Poltergeist : Monster House
Ah, les remakes. Leur principe même est souvent conspué par cinéphiles de tous bords, pris comme une excuse pour les studios de faire de l’argent sans réelle imagination. Toutefois, ce parti pris reste à nuancer, en précisant que, si certains ont vu leur mythologie bien développée grâce à leurs réadaptations (les Halloween de Rob Zombie en tête), d’autres en ont carrément besoin, afin de rester à la page.
Alors qu’ils emménagent dans une nouvelle maison, une famille se rend vite compte que quelque chose ne va pas. Ces manifestations surnaturelles, dues aux Poltergeist (esprits frappeurs) ne seront toutefois pas le seul problème de la famille, qui verra vite la plus jeune des enfants disparaître… Poltergeist
, le classique de Tobe – Massacre à la Tronçonneuse Hooper et Steven – tous les films que le public aime – Spielberg, fait partie de ce dernier cas de figure. Il faut l’admettre, le film a bien vieilli depuis sa sortie en salles en 1982. SFX désuets, jeu d’acteur à la limite du supportable, exagérations à tous les niveaux, le culte de l’horreur, si sa réputation parvient à se conserver par comparaison avec ses oubliables suites, et à l’aide de bonnes légendes urbaines, ne gagne pas avec l’âge. Il était donc permis d’espérer, venant des talentueux Gil – Monster House – Kenan et Sam – Evil Dead – Raimi une relecture plus terrifiante, plus recherchée et surtout plus actuelle.
Le verdict est le suivant : le verre est plus qu’à moitié plein. Au niveau terreur brute, en premier lieu, le film peut se targuer de belles réussites, sachant placer ses jumpscares avec modération et justesse, au coeur de son angoissante atmosphère. La plupart des scènes cultes du Poltergeist original (l’attaque de l’arbre, le clown habité par les démons et j’en passe) se trouvent ici restaurées avec une originalité évidente, réussissent même à surprendre le spectateur aguerri, par leur inventivité. Mention spéciale à la nouvelle scène du miroir, modifiée drastiquement pour un résultat bien original, et du plus effet. Par ailleurs, l’effet si connu des télévisions et téléphones qui ne marchent pas se trouve d’autant plus inquiétant aujourd’hui que la chose devient vraiment étrange, vu l’apport du numérique dans notre monde audiovisuel.
Tendent également le film vers le haut du panier l‘écriture des personnages, qui, malgré leurs correspondance à première vue handicapante avec les stéréotypes du genre (l’adolescente capricieuse, la mère poule, le gamin beaucoup trop curieux), se révèlent très attachants, provoquant aux situations les plus délicates l’empathie habituellement si peu sollicitée du spectateur. L’effet se montre d’autant plus réussi qu’il fonctionne alors même que le jeu de certains acteurs est souvent un peu bancal. On évitera de s’attarder sur le cabotinage presque inquiétant de Jared Harris en médium, et on se plaindra surtout de l’agacement provoqué par Rosemary deWitt, de quoi déplorer un peu plus le traitement toujours trop manqué des mères dans les films d’épouvante actuels (MrBabadook, si tu m’entends…). Félicitations en revanche aux enfants, et au père incarné par Sam Rockwell, impeccable.
Au niveau de la réactualisation, en revanche, un paradoxe assez problématique survient. En effet, si comme on l’a déjà fait remarqué les scènes cultes se trouvent revisitées avec talent et originalité, bien aidées d’ailleurs par la musique inspirée et parfaitement adaptée aux situations, ce nouveau Poltergeist n’échappe pas au travers du film original, qui par manque de chance se retrouve dans la filmographie de Kenan : la tendance à l’exagération, au grand-guignol. On se souvient tous effectivement du dernier quart d’heure de son Monster House, dont il semblait avoir perdu le contrôle, en gâchant toute la subtilité du film à l’aide d’une grosse maison ambulante. Le problème se retrouve donc ici, amplifié par l‘agression visuelle que constituent les effets spéciaux numériques du film. C’est d’autant plus dommage que les idées ne manquent pas au réalisateur (ni à son producteur, qui selon les dires aurait eu main forte sur la création du film), notamment quand le monde des esprits est abordé de près.
Un mot de la fin, si essentielle pour le genre. Kenan l’avait dit en entretien, elle est inédite et sans appel, mais tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, presque en plein milieu de l’action, malgré un ou deux gags de clôture assez bien trouvés. On aurait aimé que le film prenne un peu plus de temps pour être tout à fait réussi, et une fin dans la lignée de son rythme de développement scénaristique. Cette nouvelle version de Poltergeist, toutefois, reste une belle réussite !
AMD