Game of Thrones 5×08 : Hardhome
La fin de l’épisode 7 annonçait de grands bouleversements dans le monde de Game of Thrones ; mais alors qu’on croyait avoir tout vu, de vieilles connaissances se rappellent à notre bon souvenir pour nous signaler que la menace n’est pas qu’interne…
ATTENTION SPOILER TRANSITIONNEL
Dans l’épisode précédent, Cersei voyait sa tactique se retourner contre elle, puisque son cousin Lancel, serviteur de la Foi et poussé par un Petyr Baelish de mèche avec Olenna Tyrell (et Dieu sait que ces deux enfants terribles sont redoutables ensemble), confiait ses pêchés au Grand Moineau, l’un d’entre eux étant d’avoir couché avec Cersei, et par là même faisait enfermer celle-ci. Tyrion et Jorah, engagés comme guerriers pour les arènes, arrivaient à rencontrer Daenerys. Tyrion se présente alors comme le cadeau. A Dorne, Myrcella refuse de repartir avec Jaime et Bronn. A Châteaunoir, Sam doit défendre Vère reluquée par ses frères (et fait bien puisqu’il couche avec elle). Au Nord, alors que Sansa est plus que jamais isolée (la servante qui voulait l’aider a été écorchée vive par Ramsay), Stannis est mis en difficulté par l’hiver approchant, mais est déterminé à attaquer Winterfell, et refuse par ailleurs de sacrifier Shireen, sa fille, à Mélisandre.
Cette semaine, Daenerys accepte de recevoir Jorah et Tyrion. Celui-ci la convainc de le prendre pour conseiller, en vue de sa marche sur Westeros. Cersei en bave en prison face à une septa impitoyable. Arya, quant à elle, avance dans son entraînement pour « devenir personne ». Quant à Jon Snow, il arrive chez les Sauvageons, à Durlieu, et non seulement n’arrive pas, bien sûr, en pays conquis, mais son plan est mis à mal quand la ville est attaquée par une immense armée de morts-vivants, commandée par les Marcheurs Blancs…
Les Marcheurs Blancs. Comme toujours, sortis de nulle part, au moment où on ne s’y attend pas, généralement sur les fins de saison, pour nous rappeler que tout n’est pas que politique, inceste, pots-de-vins et autres trahisons dans Game of Thrones, mais aussi, un peu mais pas trop, juste assez pour semer la panique parmi les personnages, de l’imprévisible, de l’inarrêtable, de l’incontrôlable, en bref, des créatures magiques donnant à Game of Thrones ses lettres de noblesse fantasy. C’est une marque de fabrique de la série cette saison que de surprendre tous ses fans, ceux ayant lu les livres (et s’arrachant plus ou moins les cheveux face aux écarts grandissants) comme ceux ne les ayant pas lus, parti pris assumé (et avec la bénédiction de George RR Martin) et payant, tant la série est bien plus efficace dans tout ce qu’elle entreprend, bravant la continuité livresque pour une remise en cause de l’univers à grande échelle ; alors que l’épisode 9 de cette saison n’est pas encore arrivé, la saison 6 sera celle de la réalisation des (très) gros enjeux, lesquels voient leurs contours affinés avec le retour des Marcheurs Blancs dans ce huitième épisode.
Les enjeux initiaux sont définis par Tyrion dans sa rencontre avec Daenerys, dans une scène brillante sur l’exercice du pouvoir et la façon d’y arriver dans un monde corrompu et pourri, où le peuple n’est que maigre chose face aux indispensables alliances qu’il faut conclure pour arriver au sommet. Par cette séquence, on pourrait voir une métaphore de notre monde politique actuel, où s’écharpent différents partis sur la manière de diriger un pays, et où le peuple paie les pots cassés des différentes conséquences des différentes politiques menées par différents partis au pouvoir, ceux-ci ne pouvant y arriver que par des compromis avec leurs adversaires (voire leurs semblables). Avec ce passage, c’est l’occasion de voir le début du retour en grâce (finissant sur le trône ?) de Tyrion Lannister, dont la rhétorique et autres jeux d’esprit lui ont sauvé la mise maintes fois par le passé, et qui maintenant sort définitivement du désabusement pour opérer un retour aux affaires, là où ses services seront plus efficaces et plus écoutés, en atteste la rapidité avec laquelle il a obtenu la confiance de Daenerys, tout en écartant (ou semblant écarter) Jorah en obtenant son exil. La rencontre entre les ambitions dragoniennes de Daenerys, qui semble tenir de son père la force de caractère, et les conceptions (ou ambitions ?) politiques de Tyrion, qui vont apporter une nouvelle vision à une Daenerys décidée à tout casser, pimentée par la volonté têtue d’un Jorah amoureux, ne devrait pas laisser Daenerys indemne à l’issue de cette saison.
