Stan Lee’s Lucky Man : l’équilibre de la terreur
La saison 2 de Stan Lee’s Lucky Man, création originale du maître des comics, vient de boucler la diffusion de sa saison 2 sur Sky. Nouveaux enjeux, évolutions, toute l’affaire était de voir comment la série allait dérouler ses fils après une fin de saison cliffhanger. Résultat des courses.
ATTENTION, SPOILER SUR TOUT LUCKY MAN. LECTURE A VOS RISQUES ET PERILS
Petit rafraîchissement de mémoire : Harry Clayton est donc porteur d’un bracelet lui donnant une chance incroyable, mais non sans prix sur l’entourage de celui-ci. Alors forcément, quand un second Lucky Man, ou plutôt Lucky Woman, en la personne de l’envoûtante Isabella Augustine, fait son entrée, les choses deviennent tout de suite plus compliquées, et pour un accro au jeu comme Harry, ce poker menteur pourrait bien être sa plus grande partie…
N’y allons pas par quatre chemins : cette saison 2 de Lucky Man nous laisse sur notre faim. Ce doit aussi être le cas des spectateurs : entre la saison 1 et la saison 2, les audiences, déjà pas fameuses, ont été divisées par 2, passant de 1,3M à 0,7M environ. Lucky Man n’est pas un mauvais show, loin de là : on se prend à suivre tous ces fils, à se laisser intriguer par ce qui n’est ni un cop show, ni un thriller, ni même fondamentalement une production comics. Simplement, il ne suffit pas d’être un OVNI avec la signature de Stan Lee comme blanc-seing : encore faut-il convaincre. Et là, Lucky Man a des problèmes. Ce qui est paradoxal, c’est que si la ligne directrice de Lucky Man est relativement claire (cette saison voit le rapport d’Harry au bracelet devenir conflictuel, avec une opposition avec Isabella), on ne sait jamais précisément où Lucky Man veut en venir pour se démarquer de la concurrence. Là où Gotham, par exemple, se base sur un héritage pour mieux le mettre de côté et bâtir sa mythologie, Lucky Man semble avoir beaucoup de peine à créer la sienne. La faute, peut-être, à un Harry Clayton qui orchestre l’exposition de tous (même si James Nesbitt est comme d’habitude excellent), mais aussi à un manque de renouvellement d’idées (Golding, vite écarté, a laissé sa place à Isabella, qui a pour elle d’être une femme et donc d’offrir une séduction inattendue à Harry là où Golding avait séduit Anna Clayton) qui réduit l’enthousiasme pour un show qui a pourtant tout à créer artistiquement parlant, n’étant basé sur rien d’autre que l’imagination et le label Stan Lee.
Le gros regret narratif de cette saison est d’ailleurs cette intrigue avec Isabella qui prend beaucoup, beaucoup trop de temps à prendre son sens. 10 épisodes, c’est très court, et soit la production s’est laissée dépasser, soit elle n’a pas bien géré ses fils. 8 épisodes à observer Isabella et Harry jouer au jeu du chat et de la souris, c’est sympathique, mais très vite limité, surtout, surtout quand on voit la qualité des 2 épisodes restants, qui relèvent bien plus du polar et qui, par leur noirceur, leur propension à offrir un rythme bien plus intense, sont de loin les plus attrayants. A ce moment, Isabella dévoile son vrai visage, Harry change drastiquement de registre, et le pouvoir du bracelet prend toute son ampleur. Après une saison et quelques à nous dire « oui le bracelet c’est cool mais si tu en abuses tu le paieras », motto illustré assez mollement (un bras cassé pour Daisy Clayton, en gros), le bracelet semble enfin signifier quelque chose (il a quand même tout un épisode pour lui quand il s’attache à quelqu’un d’autre). Un comble alors qu’il est le centre névralgique de la série. A partir de l’épisode 8 et la mort (temporaire) d’Harry Clayton, quelque chose se passe enfin, une espèce de déclic couplée à une mise en scène efficace