Les franchises au ciné : comment et pourquoi perdurer et tirer sur la corde ?
Creed a débarqué sur nos écrans et beaucoup se demandaient pourquoi et comment Rocky peut perdurer en 2015. SOS Fantômes revient dans une sorte de suite hommage avec une attente assez importante. Une quantité importante de films a tenté de perdurer et de revivre avec des suites, faux remakes ou des spin-offs étranges et douteux. Alien se refait une seconde vie à travers deux projets différents par exemple. Quelles sont les différentes techniques pour perdurer ?
Si vous marchez dans les couloirs de métro vous verrez des affiches pour ça :
Sérieusement, combien d’entre nous s’est demandé si c’était le numéro 3, 4, 5 voire plus ?
La numérotation
L’absence de numérotation sur l’affiche est une preuve que la communication s’axe désormais sur la franchise et non pas la durée de celle-ci. On mise sur un nom, une déclinaison comme un produit utilisant une marque. Les films occultent leur dimension sérielle en s’ajoutant des sous-titres. Avengers 2 devient Age Of Ultron et la franchise Fast and Furious joue désormais sur les mots. The Fast and The furious, premier du nom est devenut Fast and Furious pour son 4è film, Fast Five, Fast & Furious 6, Furious 7 pour les 3 films suivants.
SOS Fantômes version 2016 est un remake, une suite, une version féminine, nous avons tout lu sur cette seconde déclinaison du succès de 1984. Pour dissimuler l’existence d’un film original, d’un premier du nom, on abandonne l’idée d’un titre Ghostbusters 3 qui sous-entendrait qu’on utilise une franchise déjà remplie de deux films. La numérotation est retirée et pousse l’idée que le film pourrait être/ est un remake.
A double tranchant, ce choix stratégique marchera sur les plus incrédules qui ne connaissent que trop peu les modèles passés. Et dans une industrie Hollywoodienne qui recycle, il y a plusieurs façons de faire revenir les gens dans les salles.
Avant de commencer, tentons de définir remake, reboot…. Pour nous, un remake est le processus de refaire un film, souvent unitaire. Le reboot est le processus de redémarrer une sage de films. Le revival est une suite faite plusieurs années après.
La suite / reboot, en somme le revival
Men In Black 3 / Scream 4 / Mad Max 4 / Rambo 4
11 ans après la fin de la trilogie Scream, Wes Craven répond aux sirènes du revival avec un Scream 4 qui aurait pu conclure 15 ans de slashers. Avec les acteurs d’origine, la formule est ravivée par des jeunes acteurs prometteurs comme Alison Brie, Hayden Pannetière ou Emma Roberts. Pour les connaisseurs de la trilogie, retrouver les visages déjà connus est une bénédiction, une preuve que les références passées sont gardées, que le produit est fidèle à ce qu’il a connu. Pour les newbies, les nouvelles têtes attirent les regards sur un produit qui appelle leurs goûts actuels, seuls intérêts à voir une franchise « vieille » de plus de 10 ans revenir.
Men In Black revient après 10 ans. Une suite faite à la va vite n’aura pas enterré la franchise très prometteuse. Le premier film était une réussite dans le genre, le second une pale copie et le troisième reste une tentative inespérée et loin d’être mauvaise de relancer la machine.
Dans ces deux cas, l’histoire pouvait très bien être compris indépendamment des précédents films. Si on connaissait la franchise, ce n’était qu’une plus value pour apprécier les clins d’oeil. MIB3 instaure un subtil changement de cast pour rafraîchir son univers quand Scream tente de boucler une boucle déjà bouclée dans le 3. Les suites pour le fric, me direz-vous ? Oui, certainement mais aussi pour redorer une franchise balbutiante ou qui s’est terminée sur une note moyenne.