Cersei, quant à elle, perd la maîtrise de ces enjeux : enfermée dans une prison misérable par des fanatiques vivant misérablement et habillés tout aussi misérablement, dans une cellule voisine de celle (Margaery) dont elle a juré la perte, elle n’a plus que sa fierté et ses yeux pour pleurer en étant à ce point passé du haut au bas de l’échelle. Une scène puissante voit Cersei maltraitée par la septa, qui exige d’elle la confession de ses pêchés : Cersei répond par l’invective, et sa ration d’eau lui est versée… par terre. Cersei, morte de soif, doit alors lécher le sol, scène plus que symbolique dans Game of Thrones : même si l’on est roi/reine/prétendant, tout cela ne tient qu’à un fil. Robb, Joffrey, Robert avant elle en ont fait l’amère expérience. La chute de Cersei et Margaery conjuguée à l’inexpérience de Tommen, a mené Kevan Lannister, oncle de Cersei, à venir assurer la régence, et il n’est pas dit que si l’une et l’autre s’en sortent, la royauté soit la même… Ce sont ce genre de petits détails qui dans Game of Thrones peuvent mener à de grands chambardements : les enjeux seront donc rudement mis à l’épreuve dans les prochains épisodes…
Mais chacun le sait, le gros enjeu de l’épisode, et des épisodes à venir, c’est celui autour de la Garde de Nuit et de la menace au-delà du Mur. Jon Snow, lui, ne contrôle, dans cet épisode comme dans les autres, qu’une partie de ces enjeux : décrié pour son manque d’expérience par certains, honnis par d’autres qui lui reprochent l’alliance avec les Sauvageons, il doit faire face à la menace imminente des Marcheurs Blancs. Et quand il semble enfin, par ses décisions fortes et sa détermination, récupérer un certain leadership, il est dépassé par quelque chose qu’il ne comprend ni ne contrôle. Et c’est là qu’intervient l’une des plus belles séquences de Game of Thrones : un énorme duel d’une vingtaine de minutes entre une armée de morts-vivants (dont l’esthétique ne déplairait sûrement pas à Sam Raimi) et des sauvageons désorganisés et surpris, que l’on ne spoilera pas pour laisser au lecteur la jouissance de l’intensité. Toujours est-il que l’équipe technique dirige avec maestria ce moment, qui n’est pas sans rappeler l’épisode de la bataille entre Sauvageons et Garde de Nuit, en minimisant l’importance de la musique pour laisser place aux cliquetis des épées, aux cris de terreur et de fureur. La fin de la séquence est un remarquable plan large, où toute musique et tous sons se sont tus, pour laisser place à la stupéfaction, l’angoisse, voire, malgré l’étendue du paysage, la claustrophobie, tenaillés que sont Jon Snow et ses alliés entre l’hiver et les Marcheurs Blancs. La force de tout cela, c’est aussi que même si on voit vraiment le visage de cette armée mystérieuse à l’oeuvre, on ne sait toujours pas véritablement ce qu’ils sont, ce qu’ils prévoient, comment ils fonctionnent, et ce n’est qu’à la fin de ces vingt minutes à couper le souffle que l’on a l’impression d’avoir assisté à l’éclosion et à la sublimation de la mort elle-même… mais on n’est toujours pas plus avancé sur cette menace mystérieuse et pour autant implacable… Ah, si seulement The Walking Dead s’inspirait de cela…
Mais on le sait, ce détour par Durlieu n’est qu’une escale, avant de nous replonger, plus impitoyablement encore, dans les bas-fonds de la morale et de la souffrance. Vivement la semaine prochaine et la suivante pour en savoir plus !