On a terminé

The Exorcist : vous avez loupé quelque chose (spoilers indiqués)

L’Exorcist, c’est 5 films, 2 romans et désormais une série télévisée de qualité.

Jeremy Slater a commis le script de Fantastic Four l’année dernière. Mais on peut lui pardonner puisqu’il a clamé que pratiquement rien n’a été gardé à l’écran. Cest donc vierge de tout soupçon que l’auteur du script de The Lazarus Effect avec Olivia Wilde propose sa version de The Exorcist pour Fox en septembre. Adaptée du roman original de William Peter Blatty, la série se veut avant tout un prolongement au film éponyme L’Exorciste à cause des références faites. Vous le verrez, c’est bien plus subtil que ça.

La famille Rance s’installe à Chicago, mais la tranquillité du foyer est déjà bien mise à mal. Le père sort d’un choc traumatique important et la fille a eu un accident qui a pris la vie de sa meilleure amie. Il reste la seconde fille qui entend des voix et la mère qui se réfugie dans l’Eglise du Père Tomas.
À la fin du premier épisode, une possession démoniaque est constatée et, la série n’arrêtera jamais de nous surprendre, en bien comme en mal.

Il faut quelques épisodes pour que la série trouve son rythme et son identité, mais il ne faudra qu’un épisode pour intriguer. Avec un script malin, ce premier épisode parvient à étonner par sa montée en tension et sa révélation bien sentie. Dès lors, la série proposera une atmosphère assez spéciale, coincée entre le désir d’offrir un spectacle estampillé network et une histoire d’épouvante digne du câble. D’ailleurs, on aurait aimé voir la série sur FX en duo avec American Horror Story que sur Fox. La photographie assez spéciale de la série peut gêner. En effet, les couleurs sont très contrastées et on se demande même si ce n’est pas ça qui a rebuté le public (à peine, 1.7 million de personnes par épisode). Ce choix esthétique est pourtant pertinent, donnant une vraie identité à la série, la renforçant d’épisode en épisode et proposant des séquences de grâce gothique exceptionnelles ou un univers

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La série suit donc l’exorcisme [wc_toggle title= »SPOILER » layout= »box« ] de Casey[/wc_toggle] pendant plusieurs épisodes devenant ainsi le plus long que la télé et le ciné ont proposé sauf erreur. La grande force de la série est de renouveler l’exorcisme en ne proposant pas une bête séance d’exorcisme étirée sur 10 épisodes, mais bien le combat entre le Bien et le Mal avec une dimension humaine. La série n’est pas prêchi-prêcha pour autant. Elle arrive à instaurer les codes religieux à l’intérieur d’une quête le plus souvent personnelle. Les personnages ont des démons intérieurs qui les suivront jusqu’au dénouement.

La famille Rance éclate avec cet exorcisme. Chaque membre trouve un refuge quelque part et c’est bien là que la série se démarque des autres séries de networks. Le traitement des personnages est assez spécial. Les scènes ne s’enchaînent pas bêtement sur un script balisé. The Exorcist se permet de balayer d’un revers de main la structure rincée des séries « grand public » des networks en jouant sur un rythme totalement aléatoire, alternant scènes intimistes et horreur absolue. Par-dessus cet exorcisme, ce cas de possession cache surtout une conspiration religieuse de grande envergure qui prend de plus en plus de poids au fil des épisodes et transforme The Exorcist en série complotiste originale.

Vacillant sans cesse entre la monstration et le grand-guignol à la Supernatural et le psychologique à la Outcast, The Exorcist se permet de constamment voguer sur la ligne fragile de la série divertissante et intelligente. Rechargeant sa ligne narrative par ajout d’intrigues et de sous-intrigues, The Exorcist transforme l’essai de main de maître. Les prêtres Marcus et Tomas sont au centre d’un monde où les démons sont plus que présents dans nos vies. A l’instar de Supernatural, les hôtes de ces entités font partie de castes bien limitées. Soient elles sont issues du clergé, soient des bas-fonds de la ville. C’est là où la série touche à une question importante. Les laissés-pour-compte, les fragilisés socialement et psychologiquement sont autant de cibles faciles pour la possession que les croyants qui se laissent avoir par les écrits Bibliques et les croyances pré-établies. Jamais clairement exposé, ce postulat ne joue pas en la défaveur du propos. Les personnages ne remettent pas en compte leurs croyances et la série ne se permet pas d’ouvrir le débat concrètement. Aussi, il est difficile tout simplement de trouver dans la série quelque chose de caricatural dans la recherche de la foi ou dans l’aveuglement. Il y a toujours une approche audacieuse de la foi de chacun, respectable et respectée. À l’image du père Tomas qui sur les dix épisodes de la saison, se permet de pêcher en couchant avec une femme tout en remettant en cause son approche religieuse. Jusqu’à la toute fin, on comprend que le démon intérieur de chacun ferme littéralement les portes de l’inconscient et de la liberté de pensée. Le Père Marcus est clairement le personnage le moins parasité. Il a trouvé son Epiphanie très tôt et devient le repère, le pivot, la référence pour le Père Tomas.

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The Exorcist ne propose pas un bête postulat manichéen en évitant tout simplement de faire des personnages des martyrs ou des cibles faciles pour une empathie artificielle. Le spectateur ne peut se contraindre à choisir entre comprendre l’origine des personnalités plutôt que de voir l’évolution. Et par un twist scénaristique bien vu, The Exorcist s’inscrit beaucoup plus dans une suite que dans une adaptation du roman. On comprend que [wc_toggle title= »SPOILER » layout= »box« ] la mère, Angela Rance est en fait Regan McNeil, la petite fille possédée du film L’Exorciste, alors on voit que[/wc_toggle] la série joue sur bien plus que des références. On gagne en intensité dramatique, en épaisseur des personnages et l’intrigue gagne en intérêt. Et d’une série d’exorcisme, on passe à un combat personnel.

C’est là que la notion de démon intérieur joue beaucoup. Dans le final, on se retrouve déçus de voir la moitié de l’épisode se baser sur des scènes qui montrent concrètement les démons intérieurs. Cette facilité scénaristique qui permet d’étendre artificiellement le suspens ne fonctionne pas beaucoup puisqu’elle est, un tantinet, clichée et peu inspirée. Tout ça amène un final qui ne surprendra pas beaucoup de personnes mais qui reste totalement immersif. En se dotant d’une seconde possession à trois épisodes de la fin de la série, on comprend aisément que le peu d’épisodes commandé (10) suffisait amplement. L’histoire patine un peu en fin de saison et s’en sort par une grande maitrise de son ambiance. L’épilogue est moins intense que celui du premier exorcisme qui manquait lui aussi d’énergie. On sent que la série ne pouvait pas dépasser le formatage Fox.
Ça n’empêche en rien la série de proposer des scènes graphiques à tomber.
La possession empire d’épisode en épisode et les manifestations sont clairement spectaculaires (et un tantinet grand-guignol effectivement sur de rares cas). On se souviendra d’une bénédiction dans l’eau d’un lac avec un effet simple, efficace et d’une beauté très convaincante ou encore de la vision du démon assis sur la possédée.
Côté acteurs, évidemment, Geena Davis surprend de par sa présence déjà mais aussi par un rôle qui évolue sans cesse. Avoir un nom comme ça dans une série peut un peu détacher le spectateur (on voit Geena Davis avant de voir un personnage). Alan Ruck fait le minimum, pas aidé par un personnage en constante réécriture. Son manque de charisme naturel n’apporte donc rien. On notera l’excellente et épuisante prestation de Hannah Kasulka ! Alfonso Herrera (Tomas Ortega, Sense 8) et Ben Daniels (Marcus Keane, Rogue One) sont habités par leurs personnages et délivrent une performance honorable.
La musique et la réalisation sont parfaites, d’ailleurs, côté musique, il était étonnant d’entendre le thème du film pendant un épisode. La référence était poussive et dispensable.

The Exorcist est parvenu à devenir l’une des meilleures séries d’horreur de ces dernières années. La série propose une ambiance pensante, deux intrigues qui ne se cannibalisent pas et des personnages si ce n’est attachant, au moins bien écrits. 10 petits épisodes constituent cette saison qui ne sera sûrement pas suivie par une seconde saison.

Tom Witwicky

Créateur de SmallThings, 1er Geek Picard de la planète Exilé dans le 92

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