Matrix Resurrections : séquelle sait qu’elle est ce qu’elle est (sans spoilers)
22 ans après le premier Matrix, Keanu Reeves revient en Neo pour un Matrix Résurrections attendu de pieds fermes par les fans… et peut-être les autres.
Matrix, c’est le renouveau du cinéma d’action et des effets spéciaux en 1999. C’est aussi 2 suites, Matrix Reloaded (2003), Matrix Revolutions (2003), une série de courts-métrages Animatrix, des jeux vidéo et une tripotée de clones. Que ce soit Equilibrium (2002) pour son esthétisme et ses combats, Ballistic (2002) pour son ton, Æon Flux (2005), Ultraviolet (2006) pour son côté high-tech futuriste déjà ringard, Matrix a inspiré beaucoup après s’être inspiré. Les Wachowski avaient régurgité tout un pan du cinéma d’action asiatique, de la littérature fantastique comme Alice aux Pays des Merveilles, et même le jeu vidéo en plein boom alors à l’époque. résultat ? Matrix a été un coup de poing en pleine gueule des cinéphiles.
Deux suites que le public tente de défendre ou pas et Matrix reste un film phénomène. Quand Lana Wachoswki nous propose un quatrième film avec toujours Carrie-Ann Moss en Trinity et Keanu Reeves en Neo, on a le droit de se poser la question : vraie suite ou faux reboot ?
Après la suite, la préquelle, le spin-off, le remake, le reboot, nous avions eu la legacyquel, une sorte de suite des années après un film qui respecte l’original tout en insufflant de la nouveauté. Une sorte d’héritage se crée alors et ouvrait vers un reboot moins poussif (on a eu ce genre de films avec Jumanji, Star Wars 7, S.O.S Fantômes : L’Héritage)
Matrix Resurrections est autre chose. C’est une vrai suite mais qui penche plutôt vers une relecture de son univers. C’est simple, à l’instar de Jurassic World, le film questionne la légitimité de continuer et les raisons de tenir. Et on peut le dire sans se ménager, c’est plutôt rater à ce niveau-là.
Qu’on ne nous dise pas que le message n’est pas clair. Oui, Matrix 4 ne cache pas d’où il vient. A l’image d’une scène en début de film, il faut une suite à une trilogie mais comment la proposer ? Conscient de sa propre existence avec ce fameux méta que le cinéma aime tant mais qui n’arrive jamais à bien utiliser, Matrix Resurrections n’est pas très subtil. Un second degré agaçant émane de toute cette première partie qui tente vainement de construire un propos. Personnage pantin, Thomas Anderson / Neo se confond avec lui-même, avec les réminiscences d’un autrefois qu’il peine à assimiler.
Les innombrables références au premier Matrix (avec carrément des scènes du film en parallèle ou incluse dans la scène !) ne fonctionnent que rarement. Par un désir fort de créer une sorte de nostalgie couplée à un sentiment d’incomplétude, Matrix 4 renie finalement sa propre existence. Matrix était un monde dans un monde, cependant créer du méta dans cet univers n’est pas des plus subtiles. Pire, Matrix Résurrections frôle la parodie ou l’hommage facile.
Alors à partir de là, on tente de se rattacher à ce qui faisait aussi l’identité de Matrix, une imagerie forte et tenace. Il n’en est rien. la réalisation est sans âme, les scènes d’action sont plutôt correctes mais loin du standard qu’on aimerait. Déjà, Matrix sent un peu son âge. Oui, c’était révolutionnaire à l’époque et c’est marquant, mais c’est déjà quasi dépassé si on osait copier. Et 22 ans après, on ne pardonne pas le manque d’ambition. Il y a bien une scène qui est plutôt intéressante avec ce climax, certes, peu dense, mais marqué par cette idée de chute libre programmée quasi gore. C’est maigre. Et la scène spoilée par des dizaines de photos volées qui ont parcouru les sites média ne mérite pas ce déluge de moyens « pratiques ». Le montage ultra cut du film annihile pas mal de séquences dont celle-ci qui se voulait d’inspiration Icarienne.
Keanu Reeves semble un peu mal à l’aise à jouer le mec paumé. Soit il joue mal, soit il a toujours joué mal mais la scène dans les toilettes est assez risible. Carrie-Ann Moss, qui n’a jamais brillé, est plutôt correcte. Neil Patrick Harris s’amuse dans le rôle de ce psy et tout le casting secondaire est efficace. reste que Christina Ricci n’avait rien à faire dans ce film…
Alors oui, Matrix Résurrections peine à convaincre surtout par sa seconde partie qui tente de réparer la première. Pour tout scénario, cela montre qu’il n’y a pas vraiment de progression ou de finalité. Et on se retrouve un peu le cul entre deux chaises devant cette suite qui fait pâle figure. C’est divertissant et ça ne suffit pas pour créer l’événement mais tout film attendu n’a pas mission de le faire ! On peut encore trouver une production de ce genre regardable.
Oui, c’est moins intéressant de le dire.
Oui, c’est ça ne pas être binaire.