Les Combattants : instinct de survie
A force d’entendre que le cinéma français est nul et incapable de sortir un bon film, on finit inconsciemment par y croire. C’est dommage, car de bons films français arrivent à atteindre un niveau honorable, voire plus ces dernières années. Les Combattants – sélectionné et primé lors de la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2014 – et sorti le 20 août dernier, en est un bon exemple.
Arnaud est un jeune homme de 17 ans qui travaille à l’entreprise familiale, spécialisée dans le bois, gérée par son frère depuis la mort de son père. Un jour, sur une plage, il mord une fille ; quelques temps plus tard, il se voit chargé par son frère de construire un pavillon là où elle habite. Il l’observe, la jauge, et devient de plus en plus fasciné par le personnage atypique que représente Madeleine. Elle se prépare pour la fin du monde, et quand elle en parle, Arnaud ne comprend pas vraiment ce qu’elle dit. Il la regarde, semble un peu paumé. Quand elle s’engage à l’armée pour participer à un stage, il laisse tout tomber pour la suivre.
Étrange. Clairement, Les Combattants ne laisse pas indifférent. On est clairement à la croisée des chemins pour Arnaud et Madeleine, que ce soit au niveau de leurs parcours personnels ou de leur relation. Sauf que l’une parait déterminée alors que l’autre navigue à vue, cherchant sa voie. C’est ce qui rend le film assez fascinant, c’est cette interaction entre les deux personnages principaux, et avec ce qui les entoure. D’ailleurs le film illustre bien cette évolution en entonnoir : on part de ce qui semble être une comédie entre potes pour arriver petit à petit à un drame plus intimiste centré sur uniquement sur Arnaud et Madeleine, sans pour autant que le rythme en souffre. Ca se fait assez naturellement, et cette progression lente mais irréversible permet au spectateur de vraiment s’immerger dans l’histoire.
Outre une ambiance très travaillée, l’autre point fort des Combattants est la prestation de son actrice principale, Adèle Haenel. Renfermée et butée, elle est le pilier du film, clairement. La jeune actrice arrive à donner une intensité folle à son personnage, de par son regard ferme, sa carrure ou ses attitudes corporelles. De mémoire, c’était la première fois que je la voyais à l’écran, et je suis ressorti de la salle avec les deux joues en feu. Le seul petit souci, c’est qu’elle écrase en comparaison les autres acteurs, et notamment son compagnon joué par Kevin Azaïs. Certes, le rôle de ce dernier est forcément en retrait – Arnaud est quand même très timide et assez taciturne, mais il a du mal à vraiment émouvoir, sauf dans la dernière partie où il se réveille. J’ai aussi trouvé les seconds rôles assez inégaux : par exemple, Antoine Laurent ne m’a pas trop convaincu en grand frère qui doit gérer l’entreprise familiale, alors que Brigitte Roüan est très naturelle en mère de famille. Sinon, William Lebghil joue un poil mieux que dans SODA, mais j’ai vraiment du mal avec lui.
Techniquement, le film est dans le haut du panier. L’OST est bonne et soutient bien l’action, la mise en scène est propre, même si quelques plans manquent de peps ou d’imagination, et les scènes s’enchaînent à un bon rythme, sans temps mort. C’est plutôt au niveau de l’histoire que le film peine parfois à convaincre : la thématique sociale est assez clichée – on se dirait dans un film des frères Dardenne, et aux deux-tiers du film on sent que l’intrigue s’étire un peu artificiellement. Dommage, car Les Combattants aurait vraiment pu être un excellent drame humain sans cela.
Au final, il convient de féliciter Thomas Cailley pour la réussite de son premier projet. Il y a des défauts, mais comme dans toute première oeuvre. Les Combattants est un film touchant, humain, qui vous fera découvrir Adèle Haenel si ce n’est pas déjà fait. Une des très belles surprises de cette année 2014, assurément.