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Regarder tout Doctor Who (entre 1963 et 1996) – William Hartnell, Le Premier Docteur

Je suis un « whovian », un fan de Doctor Who. Il y a quelques années, je suis tombé dans la marmite de la série, pour ne plus en sortir. Mais je n’avais vu que les douze saisons « modernes », jamais les vingt-six « anciennes » et le film qui a suivi. Alors j’ai profité de ce confinement pour remonter le temps, jusqu’en 1963, date de naissance originelle de Doctor Who.

Doctor Who a fêté ses quinze ans cette année. Mais le chiffre est trompeur : la série, le plus long show de science-fiction de l’histoire, a en fait 57 ans. Elle a d’abord connu une première vie, entre 1963 et 1989, date à laquelle, les audiences ne suivant plus, elle a été annulée. S’en est suivi un hiatus de seize ans, seulement ponctué par un téléfilm (en 1996) censé relancer la machine, mais en vain. Il a fallu attendre 2005, donc, pour que Doctor Who connaisse une seconde vie.

Bien que tout aspirant puisse commencer la série depuis son retour 2005 sans aucun problème de compréhension, il reste quelques ponts entre ce qu’on a appelé (et qu’on appellera ici) le « old Who » et le « new Who ». Il y a des petites références, çà et là, pour titiller les fans de la toute première heure et intriguer ceux de la dernière. Mais il y a aussi des retours de personnages, comme Davros, le créateur des Daleks, ou celui de Sarah Jane Smith, compagnonne des 3e et 4e Docteurs, et qui, dû à sa popularité, a eu droit à sa propre série spin-off (The Sarah Jane Adventures). Et puis, la série a instauré certaines règles encore en vigueur aujourd’hui : par exemple, le Docteur n’a le droit qu’à douze régénérations, soit treize corps, et Christopher Eccleston, premier Docteur à reprendre le flambeau, est aussi connu comme le Neuvième Docteur.

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J’ai lancé le visionnage le 21 mars dernier. Je l’ai terminé le 9 mai. Soit 50 jours de visionnage. Entre 1963 et 1989, il y a eu 685 épisodes de 25 minutes (dont 253 en noir et blanc), 15 épisodes de 45 minutes, et un téléfilm de 90 minutes. Soit 701 épisodes en tout. Néanmoins, 97 épisodes de la série originale n’ont jamais été retrouvés : la bande magnétique coûtait très cher dans les années 1960 et 1970, et la BBC a donc enregistré certains épisodes sur des bandes déjà utilisées.

Je précise donc ici une chose importante concernant les disparitions d’épisodes. A l’époque, la série fonctionnait par « arcs », soit un ensemble de plusieurs épisodes, de deux pour les plus courts à douze pour le plus long. Néanmoins, quand il manquait des parties, j’ai sauté ces épisodes, puisque souvent les parties manquantes sont remplacées par des telesnaps, un diaporama de photos de la série avec les bandes-sons de l’époque. Parfois, sur certains épisodes, des versions animées de très bonne facture sont venues remplacer certaines bandes manquantes, et dans ce cas, je regardais l’épisode. C’est grâce à ces procédés que j’ai pu voir l’épisode The Tenth Planet, celui de la régénération du Premier en Deuxième Docteur, dont les bandes originales ont été perdues, à l’exception de quelques secondes du processus de changement d’acteur.

J’ai calculé que j’ai regardé, en ce sens, 600 épisodes, dont certains animés, donc.

Je ferai ici un compte-rendu chronologique de mon expérience avec la série, nourri de mes recherches parallèles au visionnage et de mon ressenti de spectateur. Des retours en arrière pourront toutefois être faits à certains moments, mais uniquement à titre de comparaison.

Évidemment, des éléments-clés de la série seront dévoilés : même si spoiler n’est pas le but, il faut bien pour discuter de la série.

Vous êtes prêts ? C’est parti

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L’ère William Hartnell – 1963-1966

C’est la matrice même. C’est par ce Premier Docteur que tout a commencé. Dans An Unearthly Child, l’épisode pilote, Ian Chesterton (professeur de sciences) et Barbara Wright (professeur d’histoire), s’étonnent que Susan Foreman, leur élève, soit à la pointe sur certaines périodes historiques et pratiques scientifiques, et complètement larguée sur d’autres. De plus, elle ne s’en explique jamais, et personne ne sait vraiment qui elle est en dehors de l’école. Les deux enseignants trouvent l’adresse qu’elle a renseignée pour son dossier scolaire (un entrepôt), et s’y rendent. Là, ils tombent sur Susan, en compagnie d’un vieil homme irascible dans une cabine téléphonique, qu’elle présente comme son grand-père. Naturellement, ils l’appellent « Docteur Foreman », ce à quoi il répond « Doctor Who ? », premier d’une longue série de running-gags. Dans Twice Upon a Time, le Douzième Docteur rencontrera le Premier (joué par David Bradley, William Hartnell étant depuis longtemps décédé), et se présente comme le Docteur, ce à quoi sa précédente incarnation répond : « Vous êtes peut-être un docteur, mais je suis LE Docteur. L’original, si l’on veut. »

Quant à ce lien de parenté entre Susan et le Docteur, il ne sera jamais explicité : le Docteur ne le dément pas, ce qui implique qu’il a bien été père (ce qui sera confirmé par ses successeurs) et que Susan est très probablement une Dame du Temps (elle confirme d’ailleurs qu’elle n’est pas humaine, et fait montre de pouvoirs télépathiques). On n’en saura pas plus, la mythologie « whovian » étant encore naissante à ce moment-là.

