Star Wars : Le Réveil de la Force – L’espoir a fait vivre
Nous y sommes enfin après des mois, des jours, des semaines, des années entières à attendre ce septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force est enfin arrivé. Après avoir été abreuvé de bande-annonces ces derniers temps, la question maintenant est : quel résultat ?
ATTENTION ! DES ÉLÉMENTS DE STAR WARS : THE FORCE AWAKENS VONT APPARAÎTRE. Disney a mis en place une sévère politique d’embargo, qui est de bonne guerre, compte-tenu de l’ampleur de l’événement (et aussi du fait qu’on n’a pas attendu des mois pour se faire spoiler l’un des films les plus attendus de la décennie). Mais pour que cette critique soit complète, il faut nécessairement en passer par des révélations sur l’intrigue, aussi minimes soient-elles (en tout cas on fait tout pour).
Tout le monde se posait la question de savoir où était Luke Skywalker. Absent des bande-annonces pour mieux garder le suspense sur son rôle, le fils d’Anakin est en fait carrément le sujet principal de ce nouvel opus ! En effet, Luke a disparu, et il devient pour cela un enjeu crucial, traqué, dans un univers où le sinistre Premier Ordre, mené par Kylo Ren et le Suprême Leader Snoke, fait des siennes pour renverser le nouvel ordre établi par la Résistance, dirigée elle par la générale Leïa Organa. C’est dans ce monde de fous que Rey, une jeune pilleuse d’épave à l’histoire floue, et Finn, un Stormtrooper au passé tout aussi trouble, débarquent pour tenter de faire basculer les choses du bon côté de la Force…
Par où commencer ? Pour un film aussi fantasmant et fantasmatique que Le Réveil de la Force, multiples chemins sont possibles, à la mesure du nombre de questions que l’on se pose à l’orée d’une nouvelle trilogie pour la saga. En premier lieu, il est clair que ce film a été fait par un pur passionné de la saga : JJ Abrams l’a toujours revendiqué, et cela se voit à travers une réalisation, des effets spéciaux, et une esthétique véritablement somptueux. Ceux qui ont vu les deux films Star Trek sauront que dans la catégorie « reprise en main de sagas cultes », Abrams ne fait pas les choses à moitié. Ce septième épisode est une pure claque visuelle, dans la continuité mais surtout supérieur à l’épisode III notamment, qui déjà ébouriffait côté images. Le film, déjà porteur de plusieurs scènes qui feront ainsi date, rend aussi hommage à la saga par la précision de sa peinture de la galaxie, d’une part, mais aussi de ses protagonistes, des personnages aux chasseurs TIE en passant par le vaisseau amiral du Premier Ordre ou les systèmes Jakku et Illeenium. Star Wars : The Force Awakens opère dès lors comme un monde à part dans lequel on ne distingue plus ce que l’on ressent et ce que l’on vit, ce à quoi on assiste, tant toutes les conditions sont réunies pour offrir une expérience incroyable. Pour ceux qui le verront au cinéma (et c’est une quasi-obligation), entendre les fameuses musiques de John Williams seront un bonheur auditif, que ce soit pour celui qui a connu les 6 films, depuis 1977, ou celui qui n’a connu que la prélogie, depuis 1999, ou même celui les ayant découvert rétrospectivement. Les célèbres transitions, tout en effaçage, sont fidèlement retranscrites, les bruitages également, et quant aux sabres lasers, bien plus agressifs dans le trait que leurs prédécesseurs, ils permettent une immersion accrue : JJ Abrams a tout fait pour mettre le spectateur à l’aise autant que donner à la saga une nouvelle jeunesse à l’écran, et ce sans jamais trahir ses idéaux ni ceux qui ont amené Star Wars sur grand écran. Un vrai tour de force.
