Critiques de films

La Malédiction Winchester : entre deux eaux

Ce mois de mai sort en e-cinéma un petit film d’épouvante au concept assez original, puisqu’il s’agit de raconter une histoire liée à Mme Winchester, héritière des fusils du même nom qui, après une tragédie personnelle, décide de construire une maison absurde qui empêche les esprits d’y errer.

Début du 20ème siècle. Un homme est chargé d’exercer une expertise médicale sur Sarah Winchester, héritière des fusils du même nom qui décide, pour calmer ses démons, de construire une maison pour abriter les fantômes des victimes de meurtres par ces mêmes fusils. Alors qu’il doit juger de la santé mentale de Même Winchester, notre héros est vite confronté à ses propres démons et à ceux, bien réels, qui habitent la maison…

Pourquoi pas. Vraiment, voilà une proposition intéressante, la maison Winchester existe encore aujourd’hui, dans toute son excentricité, et est encore aujourd’hui réputée pour ses présences fantomatiques. On ne peut penser à un meilleur endroit pour faire s’y dérouler un film d’horreur : la maison, sans queue ni tête, est idéale pour que les personnages s’y perdent et créent ce sentiment de déambulation inquiète et sans repères qui a fait le charmes de tant de films, comme la Dame en Noir ou Grave Encounters. Solution de facilité, donc ? Pas vraiment, il s’agit de faire quelque chose de cette infrastructure, la faire vivre, dépasser la curiosité inquiète de l’endroit. Sur ce point, la Malédiction Winchester étonne : on ne sait pas vraiment où on met les pieds, cinématographiquement parlant.

Dire que le film n’est pas conçu comme un film d’horreur serait sans doute faux. Toute la promotion tend vers cela et la note d’intention, dès les premières minutes, semble indiquer un tel chemin : une déambulation nocturne, inquiète, dans la maison, qui surligne clairement l’aspect effrayant de cette infrastructure fascinante. Certains passages du film, finalement assez rares, tendent aussi vers cela : mines inquiètes, sursauts (certes galvaudés), musique stridente, le film a dans ces moments tout d’un film d’horreur à l’ancienne, et affirme clairement son héritage. En ce sens, si il parait un peu exagéré de dire qu’il fonctionne bien (rien ne surprend, ou très rarement, si bien que le tout se suit dans l’expectative de propositions plus effrayantes qu’elles ne le sont vraiment), La Malédiction Winchester se laisse suivre, de manière tout à fait sympathique. Si on ne craint pas vraiment, il serait faux de dire qu’on ne s’amuse pas, et que l’on est, au fond, pas fasciné par ces méandres de couloirs sans fin logique.

C’est d’ailleurs la force du film, et les frères Spierig (Prédestination, petit thriller SF bien fichu, et Jigsaw, le revival) l’ont bien compris : faute de s’intéresser à une intrigue cousue de fil blanc et somme toute assez confuse (le lien entre les personnages n’est pas clair, la résolution est expédiée sans vraiment laisser le temps d’en saisir le sens), la maison (sans doute sa réplique) est filmée de fond en comble, et son admiration est bien servie par une image léchée, colorisée comme un Crimson Peak. On parlait de classicisme : c’est exactement ça. Pas question ici de caméra survoltée, de found footage : le film prend son temps, peut être un peu trop, mais on accueille volontiers cette léthargie qui sert bien l’absurdité conséquente et grisante de cette baraque hantée.

winchester

En ce sens, et c’est assez étonnant, le film est quasiment un docu-fiction, au demeurant assez bien porté (Helen Mirren est superbe en veuve Winchester). Une fois les quelques scènes horrifiques pliées sans grande conséquence pour la narration (tout juste une évolution, intéressante, du personnage principal qui, croyant les visions dues aux médicaments, lâche prise et continue pourtant à les voir), il ne reste que de longs tunnels, de bois et de dialogues, à apprécier. La Malédiction Winchester est assez étrangement fait, on ne sait dans quelle mesure ce qui est raconté est réel ou fictionnel, ce qui renforce la confusion précitée. Un semi-twist intervenu en cours de film ne suffit ensuite pas à réveiller l’esprit du spectateur qui, lui, est encore perdu dans les méandres de la maison Winchester.

Qu’importe, au fond : on a bien envie d’être bienveillant avec le film qui, loin d’être honteux d’un point de vue technique, pêche par un montage trop peu explicite. Quelle balade, tout de même…

La Malédiction Winchester est disponible chez TF1 VOD

AMD

Adrien Myers Delarue

Résidant à Paris, A.M.D est fan de Rob Zombie, de David Lynch et des bons films d'horreurs bien taillés. Sériephile modéré, il est fan de cultes comme X-Files, Lost, ou DrHouse, ou d'actualités comme Daredevil ou Bates Motel.

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