Le Docteur, par son mauvais caractère et son conservatisme estampillé années 1960, amène le décalage, l’extra-ordinaire, puisqu’il emmène dans son vaisseau, outre Susan, deux professeurs aux matières très « terre à terre » (et pas choisies au hasard), les sciences et l’histoire. Ce faisant, il leur permet de passer de l’autre côté du miroir en vivant ce qu’ils enseignent (l’histoire de Marco Polo, la Révolution Française, les croisades…). Ils passent même au cas pratique avec l’arc The Aztecs, où Barbara utilise ses connaissances historiques pour se faire passer pour une divinité aztèque. On voit donc que la série, aux origines, s’adressait aux enfants, qui pouvait s’identifier à Susan, âgée de 15 ans, et boire les paroles des figures tutélaires, Ian, Barbara et le Docteur, les deux premiers étant là pour tamiser les ardeurs du troisième.

Car William Hartnell a choisi, pour incarner l’excentricité du Docteur (un alien à forme humaine, on le rappelle), d’associer ce conservatisme susnommé à une curiosité presque maladive et au mépris du danger. Dans l’épisode The Daleks, il sabote délibérément son vaisseau pour aller explorer une ville extra-terrestre, où il fera la rencontre de ses plus célèbres ennemis. Il fonctionne selon ses règles, qu’il faut suivre pour continuer avec lui. Barbara et Ian en font l’amère expérience, puisque le Docteur les traite comme des resquilleurs pendant les trois premiers arcs, soit 13 épisodes ! Même Susan n’a pas forcément un traitement de faveur : son grand-père l’abandonne en l’an 2164, après avoir repoussé une invasion de Daleks (The Dalek Invasion of the Earth), alors qu’elle est tombée amoureuse de David, un résistant. Le Docteur profite alors de ce moment pour la laisser, souhaitant qu’elle vole désormais de ses propres ailes. On peut interpréter ce départ un peu forcé par la nécessité d’entrer dans la vie, prendre des risques (Susan doit reconstruire une société après une invasion) et sortir de sa zone de confort (elle était surtout une adolescente pénible et pleurnicharde, toujours dans les jupes de son grand-père, ce dont l’actrice, Carole Ann Ford, avait conscience, ce qui a provoqué son départ de la série).

Rétrospectivement, alors que treize personnes ont repris le rôle après lui, William Hartnell a eu la difficile tâche (plus ou moins consciente à l’époque) d’établir à la fois un public et une mythologie. Avec son air de grand-père sévère dans une série qui visait beaucoup les enfants, il a posé des bases solides pour la suite de la série, mais aussi des incarnations. Vieil homme ayant fui sa planète dans un vaisseau volé, et voulant parcourir l’univers sans qu’on l’embête, il se rend compte que la solitude le pèserait et qu’il a besoin de ses compagnons pour apprendre et découvrir. Le Premier Docteur s’adoucit alors, en même temps que l’acteur, à la base assez circonspect par le projet et parfois difficile sur les tournages, et devenu très attaché par la série. Une évolution que l’on ne pourra pas constater pleinement, puisque plusieurs épisodes de sa période manquent, notamment The Daleks’ Master Plan (12 épisodes !) et The Tenth Planet (celui de sa régénération).

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Affaibli par ses problèmes de santé, qui l’affectaient physiquement et mentalement (au point qu’il n’arrivait plus à retenir ses textes), William Hartnell dût abandonner le rôle. Dans The Tenth Planet (qui introduit les Cybermen), le Docteur est immobilisé une bonne partie du temps, en écho à la santé de son acteur principal, l’empêchant d’être pleinement investi dans le tournage. C’est alors qu’intervint l’une des idées les plus brillantes de la télévision et de la science-fiction : la régénération, le changement d’apparence mais la conservation des souvenirs, artifice autant commercial (continuer la série) qu’artistique (approfondir le personnage). Hartnell désigne alors Patrick Troughton comme le successeur parfait, et celui-ci le remplace.

William Hartnell reviendra dans l’épisode célébrant les dix ans de la série, The Three Doctors (1973), mais, là encore, très diminué, il n’apparaît que peu de temps dans l’épisode, et seulement par écran interposé. Pour le mettre en valeur, le Premier Docteur est présenté comme celui qui doit garder ses deux successeurs sous contrôle, afin de résoudre le problème.

Hartnell meurt deux ans plus tard, et son rôle est repris par Richard Hurndall dans l’épisode des 20 ans de la série, The Five Doctors (1983).

Le second Doctor – Patrick Troughton


Léo CORCOS

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