enfant de chœur. Jouant sur la provocation, il s’est rendu célèbre dans les années 60 pour avoir publié Les Pornographes. Il a même touché à la politique, sans succès, et écrivait dernièrement quelques chroniques littéraires, alors qu’il était affaibli par un AVC, dans les années 2000. C’est en 1967 que paraît 火垂るの墓, Hotaru no haka, soit la nouvelle intitulée La Tombe des Lucioles, récit qui sera récompensé du prix Naoki. Akiyuki Nosaka a un destin hors du commun dans la vie réelle. Orphelin de mère, il est confié à une famille adoptive par son père, mais cette famille est anéantie sous les bombes en 1945 au Japon. S’enfuyant avec sa petite sœur adoptive âgée de 4 ans, Keiko, ils tentent de survivre dans les décombres, mais la petite fille meurt de faim et de maladie. Durant leur périple, les deux enfants trouvent refuge au bord d’un petit marais où brillent les lucioles la nuit, ce qui leur permet aussi de rêver et d’échapper mentalement à la terrible réalité qui va les anéantir. Nosaka a écrit cette nouvelle en mémoire à sa petite sœur, et aussi parce qu’il vivait avec beaucoup de culpabilité pour lui avoir survécu. Dans la réalité, il est enfermé en maison de correction pour des petits vols, avant d’être retrouvé par son père. Dans la nouvelle, il meurt peu après sa sœur…
Ce sont les studios Ghibli qui vont adapter cette nouvelle en animé, car c’était l’une des seules occasions de la voir adaptée sur grand écran, son auteur refusant d’en faire un film. Isao Takahata, ami de longue date de Myazaki, va s’atteler à la tâche, et le film sort en 1988 en même temps que Mon voisin Totoro. Le Tombeau des lucioles sera boudé par le public, non seulement à cause de la concurrence avec Totoro, mais aussi en raison de sa profonde tristesse : le film est d’un réalisme violent qui prend aux tripes dès les premières images, et la scène de la mort de la mère des deux enfants est l’une des plus terrible. Seita, le grand frère, accompagne Setsuko tant bien que mal : ils sont maltraités par leur tante avare et sans amour, et s’enfuient en pleine nature, pour admirer les lucioles. Mais la petite Setsuko ne cesse de maigrir, rendant les dernières minutes du film particulièrement éprouvantes. Cet animé japonais est le plus dur et le plus beau qui ait été fait, si bien qu’il a reçu le Prix Unicef pour sensibiliser au sort des enfants en temps de guerre… Il reste un chef d’œuvre très considéré et c’est important de le regarder, au moins une fois.
Ce chef d’œuvre de l’animé japonais, très sombre, comporte beaucoup de trésors au niveau du dessin, car tout est réaliste et bien retranscrit dans l’ancienne ville de Kobé. La musique à la flûte, ainsi que les dernières images montrant les fantômes des deux enfants, vous hantent pendant longtemps. Bien que cruel, tout est en délicatesse et en tristesse, ce qui risque de ne pas laisser le spectateur indemne. C’est d’autant plus émouvant que c’est l’auteur lui-même qui est décédé désormais, alors qu’il nous avait transmis un témoignage très important sur l’enfance en tant de guerre. La luciole symbolise justement la vie éphémère, car elle n’est censée briller qu’une seule nuit avant de mourir au petit matin… On espère seulement qu’Akiyuki Nosaka a bel et bien rejoint les vraies lucioles, celles qui sont éternelles cette fois.