Stranger Things, concept déjà à bout de souffle (100% spoiler)
L’année 3 de Stranger Things est désormais disponible sur Netflix. Constat d’une série qui a perdu pas mal de points.
On avait quitté Hawkins avec quelques blessures et cicatrices. La saison 2 peinait à renouveler la surprise et la bonne ambiance de la saison 1. Malgré le gros succès public et critique de la série, on avait quelques réserves que le binge watching a totalement occulté pour beaucoup de personnes.
Eleven n’étant plus la seule héroïne, la cote de popularité de certains personnages qui étaient « problématiques » (ah ce terme magique) passant du rouge au vert, Stranger Things avait réussi son passage à la seconde saison pour beaucoup.
On ajoute du contenu sans changer le contenant
Cette saison 3 continue d’explorer le portail et ses Démorgorgon en gardant les nouveaux personnages (Billy et Max) et en en ajoutant encore d’autres comme Robin (fantastique Maya Hawke, fille d’Uma Thurman et Ethan Hawke) et Erica (insupportable personnage très bien campée).
Autre ajout : le ton léger. Stranger Things était avant tout un divertissement familial à la portée nostalgique certaine, il était impensable de garder une atmosphère pesante. Les personnages aidaient à aborder ces thématiques avec détachement. Mais la saison 2 semblait devenir plus sombre quand la saison 3 se la joue trop légère.
Les personnages flirtent, ils sont au début de leur adolescence. Ce qui n’était que traité en surface auparavant devient un passage obligé dans le script. Il y a donc une grosse partie de la saison qui vise les relations entre personnages. Et les scènes deviennent lourdes, étirées et elles comblent les 8 heures d’intrigues.
L’écriture filmique dans ses limites
Car oui, la saison prend son temps, trop son temps. Il y a vraiment une écriture filmique plutôt que sérielle qui se met en place de plus en plus dans beaucoup de séries. Chaque épisode n’est qu’un chapitre. Pensant que les personnages étaient les plus intéressants, les frères Duffer ont préféré jouer sur les acquis. La romance Mike / Eleven est là, la structure en groupe (paire, trio ou quatuor) éclate le récit en mini-intrigues et nous avons donc une série qui délite son propos.
Le récit fragmenté, la temporalité n’est plus respectée. La scène s’arrête quand une autre arrive et reprend après elle. Le suspens se retrouve artificiellement recréé pour éviter de raconter du hors-champ. Dommage. Les personnages s’arrêtent donc de vivre quand ils ne sont pas à l’écran. Robin et Steve se chamaillent et on sent que le duo (transformé en quatuor avec Dustin et Erica) va se tourner autour. Le sérum de vérité injecté à Robin et Steve, l’énervement de Hopper, la rupture entre Mike et Eleven, la mort d’Aleksei, Nancy malmenée au taf sont autant de prétexte pour offrir des scènes qui explorent et exploitent ses maigres idées sur des dizaines de minutes non nécessaires. Dans une série aux intrigues épisodiques, ça ferait le job. Là , on a juste l’impression qu’il faut retarder l’échéance.
Des personnages oubliés et sacrifiés
Eleven a commencé une vie sociale, elle a plus de repères qu’au début, elle devient sociable. Elle fréquente Mike sous les yeux de Hopper. Ce dernier et Joyce s’entendent comme chien et chat. Lucas et Max sont discrets, Nancy et Jonathan sont encore plus discrets et Dustin redevient l’électron libre du groupe. Will, lui, se Harry Potterise, ou plutôt se Daniel Radcliffise. Toujours porteur de la marque des Demorgorgon, il devient le baromètre de la menace et… c’est tout. Son air ahuri restera le même durant les 8 épisodes. Central dans la saison 1, il était devenu la principale victime en saison 2. Il n’est plus rien désormais, juste bon à se toucher la nuque pour exprimer une menace approchante.
Eleven, d’ailleurs, n’est plus vraiment un personnage qui est intéressant pour son passé. Elle n’est plus que celle qui tend les bras pour se battre. Gimmick en saison 1, prétexte en saison 2, ça devient une récurrence dans chaque épisode. Le problème est qu’on ne sait plus comment exposer son pouvoir et le jauger. Pour expliquer qu’elle a utilisé son pouvoir pour qu’une machine à friandises donne la moitié de son stock à Mike et Lucas, on la voit s’essuyer le nez. Le public n’est pas idiot, a déjà deviné. Pas besoin de voir une goutte géante sortir de son nez pour quelques paquets de quelques grammes quand elle a une goutte plus petite le temps d’un combat avec un monstre géant.