de la cruauté (c’est au moment où il récupère enfin Anna qu’il meurt des mains de son amante). On se prend alors à s’inquiéter pour les personnages, grands (Winter, Suri, Steve) comme petits (Daisy, Rich, Anna), et même à être triste à la mort, véritable celle-ci, d’Alistair Winter (Steven MacKintosh réellement fascinant). Que ne fut-ce pas arrivé plus tôt dans la saison ! La tension s’est alors enfin faite ressentir. Hélas, cela a forcément influé sur la fin. Tout est ainsi bouclé d’une traite à l’épisode 10, avec les enjeux bâclés et rushés en 30mn, une explosion, une hésitation d’Harry sur la reprise du bracelet, et une Isabella qui ne se bat pas et choisit de se suicider (ou presque), séance tenante, juste parce qu’Harry lui a rappelé qu’elle a un coeur de mère et d’épouse. On aurait préféré plus puissant dénouement : on nous fait comprendre qu’il y a une vraie épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, qu’Harry va avoir une lourde responsabilité en reprenant le bracelet, pour finir sur une pirouette…
La série a ainsi choisi de la jouer hybride, entre procédural et thriller, en ajoutant des cas individuels au cas individuel. Des cas (un prédicateur homosexuel refoulé, une geek psychotique…) dont l’intérêt est moindre quand on sait qu’une belle et mystérieuse femme possède aussi un bracelet et veut la jouer « couple immortel » aux côtés d’Harry, son complément en même temps que son double maléfique. Et, là encore, de regretter le temps perdu. Isabella Augustine, si elle ne possède rien de fondamentalement original et transcendant dans son rôle de femme fatale, possède toutefois une corde intéressante à son arc : celle de sublimer personnages et événements de son environnement. L’idée de la coupler à Winter pour faire réagir Harry et dévoiler quelque chose de plus que la froideur professionnelle des deux policiers s’est révélée être une excellente idée dans la mesure où cela a dédoublé les enjeux, à la fois passionnels et calculés, offrant de beaux moments d’incompréhension et obligeant les personnages à se redéfinir constamment. La séquence où Isabella met à mort Winter reste ainsi comme l’une des meilleures de la série. Le duel à distance entre Harry et Isabella a ainsi permis d’explorer plusieurs petites choses adjacentes : dans la mesure où il investit la thématique du lien, il a une influence sur les liens. C’est ainsi que face à ce qui apparaît être un double maléfique, se disant au-dessus des lois, les représentants de ces lois se serrent les coudes (et Steve Orwell de définitivement s’intégrer à l’équipe). Et la représentante de la loi du bracelet, Eve, de gagner du galon et d’obtenir un rôle de prophétesse relativement intrigant quoiqu’anecdotique (à part se faire maltraiter par Isabella et donner le bracelet le temps d’un épisode à un voyou, elle ne fait pas grand-chose). Quant aux liens sentimentaux, certains sont amusants (Suri qui se retrouve à coucher avec Rich Clayton alors que c’est Harry qui devait l’emmener à dîner) ; lourds de conséquences (Isabella se retrouve avec Harry, puis manipule Winter, puis meurt dans les bras d’Harry en lui disant qu’elle l’aime) ou alors profondément futiles (l’intérêt du personnage d’Anna Clayton, qui n’a aucune influence sur la série, qui fait le va-et-vient amoureux avant d’ENFIN reprendre Harry – quelle surprise – reste encore un pur mystère). Autant de choses qui sont polarisées, pour une plus ou moins bonne fortune, par ce qui arrive à Harry, l’élément central, portant cette saison à bout de bras.
Lucky Man n’a toujours pas été renouvelée pour une saison 3. Les producteurs doivent être en train de réfléchir. Ce qui est sûr, c’est que pour se perpétuer, la série devra plus oser.
0.5
3.5