Et là, c’est le drame. C’est en effet un reboot total, y compris du comics, ou presque : nulle mention de Hamato Yoshi, maître de Splinter et du rival de Yoshi, Orogu Saki, et donc rayés de l’histoire ; changement d’origines dans la mutation des tortues ; changement d’apprentissage des arts martiaux ; changement dans la relation de la journaliste aux tortues, et changement même de l’histoire entourant April O’Neil. Alors pourquoi pas, mais encore faut il argumenter. Or ici, à part 2 3 scènes de combat, le scénario est bâclé, les scènes empilées, le final est bouclé en même pas 10 minutes, le disciple de Shredder bat le record du monde de l’ennemi le plus facilement et rapidement battu, devant le malade au nunchaku dans le premier Indiana Jones. Quant à l’intrigue, n’importe quel Marvel récent en a une plus originale. On ne s’identifie pas au personnage principal joué par Megan Fox : celle-ci montre ainsi, encore une fois, ses limites actancielles, qui se résument à une bouche pulpeuse et un joli cul, ressources bien insuffisantes pour donner de la profondeur à un personnage qui a un rôle si important dans le destin des Tortues ( car si le film, on y reviendra, s’écarte quelque peu des origines, dans les deux cas, la journaliste qui accompagne les tortues a un rôle assez prépondérant ). De même, il est impossible de s’attacher à n’importe quel personnnage : Frodon avait Sam Gamegie ; April a Vernon, un caméraman qui la soutient avec pour seule croyance une chance de finir dans son lit. Il pourrait être une poupée de chiffon qu’on ne remarquerait même pas la différence.
Quant aux ennemis, c’est le coup de grâce : Shredder a une armure qui le fait ressembler à un Transformer plus qu’autre chose ( Mais bon Dieu, qui a laissé Michael Bay jouer avec les manettes ? ) et son disciple… n’a vraisemblablement pas retenu les lecons de son maître. Alors certes on est dans un blockbuster, mais l’identification au héros/au personnage principal a toujours son importance, et aujourd’hui, seuls les ados prépubères s’identifieraient à Megan Fox et encore… Pour une adaptation d’un comics plutôt sanglant, avec des tortues qui manient les armes aussi bien que l’humour et les parts de pizzas et un maître rat badass ayant appris le ninjutsu, on veut du solide, du concret, de l’intelligence et de l’esprit, bref, du fond, pas que de la forme. Voilà le problème de ce film qui n’a pas su allier un fond à des formes qui s’en sont trouvées du coup fragilisées.
Suivant un schéma actanciel trop classique ( héros + alliés de circonstance VS adjuvant traître et gros méchant ) et insuffisamment façonné ( des personnages tellement artificiels qu’on aurait pu tout aussi bien réduire le film à une baston entre tortues et Schredder dans les rues de New York ), le film semble patiner, s’accrochant tant bien que mal à des poncifs mis tous faits dans la bouche de Splinter ou de Vernon, en envoyant les effets spéciaux dans les scènes de combat pour montrer qu’un minimum de minimum de comics se trouve dans le film ( ici, une bataille entre Schredder et les tortues ), ou même en piquant des idées à Matrix et à Wong-Kar-Wai sur les affrontements ( abus des ralentis et gros plan rapproché sur le visage des personnages ). Les tortues, vers qui on se tourne naturellement pour tenter de se raccrocher à quelque chose dans ce fatras, souffrent cruellement de ce manque de construction autour d’elles, et leur humour si caractéristique est parfois incompréhensible ( pas à cause de la langue, non non, vraiment à cause du choix des mots ), ne marchant alors qu’une fois sur cinq, les obligeant à se rattraper par le combat. Malgré tout, ce sont clairement les meilleurs acteurs du film alors qu’elles sont en image de synthèse…
Que retenir alors de ce film, à part, littéralement, de la poudre aux yeux ? Une intro gentillette, un ou deux combats, 2-3 vannes sympas, et puis voilà. Scénario pauvre, personnages artificiels : les effets spéciaux ne cachent pas le cruel manque de fond du film, qui a tous les arguments pour mettre en rage les aficionados historiques de la BD, qui y verront un sacrilège envers les origines mais aussi un blasphème cinématographique.