Désormais impuissante (puberté oblige?), Eleven rejoint Max, Will, Lucas dans le sac des personnages qui n’apportent rien.
Il y a plein de petites facilités comme ça qui parsèment le récit. Il y a une fête foraine? Faisons une scène dans le palais des glaces évidemment. Suzie, la copine imaginaire de Dustin n’est toujours pas apparue ? On en fait une scène où les deux chantent en pleine menace pour offrir un moment hors du temps alors que le menace est imminente.
La menace? Quelle menace?
Pour ceux qui ont adoré les personnages et qui aiment qu’on les travaille plus ou moins bien, la saison 3 sera une réussite
. Pour les autres qui aiment un peu de tenue et de cohérence, c’est raté. Joyce et Hopper cabotinent au possible, acteurs de scènes longues, trop longues où Winona Ryder semble toujours sous coke et David Harbour est en roue-libre, le public assiste, impuissant à des joutes verbales indigestes.
Vous l’aurez compris, le récit étiré, les personnages dans des situations peu pertinentes, c’est un constat un peu amer que l’on fait de cette saison 3. Encore une fois, si on n’est pas difficiles, on aimera cette saison, amusé des scènes de marivaudage, heureux de retrouver un univers..
Mais creusons encore. La menace n’est qu’une répétition des précédentes saisons sans grande surprise. Pire, l’idée même de la menace s’arrête encore une fois au cercle des personnages. Même si on voit beaucoup d’habitants de Hawkins touchés par le Mal (dans des scènes extrêmement gores mais très bien fichues), la menace s’arrêtera au centre commercial. Même les Russes ne seront là que pour créer du liant, jamais autre chose. Quand Dustin et les autres infiltrent la base Russe, tout a l’air très facile et ce pan d’intrigue n’apporte finalement rien. Ils découvrent l’immense machine qui ouvre le portail en quelques secondes après 30 minutes de jeu de cache-cache et de cachetonnage. La partie Hopper / Joyce / Murray / Aleksei (appelé Smirnoff par Hopper. LOL) dure beaucoup trop longtemps pour une simple information. Aleksei ne servira d’ailleurs qu’à des scènes comiques et détachées de l’intrigue. Sa mort sera d’ailleurs assez vaine et permettra d’éviter de gérer un personnage pour le final.
D’ailleurs, parlons des Russes. Qu’on les trouve clichés, c’est normal. On est dans une fiction qui se passe dans les années 80. Même si l’oeuvre est écrite maintenant, l’image des Russes est clichée pour cette époque, il faut donc la retranscrire tel quelle aux yeux des personnages. La série le fait mais aussi dans sa globalité. La menace russe reste une caricature et ne va pas plus loin que ça.
Une saison 3 mieux que la 2
La saison commence vraiment à l’épisode 5 (sur 8) mais on sent encore des scènes qui tirent en longueur pour n’offrir, en plus, que des moments de légèreté, de comique de situation. Le dernier épisode dure 1h17 et ce grand final met encore du temps à concrétiser les idées. Il reste encore 40 minutes quand on croit qu’on est proche de la conclusion. Mieux (ou pire), la saison se permet 20 minutes d’épilogue pour offrir une porte de sortie presque définitive aux personnages. Et encore là, la temporalité est étrange, nous montrant deux fois un départ de personnage. La dramaturgie s’en retrouve affaiblie.
Comme dans beaucoup de série, la saison 1 est intouchable, la saison 2 essaye de faire mieux, plus grand, plus fort mais ne fait pas mieux. Et la saison 3 est en dent de scie.
C’est toujours très bien fait, très bien produit, le monstre final, les décors ont pris du galon. Mais on sent juste que la série peine à raconter autre chose. Il faut vraiment beaucoup aimer la série pour apprécier sans pinailler. Car oui, on pinaille, on voit clairement que la série ne cherche pas à innover mais à plaire. On le ressent. Mais le succès est là. La saison 3 a été très suivie.
Avec à peine 25 épisodes au compteur, la série semble déjà devoir passer à autre chose. La saison 4 pourrait être la dernière. Ce ne serait pas une mauvaise idée.