La vie rêvée des autres : la vie rêvée des lieux communs
Avec La vie rêvée des autres, et après avoir sorti en 2013 un recueil de nouvelles intitulé 36 heures de la vie d’une femme (parce que 24, c’est pas assez), Agnès Bihl signe début mars son tout premier roman publié chez Don Quichotte. Le nom de l’auteure ne vous est pas inconnu, et pour cause : il s’agit bien de l’interprète du titre « J »ai pas le temps d »avoir 30 ans ». Malgré la présence de l’expression « petite pépette » en quatrième de couverture, nous avons décidé de prendre notre courage à deux mains et de nous pencher sur le cas de ce roman spécial 3ème âge.
Madeleine, 77 ans, est une grand-mère pleine de vie. Mais peu à peu fatiguée par le quotidien, elle finit placée dans un hospice. Ce qui n’est pas du goût de ses deux meilleurs amis, Jacob et Ferdinand. Hors de question de voir disparaitre leur complice favorite ! Le plan est lancé : Mado ne restera pas une minute de plus dans ce mouroir.
« C’est toujours la même chose. Finalement, on vit comme si l’on n’allait jamais mourir et l’on meurt comme si l’on n’avait jamais vécu. »
La vie rêvée des autres, c’est donc tout d’abord l’histoire de Madeleine, surnommée Mado, héroïne bien malgré elle des évènements. Mais c’est aussi celle de Jacky, vieil homme esseulé accro à son chien. Celle de son pote Ferdinand. De ses petites-filles Delphine et Magali. Et de leurs amants. Et de leurs voisins. Et du personnel d’entretien. En fait, c’est un peu l’histoire de tout le monde, et c’est sans doute une volonté de l’auteure : un récit de vies qui s’entrecoupent.
Sauf qu’Agnès Bihl a sans doute lu Jonas Jonasson en se disant que c’était drôlement amusant de parler des vieux (ce qui, pour le coup, était plutôt vrai). Puis elle a lu Katherine Pancol, en se disant que tiens, c’était pas si difficile que ça d’écrire un best-seller. Et de cette union satanique est né son premier roman.
Le problème de La vie rêvée des autres n’est pas tant la profusion de personnages que nous citions précédemment. Le premier aspect délicat qui s’impose au lecteur après quelques chapitres, c’est que chacun d’entre eux est un stéréotype à la limite du gênant.
Ainsi, et même en s’arrêtant très tôt dans la lecture, admettons en page 10, on a déjà eu droit à tous les clichés que l’on peut énumérer d’une vieille personne qui perd la tête. Jacky retrouve ses lunettes dans le frigo, Jacky se remémore son enfance, Jacky critique les goûts musicaux des jeunes…
Admettons que dans le cadre d’un premier roman, il est toujours possible de céder aux sirènes de la facilité. Et cette erreur se pardonne si le style d’écriture, lui, relève le niveau.
Sauf que non. Non seulement Agnès Bihl a tendance à tripler online slots chacune de ses phrases dans une répétition infinie des mêmes idées, mais, dans son habitude du calembour littéraire dont elle est grande amatrice (voir ses chansons « l’enceinte vierge », ou encore « je t’aime que moi »), elle parsème ses pages de jeux de mots indigestes qui, pour le coup, annule complètement l’ambiance naturelle qu’elle tente de créer dans La vie rêvée des autres. Et plutôt qu’une longue explication, voici une liste non exhaustive de ce qu’elle n’aurait jamais dû écrire dans ce roman :
On ne fait pas d »omelette sans casser des gueules | La liberté de penser et celle de dépenser | Tout vient à point à qui sait être tendre | Prendre son mâle en patience | Plus tu seras chiennasse et plus on t’aimera | Merdouillasse | Homo sapiens connardus | Les arbres faisaient déjà leurs strip tease saisonnier | Elle avait l »air d »une quiche… C »est peut-être pour ça qu »elle voulait des lardons | La nuit tombait déjà la lune la première | Beurré comme un petit Lu | La perruque en peau de fesses | Comme un doudou tissé dans une peau de chagrin | Le cœur a ses prisons que la raison ignore | Un petit cul moelleux comme une brioche au sucre | Excité comme un CRS au salon de la matraque | Par la burne gauche du diable | Est-ce l »œuf qui fait la poule ou bien la poule qui fait la teuf ?
Arrivé en fin d’ouvrage, seules deux hypothèses restent enfin possibles pour le lecteur : soit la rédaction de SmallThings n’est pas du tout la cible de l’auteure, tant en terme d’âge que de goût et d’humour (elle explique tout de même en note de bas de page le terme « beuh » …). Soit il s’agit d’un exercice de style, dont la lecture serait potentiellement obligatoire en camps de redressement, et dans ce cas je lève mon chapeau et vous donne, chère Agnès Bihl, la note maximale.
« Allez, dites le donc que je ne suis plus qu’un cadavre ambulant, une viande froide, avariée, juste bonne à pourrir à petit feu. Que vous m’avez déjà enterrée. Que je ne vaux plus rien. A la casse, la mamie, elle a assez vécu ! Elle n’est plus d’actualité. Regardez-vous, les filles : aujourd’hui, vous n’avez de tendresse que pour vos souvenirs d’enfants : j’ai une place dans votre cœur mais plus vraiment dans votre vie. »