Critiques de films

Loin de la foule déchaînée – Dans la campagne du Dorset

Un aperçu de la vie de Bathsheba Everdene. A prononcer Everdeen. Oui, comme Katniss dont elle est probablement l’une des ancêtres éloignées… Enfin, du moins, son inspiration.

Dans la campagne anglaise de l’époque victorienne, une jeune héritière, Bathsheba Everdeene doit diriger la ferme léguée par son oncle. Femme belle et libre, elle veut s’assumer seule et sans mari, ce qui n’est pas au goût de tous à commencer par ses ouvriers. Bathsheba ne se mariera qu’une fois amoureuse. Qu’à cela ne tienne, elle se fait courtiser par trois hommes, le berger Gabriel Oak, le riche voisin M. Boldwood et le Sergent Troy.

©ArchiPoche
©ArchiPoche

Est-ce la réécriture par David Nicholls (Un jour, Starter for Ten) ou alors la sobriété de la réalisation de Michael Vinterberg (césarisé pour La chasse) qui font de Loin de la foule déchaînée (Far From the Madding Crowd) une belle adaptation du roman du même nom de Thomas Hardy ? Sûrement un mélange des deux, puisqu’à l’écran défilent devant nous des paysages dignes des tableaux de Turner (mais moins plat que le film sur Turner récemment sorti), tandis qu’un anglais parfaitement poli se déverse de la bouche des personnages.
La campagne du Dorset. Appartenant au mouvement du naturalisme, Hardy dépeint Bathsheba sous les traits caractéristiques d’une héroïne, malgré les erreurs qu’elle commet et l’homme qui vient à son aide. A vrai dire, cet ouvrage se distingue des autres par sa romance légère, loin du fatalisme déprimant. En tant que naturaliste, l’auteur use de moult descriptions des scènes du quotidien, parfaitement retranscrites dans le film, avec une photographie sublime.

A une époque victorienne où la bienséance oblige les femmes à obéir à leurs maris, Bathsheba incarne l’indépendance et la modernité en avance sur son temps. Impossible de dissocier Carey Mulligan désormais, surtout avec son apparition énergique et vivante. L’actrice dégage une sensibilité parfaite pour interpréter les personnages classiques, avec ce soupçon d’innocence indispensable à toute héroïne romantique et cette spontanéité propre à Bathsheba. Sous nos yeux, prend vie le mode rural anglais de cette fin du XIXe. Là où la version de 1967 de John Schlesinger dégageait plus de sentimentalisme, cette version proposée par Vinterberg se débarrasse du superflu pour se concentrer sur les personnages et l’atmosphère champêtre du décor.

Matthias Schoenaerts a le vent en poupe dans les productions étrangères, et particulièrement dans les drames d’époques semblerait-il. Son Oak respire la force et la bonté, mais aspire aussi la confiance. Michael Sheen se cantonne à jouer les timides, et on retrouve sa gêne à la Masters of Sex avec les femmes. Petite critique vis-à-vis de Tom Sturridge qui paraît un peu jeune pour porter le rôle du sergent Troy, et se contente de survoler un personnage pourtant profond. De fait, certains acteurs incarnent le period drama. Carey Mulligan entre dans cette catégorie (tout comme les Ben Wishaw ou les Hayley Atwell), et le personnage de Bathseba pourrait être son personnage de Jenny (An Education) qui aurait grandi et prendrait ses responsabilités. Elle croque la vie à pleines dents, reste bornée mais apprend tout de même de ses erreurs, et refuse d’écouter la seule personne qui lui veut du bien.

©FoxSearchlight
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N’oublions pas qu’il s’agit ici d’une romance, et il en faudra plus pour convaincre les plus insensibles. On tombe par moment dans la mièvrerie, mais peut-être que cela reflète simplement les véritables sentiments et la réflexion interne de l’héroïne. Une héroïne féministe et avant-gardiste, malgré une histoire qui tourne autour de ses affaires de cœur. Mais bien que moderne dans ses agissements, comme au marché aux grains, les limites sociétales s’imposent d’elle-même et malgré tous ses efforts à tenter de changer le status quo, elle se piège elle-même en tombant amoureuse de la mauvaise personne. Loin de la foule déchaînée se détache plus de la gestion de la ferme que ne le fait le livre.

(P.S. : Comme souvent pour les adaptations de roman, une version rééditée est sortie chez les éditions Archi Poche !)

Aki

Une énième fangirl de Whedon, obsédée par les comédies musicales, la nourriture et les drames britanniques.

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