Titanic, l’expérience du ciné-concert
Le 26 juin, nous avons pu assister, grâce aux Gérard Drouot Productions et à Aidem Communication, au Palais des Congrès de Paris à une des trois exceptionnelles représentations de Titanic en ciné-concert, dirigée par Ludwig Wicki On vous dit encore une fois, après Le Seigneur des Anneaux et Gladiator, ce qu’il en a été de l’intérêt de cette redécouverte.
On ne s’en rend pas assez compte quand on ne le vit pas, mais assister à une représentation de ciné-concert au Palais des Congrès est toujours un événement en soi. Une synchronisation parfaite avec l’écran, renforçant une immersion déjà bien aidée par la salle sublime du palais, des musiciens au talent fou et une chanteuse toujours 4 étoiles, c’est bien ce qui attend le spectateur souhaitant concilier cinéma et musique, qui ressortir immanquablement les étoiles dans les yeux à chaque représentation, quel que soit le film. C’est donc, vous l’aurez compris, encore une fois un travail exceptionnel que nous ont proposé l’équipe organisatrice, qui peut être chaleureusement félicitée : la soirée a été royale. Toutefois, plus qu’un simple atout technique (ce qui est déjà beaucoup pour la sensibilité exacerbée du cinéphile lambda), ce type d’évènement permet aussi la redécouverte de films certes cultes mais parfois malmenés avec le temps, jusqu’à, pour certains, devenir la bête noire de cinéphiles. C’était le cas, en out cas pour ma part, de ce Titanic, pour moi, avant ce troisième (ou quatrième ?) visionnage du film, navet gnangnan, banal et interminable, avec un DiCaprio a fleur bleue dans un de ses seuls mauvais rôles. Force est de reconnaître que l’expérience, qui permet de découvrir les films dans des conditions optimales comme cela n’était pas le cas pour moi et Titanic jusque là, m’a ouvert les yeux sur un certain nombre de points essentiels. Sans me faire adorer le film, cette vision de un autre genre m’a toutefois permis d’en comprendre tous les enjeux, toutes les qualités, et quelques une des raisons des défauts.
Tout d’abord, il faut reconnaître que James Cameron, en tout cas pour ce qui est de ce film, est un grand metteur en scène. Si il se fait déjà un peu ancien, son film n’a toutefois en aucun cas vieilli de un point de vue technique, encore aujourd’hui il parvient, malgré l’affluence sous nos yeux de films d’action et catastrophe, à conserver son invraisemblable puissance évocatrice, le naufrage du navire étant impressionnant aux yeux du spectateur. On en est à essayer, en vain, d’imaginer le travail de Cameron pour décrire avec une telle force toutes ces situations, qui hypnotisent autant qu’elles fascinent de par leur incroyable justesse narrative. Tout, de la caméra au montage, transpire le besoin, satisfait sans aucun doute, d’impressionner le séparateur.
Non, si le film a vieilli, ce n’est pas un problème technique. Non la forme, mais c’est plutôt le fond qui bloque un peu aujourd’hui. Si la romance entre Jack et Rose a ses intérêts thématiques (l’élévation ou au contraire la régression sociale, la puissance du souvenir, la force de l’amour contre les frontières sociales), c’est la manière dont elle est racontée à l’écran qui, parfois, bloque le spectateur qui regarde le film en 2010. Le film appartient en effet, selon moi, à un genre presque révolu dans le cinéma contemporain : la romance hollywoodienne. À la manière de Twilight, le film de Cameron n’est pas mauvais, il n’est simplement plus de son temps au niveau des choix narratifs, et gère assez mal le tournant de l’évolution cinématographique de ce point de vue. Couchers de soleil, invraisemblable pudeur sexuelle, plans sur un enfant gelé dans l’eau, tout est fait pour émouvoir le spectateur à coups d’artifices un peu dommageables, on a cette étrange impression que le réalisateur ne croyait pas assez à son histoire, pourtant diablement émouvante en soi, se sentant obligé d’y ajouter tous ces détails qui n’ont pas lieu d’y être.
Le film en prend donc un coup sur son statut mais se laisse toutefois très bien regarder si on prend du recul, et ses quelques trois heures de visionnage passent en fait assez rapidement. Un mot du jeu d’acteur : si Di Caprio n’est pas si mauvais que dans mes souvenirs il surjoue tout de même en diable, et est loin de l’excellence qui le caractérise aujourd’hui dans la totalité de ses rôles récents. Non, la vraie star du film, celle qui n’a jamais cessé d’être une grande actrice, depuis ses débuts, c’est bien Kate Winslet, qui brille dans son rôle de bourgeoise au désir d’évasion, et émeut toujours sans artifice son spectateur qui ne peut regarder qu’elle. Son charme fou, associé à un talent indéniable, apporte une autre dimension au personnage de Rose, et on suit son évolution avec délice et émotion.
Enfin, parlons de ce qui nous concerne ici, de la raison de ce nouveau visionnage : la musique de James Horner. En raison du décès de celui-ci, l’audition par le spectateur de l’interprétation de sa plus belle réussite a ici atteint une autre dimension, et beaucoup étaient en larmes à la fin du film, non pas à cause de sa fin mais à cause de l’émotion suscitée par ce vibrant hommage. Inutile de dire que ce score est somptueux, à l’égal d’Hans Zimmer ou d’Alexandre Desplat, parfaitement adapté au situations, prenant en diable, et mérite de rejoindre le Panthéon des plus belles musiques de film, aux côtés du Retour du Roi ou de Corpse Bride. C’est cette soirée exceptionnelle au palais des Congrès qui nous a permis de nous rendre compte de quel formidable compositeur nous avions perdu. Cet hommage, à lui seul, valait le déplacement.
AMD