Selfie : cata sans filtre
Parmi les pilotes de la rentrée américaine, le plus connecté est sans doute « Selfie » pour ABC. Karen Gillan et John Cho tentent d’améliorer leur personnalité mutuelle, pour un résultat maladivement superficiel et plat.
OMFG, mais j’en reviens pas de ce pilote. J’aurais carrément dû Snapper ma réaction ou mater des GIFs de pandas à la suite plutôt que de m’infliger l’histoire de cette nana qui se la joue trendy 2.0 mais c’est auch comment c’est un cassos. Elle va se prendre une dégommée de haters tellement violente qu’elle priera que la mire de l’annulation ou un seau d’eau glacée viennent l’achever.
Voilà, je me suis fait violence pour le paragraphe ci-dessus (NDR : jamais plus, promis, Tom), mais c’est à peu près un aperçu de la désespérante flopée d’adjectifs qui servent de réplique à Eliza Dooley, alias Karen Gillan. L’ex-Companion de « Doctor Who » vient donc tenter une carrière américaine par la grande porte, sur ABC, avec Selfie, une version super-contemporaine de My Fair Lady. Une série qui surfe donc sur l’ère de ce qui est décrit comme le narcissisme 2.0 et l’affiche à tout prix sur les réseaux sociaux, pour tenter d’en tirer un début de satire sociale. Sauf que passer derrière Audrey Hepburn et Rex Harrison pour une comédie en 2014 demande beaucoup de droiture, et ce n’est pas vraiment le fort d’Emily Kapnek (pourtant showrunner de « Suburgatory », qui a révélé le talent de Jane Levy à la face du Monde).
Doolittle a donc été écrite, non pas avec la volonté de donner corps à un personnage irrémédiablement « fashion victim », qui se fait mener en bateau par la gent masculine (le mec qu’elle voit était marié, ce qui amène la délicate et mesurée réaction de vomir dans un sac en papier), et un tantinet ingénue. Non, deux-trois articles de commentaire sociologico-baratinant dans le « New York Times », et pouf! Incollable sur les influentes anonymes! Tout juste apprendra-t-on que ce besoin d’attention et cette addiction aux réseaux sociaux vient de son statut de vilain petit canard, brièvement montré en plan de coupe, alors qu’elle est en solitaire au bal de promo. En comparaison, la Jess du pilote de « New Girl » est aussi fouillé qu’un personnage de « Sur Ecoute »! Bref, la vacuité de La Doolittle n’a d’égal que sa solitude… et son vague sentiment de culpabilité suite à une humiliation publique. Et le meilleur : c’est censé être notre héroïne principale. Karen Gillan semble avoir travaillé son accent américain en écoutant des albums de Ke$ha, ce qui n’offre pas le résultat optimal qu’on pouvait en attendre.
En comparaison, John Cho, résolument anti-réseaux sociaux et pince-sans-rire, fait des merveilles en Henry Higgins. Sa poussée d’altruisme, comparable à une poussée d’urticaire ou d’acné adolescente, va vaguement le pousser à transformer Eliza en être social… sous peine d’être virée. L’imagination sans limite de « Selfie » fait faire des gags à base d’ascenseurs sans wi-fi ou de sonneries débiles au mauvais moment, à savoir la comédie la plus fédératrice, et osons-le tout court : facile. Sous couvert de pitch next generation, c’est finalement une histoire des plus ennuyeuses et conventionnelles qui nous est servie. Eliza promet d’être plus altruiste, ou du moins prétendre l’être, tandis que Henry va tenter de se décoincer en étant plus fun et en glissant en terrain boueux. Ajoutons le caractère déplacé et gratuit de l’inclusion de « Paper Planes » de M.I.A. et on obtient donc un cocktail nocif, digne des plus mauvais épisodes de « Sex And The City », profondément niais, manquant de quasiment tout : originalité, montage efficace, utilisation correcte de ses interprètes et personnages secondaires. Une coquille vide, déjà has been avant même diffusion. « Jane The Virgin » : c’est à ton tour de faire mieux.