Mais ce qui nous fait trépigner d’impatience, c’est aussi de savoir ce qui arrive aux personnages. Rappelons que ce film se situe après l’épisode VI, 32 ans après, et que l’on a devant les yeux une vraie suite de Star Wars. LucasFilm et Disney ayant déclaré les livres post-épisode VI non-canons, Abrams partait de zéro, mais était épaulé par Lawrence Kasdan, scénariste des épisodes V et VI, pour ne pas se retrouver complètement paumé. Cela n’a bien sûr pas empêché les multiples spéculations, alimentées par les brouillages de piste orchestrés par l’équipe technique. Or, nous parlions justement d’hommage : celui-ci ne s’arrête pas aux considérations esthétiques, bien sûr. Abrams a poussé le bouchon jusque dans un scénario qui est un message d’amour d’un admirateur à une saga et à son créateur, George Lucas. La manière dont est dépeint l’affrontement entre le Premier Ordre et la Résistance rappelle clairement l’épisode IV (à qui sont faites en grande partie les références). Ensuite, il n’y avait pas tellement besoin d’avoir vu le film pour comprendre que Kylo Ren (dont les sautes d’humeur sont délicieusement terrifiantes) cultive la ressemblance avec Dark Vador, ou que Rey a un destin très similaire à Luke : fan de courses, au destin semblant bloqué à piller des épaves mais qui ne s’en laisse pas compter (elle botte quand même le cul de plusieurs gars tentant de lui voler BB-8), mais à qui tout tombe sur la tête, aidée, dans un rapport inversé cette fois, du jeune premier Finn, appelé à devenir, probablement, plus qu’un compagnon de route, tels que furent Leïa et Luke, puis Leïa et Han. Ce dernier couple, probablement le plus emblématique de la saga, est au coeur d’une problématique affectivo-amoureuse, puisqu’il est lié à un des personnages clés de cet épisode. Et sans révéler ce dont il s’agit précisément, on dira que JJ Abrams a cultivé l’hommage jusqu’à un point de rupture : bas les masques, et pas de quartier. ATTENTION SPOILER IMPLICITE Vous verrez bien vite que JJ Abrams s’est réapproprié le mythe pour lancer l’histoire sur des bases plus libres d’un postulat relationnel… Abrams finit par écarter le père et laisser les enfants se battre pour l’héritage. Si beaucoup de choses ressemblent à Un Nouvel Espoir, mais non seulement ca n’enlève rien au plaisir (la nostalgie devient un élément de fanservice et nous fait toujours décocher un sourire, comme quand Han veut envoyer Phasma dans un compacteur à déchets) ; et la manière de renverser les schémas, avec un Kylo Ren torturé, l’humanisation des Stormtroopers à travers Finn, le renversement du genre avec une fille en personnage principal, font de ce film une fresque extrêmement maîtrisée, canonisant la mythologie, statufiant subtilement des anciens qui deviennent des fantômes des Noëls passés, présents, futurs afin de mieux lancer dans le grand bain d’un univers impitoyable. La dernière scène de bataille en est le fer de lance. Et le mieux, c’est qu’il reste énormément de choses à découvrir.
Surtout, Abrams, par un style presque agressif (il suffit de voir les designs des sabres lasers et le bruit et la lumière qu’ils font désormais), tranche avec le contemplatif qu’offrait à plusieurs moments la saga originelle, pour intégrer directement le spectateur à l’action. Le réalisateur a une volonté d’imposer sa propre patte, qui ne soit celle ni d’un divertissement spielbergien, ni celle d’un film aux accents hollywoodiens où tout serait cousu de fil blanc, et qui ne peut se contenter d’être « un Star Wars de plus ». En ce sens, la création d’une nouvelle Cantina, où règne la millénaire Maz Tanaka (sorte de Yoda de service), aux capacités prémonitoires, apparaît comme un pont métaphorique et générationnel entre les époques intergalactiques et cinématographiques. Abrams a clairement eu envie d’à la fois restituer son identité à la saga, mais aussi d’y implanter une identité, et une mentalité, celles de 2015, une sorte de rupture dans la continuité qui fait que Star Wars marche avec son temps, mais préserve ses coups d’avance. En ce sens, la promotion autour du film, bien aidée par les multiples rumeurs contradictoires, ont aidé à brouiller les pistes ; car les bases autour desquelles tourne ce septième épisode sont celles d’un grand chambardement, et on ne parle pas que du réveil de la Force. Le plus emblématique reste au niveau des personnages, notamment Han Solo (Harrison Ford n’est jamais aussi agréable que quand il revient à ses premiers amours, même dans Indiana Jones 4), bien plus présent qu’on ne l’imaginerait, guidant Finn et Rey sans jamais leur voler la vedette (il se moque même de sa personne quand, coincé entre deux bandes à qui il doit de l’argent, il dit « Je vais m’en sortir de là en parlant, comme d’habitude », ce à quoi Chewbacca lui répond que ca ne marche jamais). Les apparitions des anciens sont d’ailleurs assez ponctuelles pour aider à la saga à consolider ces nouvelles bases : ainsi R2D2 n’apparaît-il vraiment qu’à la fin, tout comme C3PO, tandis que Leïa (sans ses macarons !) ne prend vraiment d’importance que dans la seconde partie du film.
