Kingsman, The Golden Circle : chronique sociale, tu perds ton sang-froid !
Quand il a créé la surprise générale avec un premier film qui visait, en termes de qualités visuelles et de potentiel de divertissement, bien plus haut que ce qui était attendu, Matthew Vaughn a vite annoncé qu’il travaillait sur sa suite. Qui peut lui en vouloir ? Ce mois-ci, Kingsman : The Golden Circle est bien là pour nous montrer qu’il avait bien raison.
Alors que l’institution Kingsman est touchée en son cœur par une attaque aussi violente qu’inattendue, Eggsy et Martin se rendent en exil aux Etats-Unis pour trouver des alliés. Ils auront bien besoin de renfort contre ce qui promet d’être une épouvantable machination fomentée par la baronne de la drogue, Poppy. Voir même d’un ancien agent, que tous croyaient six pieds sous terre ..
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Il est toujours surprenant de voir comme Vaughn, film après film, vise en plein dans le mille à chaque fois. L’homme qui avait revitalisé la franchise X-Men avant qu’elle ne re-sombre sans lui, qui avait porté une première fois a l’écran Kick-Ass, avait choisi de rester dans les petits papiers de Millar en adaptant un comics un peu plus confidentiel. Et une fois de plus, carton plein pour le film qui parvenait à être le divertissement attendu par tous entre quelques gros films plus anémiques. The Golden Circle arrive donc sans l’effet de surprise, ou du moins le pense-t-on, avant que le film crève l’écran à nouveau en prouvant une fois encore qu’on sous-estime trop Vaughn qui, visiblement, change tout ce qu’il touche en or. C’est d’autant plus étonnant que le film fonctionne puisqu’il reprend sans vergogne les codes et la recette du film précédent, sans jamais donner une impression de cynisme corporatiste comme c’est la coutume aujourd’hui. Un petit miracle, encore.
Aller plus loin, c’est le but et la stratégie de toute suite réussie et Vaughn l’a bien noté. Le premier film n’existait presque qu’en tant qu’hommage parodique réussie à James Bond et on est un peu rassuré et surpris de voir que ce second volet s’en détache. On dirait sans peine que The Golden Circle est au dessus du premier film tant il en magnifie les qualités tout en amenuisant les quelques défauts. Pour exemple, les femmes, c’était le problème principal, ne sont plus des récompenses de fin de film, elles sont un peu mieux considérées même si on est clairement dans une inégalité de traitement : quand la plupart des personnages masculins ont tous leur moment de gloire, la seule femme qui ne soit pas traitée de manière totalement transparente dans le film n’a droit qu’à une légère gratification à la fin, qui intervient après que les hommes aient sauvé le monde. On aurait envie de redire à Vaughn qu’il est possible de suivre ses modèles sans en reproduire les défauts … Il l’a déjà un peu compris, objectifie peu même si on est encore loin du compte.
C’est un peu le seul souci du film, même s’il est important. Pour le reste, on rit beaucoup devant l’humour absurde de Vaughn, les guests sont totalement absurdes et hallucinants de justesse dans leur écriture et la grande méchante est assez timbrée et haute en couleur pour provoquer des fous-rires incontrôlables et, d’un autre côté, parvenir dans un numéro d’équilibriste assez spectaculaire à nous faire croire à son plan toujours plus extravagant. Julianne Moore est formidable dans le rôle de Poppy, on ne l’a jamais vu s’amuser autant et le rôle lui permet de sortir de ses performances toujours excellentes mais plus graves et larmoyantes. Ce personnage menu et obsédé par les figures de son enfance qui conduit un cartel de drogue et exécute tant d’actions sanglantes dans le film, c’est clairement la marque Vaughn qui pousse toujours plus loin le décalage tout en le rendant, comme par magie, crédible.
Franchement divertissant et ultra-efficace dans la mise en scène, le film déçoit toutefois un peu dans l’action puisque, sans l’effet de surprise, tout semble plus automatique. Pourtant, The Golden Circle témoigne dès sa première séquence d’une belle générosité sur ce point de vue et se hausse sans peine au niveau d’un Baby Driver. Les gimmicks et motifs de Vaughn sont bien là, ils enthousiasment toujours mais le film est trop construit pour être tout à fait efficace, le sentiment qu’on alterne les séquences de parlotte et les séquences d’action est trop présent et cela nuit forcément à l’appréciation. Au fond, ce n’est pas tant la technique de Vaughn que sa recette qui manque de virtuosité sur ce film, et déteint un peu passée la première heure. L’hystérie visuelle et comique réjouissante du réalisateur pourrait commencer à vieillir si il conserve sa nouvelle recette sans l’améliorer.
Pour autant, Vaughn met un point d’honneur à s’appliquer pour délivrer un produit qui va plus loin, une fois de plus, que ce qui était attendu. Alors que le premier film était bloqué dans son fond dans un drôle de paradoxe à ce niveau là (il faisait de la métaphore sociale son point de départ, mais la négligeait au fur et à mesure du récit pour le clore sur une métaphore franchement lourdingue et grossière – souvenez vous, le proletariat sodomise la royauté …), The Golden Circle respire la politique par tous ses pores et n’hésite pas à taper là où ça fait mal, jusqu’à la Maison Blanche elle-même. Les meilleurs gags ne sont pas scatologiques (franchement, le vieux qui se fait dessus, c’est non…), ils sont politiques et le film joue ses meilleures cartes quand il l’assume. Vaughn, une fois de plus, est équilibriste et n’hésite pas une seconde à faire rire en faisant dire des choses au Président des États Unis franchement épouvantables et digne d’un Trump. Nul doute que, la bas, les salles riront un peu jaune …
Une fois de plus, Matthew Vaughn exécute donc parfaitement un nouveau paradoxe, celui de plaire encore plus alors que la surprise est derrière lui. On hésite pas à se dire, en fin de film, que la plupart des studios offrant ce genre de films pourraient franchement prendre note de cette capacité à divertir…
AMD