Quand Vient La Nuit : interview de Michael R. Roskam
Le Flamand qui avait été très remarqué avec son premier film « Bullhead », nominé aux Oscars et qui a révélé Mathias Schonaerts. Pour sa première incursion hollywoodienne, « Quand Vient La Nuit » (The Drop), il a vu les choses en grand : un trio Gandolfini/Hardy/Noomi Rapace, une adaptation de Dennis Lehane et une immersion, quelques mois durant, dans les quartiers populaires de Brooklyn. Rencontre.
Pour les repérages et le tournage à Brooklyn, quel Brooklyn vous avez essayé d’écrire?Michael Roskam :
Brooklyn, c’est très grand, c’est plus grand que Paris. Il y a plein de « neighborhoods », chacun avec sa propre identité. Il y a des similarités entre certains d’entre eux, au niveau des couleurs, de l’architecture, souvent. C’est très en groupe, avec des quartiers polonais, russes… Tout le monde vit à Brooklyn. Je voulais essayer de dépeindre un quartier plutôt populaire, working-class, car c’est ce qui était décrit dans le scénario. J’ai vu des gens qui ont dit: oui, ça existe, il faut aller là, là et là. On a une liste de 20 à 25 neighborhoods. On rencontre les gens, les gens racontent des histoires, et j’ai choisi de faire porter un Brooklyn existant, un vrai Brooklyn qui n’a pas été inventé, et on l’a combiné avec un oeil poétique d’un peintre du début du XXe siècle, George Wesley Bellows. Très vite, avec mon chef opérateur, on a senti ce qu’on voulait.
Un nom m’a surpris au générique, dans la liste des producteurs exécutifs, on trouve M.Blair Breard, qui bosse avec Louis CK sur « Louie ». Comment ça s’est passé, et est-ce que c’est quelqu’un qui est arrivé assez tôt sur le projet, et qu’est-ce qu’elle vous a apporté sur « Quand Vient La Nuit »?
Elle est exceutive producer, mais elle est aussi line producer. C’est elle qui gère la production du plateau, que ça. Elle organise l’équipe, elle est une des premières qui vient à côté du producteur et commence à chercher les autres membres de l’équipe : les chargés de repérage, le chef décorateur… Elle connaît New York, et c’est quelqu’un qui est super, et avec qui je veux travailler de nouveau, si elle est libre. Elle est géniale, elle est très cool.
« Quand Vient La Nuit » est un des multiples projets qu’on a dû vous proposer, la genèse du projet remonte à octobre 2012. Qu’est-ce qui vous a accroché avec ce projet plutôt qu’un autre?
Ce qui m’intéresse, c’est de mélanger, comme Dennis Lehane le fait dans toutes ses histoires, un mystère ou un meurtre ou quelque chose appartenant au monde criminel pour raconter quelque chose sur la condition humaine, l’être humain. Ses histoires sont très complètes. On a un élément d’intrigue, mais c’est pour mieux servir l’approfondissement des personnages, avec du suspense. C’est ce que j’aime beaucoup chez lui.
Vous avez travaillé avec Marco Beltrami sur la musique du film, un compositeur très prolifique. Qu’est-ce que vous attendiez de lui sur la composition?
On était en train de travailler et on avait besoin de quelqu’un capable d’apporter beaucoup d’atmosphère, surtout au début, du suspense. Quelqu’un qui sait donner de l’ampleur sans exagérer, et aussi quelqu’un capable de trouver des thèmes qui marchent bien, en restant simple tout en ayant de l’ampleur. Ce n’est pas facile. J’ai beaucoup aimé son travail.
Vous étiez dans le studio, ça a pris combien de temps en post-production pour enregistrer toute la musique?
Il a une vitesse de travail qui est incroyable. J’ai jamais vu quelqu’un travailler aussi vite que lui. J’ai été chez lui, puis il a commencé à m’envoyer des morceaux. Il parle, il présente les morceaux. Pendant le montage, on a un « music supervisor » qui place la musique, ensuite on discute, on retourne chez lui. Dans son cas, c’était 3 mois.
« Quand Vient La Nuit » fait figure d’espoir aux Oscars. « Bullhead » a déjà été nominé. Quel est votre regard sur ces cérémonies, et est-ce que c’est quelque chose qui aide à poursuivre votre carrière américaine?
Cela fait partie de la culture, la célébration du talent. C’est important pour ma carrière, cela m’a fait remarquer par les producteurs américains, c’est un honneur. Les gens disent « Les Oscars… » mais je réponds « attends le moment où tu vas recevoir une nomination, on va voir si ça t’intéresse pas ». Ca intéresse pas Woody Allen, mais c’est parce qu’il a peut-être trop peur de gagner. C’est important, mais à la fois, il ne faut pas se laisser diriger par ça. Les gens se demandent ce qui se passe si on perd un Oscar. Mais non : on ne peut pas perdre un Oscar. On est nommé et on ne peut que le gagner. Tu ne peux que perdre quelque chose si tu l’as, et que c’est perdu.
Y a un projet sur pied avec HBO et Michael Mann. Est-ce que vous êtes sériephile et pourquoi aller chercher HBO pour une série belge?
En fait, il y a deux projets, la série de HBO ne se passe pas dans le milieu criminel : c’est « Le Fidèle », mon prochain film, une coproduction franco-belge. Pour HBO, c’est quelque chose de très noir, dystopique, de la science-fiction qui se passe en Belgique. Je viens de terminer l’écriture du pilote. J’attends les réactions : peut-être on continue ou pas. C’est Michael Lombardo qui va valider ou pas. Je suis sériephile, j’adore : les séries sont de longues histoires. Et la qualité de la télé et la cinéma vont se rencontrer, on va plus voir la différence. Je pense qu’à un moment, on va aller voir les séries dans de grands théâtres, sur grand écran. Si j’étais Netflix ou HBO je créérais des théâtres. En Flandres, on commence à voir des choses sympa. Je vois que ça devient très populaire. J’ai pas eu le temps de tout regarder, il y a « Double Vie » (Vermist, série de la VRT, sur deux femmes qui ont une relation après avoir fréquenté le même homme). Il y en a qui sont bien, mais ma référence ce sont des séries américaines.