Jamais pompeux ou lourd, sans temps mort, Le Réveil de la Force peut compter sur des protagonistes et des éléments dynamiques pour rendre l’intrigue et donner corps et âme à un scénario qui n’a pas besoin de partir jusque dans les méandres de la Force (coucou les midi-chloriens) pour garder une impulsivité très agréable à l’oeil et à l’oreille. Se succèdent ainsi les batailles aériennes (plusieurs affrontements intenses entre X-Wings et Chasseurs TIE), mais on a bien sûr droit à des combats au sabre laser d’une force assez hallucinante, renforcée d’une part par l’énergie des acteurs (Daisy Ridley notamment est surprenante tout au long du film par sa spontanéité de jeu), et d’autre part par la manière de filmer très proche des belligérants, permettant de ressentir pleinement l’explosivité, les émotions dégagées par la scène, et la mise en scène. Ainsi Finn porte-t-il avec une puissance rare, sous son casque ensanglanté de Stormtrooper, la scène de massacre du village, par son hésitation face à l’horreur perpétrée par des méchants au style nazi. Faisant par là écho à la scène de revue de l’armée, le film reprend à la série animée Clone Wars le travail sur la psychologie Stormtrooper : à travers Finn, bien sûr, qui veut fuir un système devenu totalitaire où un Suprême Leader fait la loi et où on fait presque le salut fasciste ; et à travers le capitaine Phasma, on sent bien l’embrigadement à une cause dite grandiose pour justifier les exactions, accentuant un peu plus la servilité comme atteinte au libre-arbitre de ces clones. Par ailleurs, le film ne manque pas d’un humour très sympathique (porté en grande partie par un John Boyega qui flirte en permanence avec le surjeu sans que ce ne soit jamais préjudiciable) ponctuant ses différentes séquences. Cerise sur le pari réussi : outre les designs des sabres lasers mentionnés plus haut, la dégaine des Stormtroopers (surtout la capitaine Phasma vraiment splendide) ainsi que les costumes dans leur ensemble, réactualisés pour l’occasion (cf l’échange entre Leïa et Solo où celui-ci rétorque qu’il a une nouvelle veste, et pas l’ancienne), rendent tout à fait bien à l’écran, tandis que Kylo Ren fait un méchant parfait tout de noir et masque vêtu. Le style plus incisif de celui-ci ainsi que les moutures plus lisses et planes de ses soldats participent à l’aura sombre qu’ils dégagent face à la politique de la veste en cuir rebelle qui nous permet toujours aussi bien l’identification au personnage. Mention spéciale, enfin, à l’adorable BB-8, qui promet un duo jouissif avec R2-D2.
Star Wars : Le Réveil de la Force est donc un véritable plaisir cinématographique. Sans jamais exercer une quelconque prétention (l’aide artistique de Lucas se fait sentir), mais tout en ne s’en laissant pas compter, dépoussiérant ses prédécesseurs avec une distance respectueuse, à la fois classique et si particulier dans le sentiment éprouvé, JJ Abrams rend hommage à la saga d’une très belle manière, fait plaisir aux fans comme aux plus néophytes, et pose des bases excitantes (et la fin est là pour nous le confirmer) d’une nouvelle aventure intergalactique. Foncez !