Mad Max Fury Road était un film entrepris par le monsieur derrière l’original, George Miller. Suite spirituelle, reprise de l’univers, reboot, Fury Road était une mise à jour du premier film de 1979. Usant de la réputation de la saga, Miller a répondu aux attentes de nombreux fans et a proposé une oeuvre tout simplement à part, qui ne dénature pas l’original. Rambo 4, comme Rocky Balboa sont deux projets de Stallone qui prouve qu’on peut jouer sur deux tableaux. Faire des films unitaires qui fonctionnent mais qui sont deux fois plus riches quand on comprend le background des films qui font références à d’autres films vus et appréciés. Dans ce cas, le public novice peut comprendre et le public initié possède un affect grandi.
La suite nostalgique
American Pie 4 / Scream 4 / Les Bronzés 3 / Toy Story 3 / Bridget’s Jones 3Les Bronzés 3: Amis pour la vie
26 ans aprés le second film était une bonne idée sur le papier. Le culte des deux premiers films jouaient beaucoup sur l’aspect nostalgie et on voulait (définir on?) revoir les personnages et savoir comment ils ont évolué. Le problème de ses suites faites des années plus tard est que le public découvre, non pas comment ils ont évolué, mais comment ils ont vieilli… Et le jeu de miroir s’opère avec le dit public. Tous ont vieilli et le rapport de force, le rapport critique ne sont plus les mêmes.
Bridget Jones 3 arrive dans quelques temps. Saga sympathique au demeurant, les deux films ont accompagné beaucoup de trentenaires et qui sont désormais quadra et qui auront un nouveau rapport d’identification. Si les Bronzés ont vieilli, le public aussi mais le film ne jouait pas sur ça. Bridget parle des problèmes liés à cette phase tout comme American Pie 4 le faisait. Même Toy Story 3 le faisait. Le gros challenge est de comprendre comment et pourquoi nous voulons voir une suite et pourquoi Hollywood l’a fait. Veut-on retrouver les sensations de l’époque liées au film ou veut-on retrouver un personnage qui nous parlait et qui a une nouvelle mission : nous reparler encore et changer à nouveau ce pouvoir de l’affect. Problème, nous voulons aussi retrouver les mêmes sensations qu’à l’époque et le même souvenir actuel de cette chose passée ! Impossible !
Et ne parlons pas des Trois Frères le retour et des Visiteurs 3, sil vous plaît !
La préquelle
Prométheus / Star Wars 1 / X-Men le commencement / Le Hobbit
Système narratif complexe, la préquelle doit offrir une nouvelle origine à un film qui possédait déjà un prologue. Connaître l’origine précise des personnages aimés est un procédé qui marche difficilement. Quand l’histoire de la préquelle se suffit à elle-même (Le Hobbit), les liens entre préquelle et film cible est un bonus, un clin d’œil au public. X-Men a réussi le pari fou de se rebooter en proposant une saga version préquelle. Mieux ! La préquelle a réussi à agir sur la continuité des films cibles. Star Wars ne pouvait pas se le permettre. Et d’ailleurs, la prélogie, comme on l’appelle, jouait sur un tableau esthétique délicat. Les épisodes 1, 2 et 3 ont dû proposer quelque chose de plus abouti techniquement avec des vaisseaux qui semblent plus modernes que ceux de la saga d’origine. Maladroit.
Le principe de préquelle possède un objectif narratif, une fin en soi, une limite à ne pas dépasser et des délimitations à ne pas franchir, on ne peut pas réécrire un personnage sans que la cohérence et la continuité en prennent un coup. Le taux de midi-chloriens pour mesurer la « Force » des chevaliers Jedi a fait perdre toute puissance évocatrice de la dite Force. Cette idée investie dans la prélogie rendait caduque la portée spirituelle de la saga d’origine. Une préquelle est un exercice difficile surtout quand elle s’inscrit elle-aussi dans un processus de suite. Une suite à Promethéus est prévue par exemple. La saga Alien se retrouve rebootée malgré elle.
