Doctor Who (1963-1996) – