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Terminator Genisys : not in time

La saga revient avec un cinquième opus attendu au tournant après le raté intersidéral Terminator Renaissance. Où l’on se retrouve et on se reperd, en ayant du mal à trouver ses repères. Explications.

Terminator Genisys, c’est toujours la même histoire : John Connor a le feu aux fesses dans le futur, et, malgré une victoire décisive, doit contrecarrer les plans de la diabolique Skynet en envoyant son fidèle second (mais aussi papa) Kyle Reese dans le passé afin de protéger sa mère, la femme la plus stalkée au monde, Sarah Connor. Sauf que tout ne se passe pas comme John l’avait pensé, puisque Skynet avait un plan B…

Avec toutes les lignes temporelles dans lesquelles le film nous emporte, il est difficile de savoir par où commencer ; heureusement, le film nous fait une faveur en entamant le début du voyage temporel de Kyle Reese par une scène devenue culte pour les fans de la première heure de la saga : le Schwarzenegger de 1984 en quête de vêtements qui va agresser des jeunes. Soit, cela donne un joli petit combat où Schwarzy (c’est plus court) jeune se bat contre Schwarzy vieux, premier moment de gloire de l’ex-gouverneur pour son retour dans la saga. On se dit dès lors que le film va s’appuyer sur ce petit hommage détourné pour (re)construire sa mythologie, après une demi-heure d’introduction insipide dans le futur, où Alan Taylor se prend tous les panneaux possibles, entre voix-off qui nous prendrait presque pour des cons, et des dialogues vomitifs entre John Connor et Kyle Reese, le tout sous le feu des balles des Terminators. Toutefois, Taylor parivent assez bien à redresser la barre en s’appuyant en effet sur les mythologies créées par les deux premiers volets de la saga, et ainsi implanter sa propre histoire originale, de sorte qu’avec cette idée, la réflexion devient méta-terminatoresque, de par les enjeux et les personnages visés. Terminator Genisys devient ainsi à Terminator ce que Jurassic World est à Jurassic Park : un retour aux sources après un précédent volet douloureux.

Skydance
Skydance

Taylor joue avec les lignes temporelles, proposant un voyage dans le temps créant un univers parallèle, univers parallèle dans lequel un nouveau voyage dans le temps est effectué. Bref, Taylor use d’une petite subtilité (et d’un Schwarzy en gros nounours protecteur face au méchant T-1000) pour échapper à l’auto-référencement des Terminators 1 et 2. Il s’agit de suivre dans cette aventure bien alambiquée où tout semble remis en cause sauvagement (SPOILER), mais où au final Skynet reste l’ennemi, sous couvert d’une « evil » multinationale qui va prendre le contrôle grâce à son nouveau programme Genisys (soit en gros Skynet qui redevient Skynet dans une autre temporalité), histoire de bien mettre les pieds dans le plat et justifier le titre du film. C’est intéressant, mais c’est au final un peu gros : sans vous dévoiler l’intrigue, et pour être synthétique, les rôles sont inversés grâce à cette astuce d’univers parallèle. Ainsi, Schwarzenegger est un T-800 définitivement passé du côté lumineux de la Force, et surtout, Kyle Reese et Sarah Connor voient leurs rôles bouleversés, car ils ne sont plus les messies dont les actions sont déterminantes par rapport aux envois de Terminators dans le passé, mais les martyrs de cette « Genisys », nouveaux enjeux et surtout nouvelle trilogie obligent ; la logique auto-réalisatrice, base du triangle incestuo-oedipien sur laquelle est basée Terminator (le fils qui envoie son père coucher avec sa mère), est par ailleurs balayée. Le film paradoxalement surfe sur deux vagues contraires de l’habileté avec laquelle il passe d’un univers à un autre en s’appuyant sur les bases originelles pour définir de nouveaux contours, mais aussi du passage en force du fait qu’on ressort avec de nombreuses questions, les deux principales étant « comment Skynet a crée cet univers ? » (un personnage en est responsable, mais on ne sait pas vraiment comment ni pourquoi), et « pourquoi y a-t-il un Terminator qui protège Sarah Connor et qui l’a envoyé ? ». Comme si on voulait de force nous faire avaler la pilule rouge… Et cerise sur le gâteau, la fin est ratée : on bascule dans un happy end dégoulinant (littéralement) où « tous les futurs sont possibles ». Et ce n’est pas la scène post-générique toute aussi prévisible qui rattrapera ce goût amer laissé dans notre bouche…

genisys
Skydance

C’est dommage, car malgré ses coutures un peu alambiquées, le film fait ensuite le job niveau puzzle temporel, de manière très classique, cela associé à un humour pince sans rire (Alan Taylor fait partie de ces fantasques réalisateurs passés chez Marvel et son comique très second degré). Mais le bât blesse avec cette philosophie de comptoir qui plombe le film à absolument tous les moments forts : on a mentionné le début où c’est surabondant, mais les « j’apporte la mort quoique je fasse » de Sarah Connor ou le « Je ne suis pas un héros, mais je vais tout faire pour te protéger » sorti à toutes les sauces par Kyle Reese, c’est imbuvable. Cela, malheureusement, prend le pas sur les scènes d’action, comme si Taylor voulait justifier son scénario à tous les instants et dire aux fans « regardez je fais pas comme Terminator Renaissance j’ai un scénario ». Cela ne sert d’ailleurs pas le jeu d’acteur de Jai Courtney, toujours avec un temps de retard, ou même d’Emilia Clarke, qui semble porter tout le poids de son rôle sur ses épaules. Au milieu de ce bordel où Jason Clarke fait le John Connor le plus fade de l’univers, JK Simmons semble complètement paumé, coincé avec un rôle dont on se demande l’utilité… Matt Smith, l’autre inconnue du casting (on ne savait pas jusqu’à la sortie son rôle précis), augure de belles promesses, de par le rôle donc, mais aussi le talent de l’acteur (qui en cinq minutes à l’écran est plus appréciable que les deux Clarke et Courtney). Quant à Schwarzy, l’évidente tête de gondole, il cabotine avec un plaisir certain, maniant une auto-dérision sympathique qui reste toutefois trop répétitive (deux fois la blague de cul et trois fois le sourire, tout ca pour un robot, c’est un peu lourd).

Terminator Genisys, c’est donc un scénario plein de promesses, mais au final beaucoup de questions et un peu de frustration. Correction du tir en 2017 pour le sixième film, puis en 2018 pour le septième ?

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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