Le grand retour
Independence Day 2 / Indiana Jones 4 / Zoolander 2 / Die Hard 4 / Terminator 3
A l’instar des Bronzés, certains films mettent beaucoup d’années à revenir. Le prétexte du retour n’est pas motivé par une volonté de voir des personnages grandir et vieillir mais plutôt de retrouver les sensations de l’époque ET (et c’est là la différence avec la suite nostalgique) de faire renaître une idée endormie qui avait rapporté de l’argent. Independence Day a mis 20 ans à revenir. Film hommage au premier plus que suite réussie, Resurgence fêtait les 20 ans du film d’origine sans passion et sans saveur. Que dire de ce fameux Indiana Jones 4 qui arrive 18 ans après la Dernière Croisade d’Indy. Alors oui, voir un Indiana Jones vieilli est une idée comme une autre mais ça fait mal au culte. Harrisson Ford, fringant sexagénaire, ne fait plus le même effet e lui donner un fils en la personne de Shia Labeouf n’est pas l’idée du siècle. Descendu en 2008, ce quatrième volet n’existe pas dans le coeur des fans.
Termiantor 3 et Die Hard 4 débarquent 12 et 15 ans après des films qui sentent bon les nineties et qui étaient un upgrade ou une suite parfaite de films 80s de qualité. Porte-étendard d’un retour en gràace voulu ou imposé de stars déchues comme Bruce Willis et Arnold Schwarzenegger, ces deux films ont été opportunistes. Raillés par les fans, T3 et DH4 ont été des produits mercantiles à la saveur amer pour les fans qui voient des sagas cultes nivelées vers le bas par des étrons dispensables. Et on ne parle pas de Die Hard 5 et Terminator 5 qui jouent à la fois que l’aspect « oui on est vieux » et « oui on aurait pas dû »…
Ce pauvre Ben Stiller pensait que le succès post-sortie de Zoolander en 2001, comédie qui a bâti sa réputation sous le manteau, pouvait justifier une suite et que l’attente était là. Pas de chance, le film est un four monumental qui fait moins financièrement que le premier. Il y a des suites qu’il faut garder dans sa tête…
Si l’attente semble grande, elle est surtout bruyante plus que générale. On parle d’un Gremlins 3, d’un Goonies 2 mais qui sont vraiment ceux qui en attendent quelque chose ? Des suites tardives ne sont là pour rappeler au bon souvenir et souvent, il faut plus qu’un déclencheur « Madeleine de Proust ». Les producteurs tentent de jouer sur deux tableaux avec un faux aspect reboot pour plaire aux novices. Et pourquoi pas totalement rebooter les sagas et faire quelques clins d’oeil ? Gremlins 3 ne doit pas être un film « madeleine » mais un film qui fonctionne indépendamment, qui a un cœur propre et qui ne pompe pas l’essence des deux autres. Un pillage de tombe, un massage cardiaque de momies, toutes les images sont bonnes pour définir tout projet voulant remettre au goût du jour un pan du passé cinématographique. Tout projet est désormais motivé par un affect plus que par un réel besoin artistique. Le gros problème des remakes, genre le plus décrié, est qu’il inscrit le film d’origine dans son époque en lui interdisant de rester ce qu’il est. Le remake oblige le film original à vieillir ! Quand le remake est motivé par un aspect technique ou par une vision moderne, le problème qui se pose est de la pertinence du propos inscrite dans une perception du temps. Un film des années 80, très apprécié est-il une image du passé ? Est-il apprécié de nos jours pour ses qualités d’antan ? Faut-il absolument revoir sa grille de lecture et l’adapter aux canevas de l’époque quand on le regarde ? Une vision moderne est-elle justifiée pour proposer un remake ?
Ben Hur débarque dans nos salles. Sera-t-il à la hauteur du film avec Charleton Heston ? Pourquoi posons-nous la question ?
Le cinéma est jeune mais il a déjà mille vies. Les films sont datés mais il semble qu’ils n’ont qu’une vie qu’il faut respecter.
PS : l’image de couverture de cet article résume bien la pensée commerciale qui règne pour vendre Les Animaux Fantastiques. HARRY POTTER PREQUEL ! Oui certes…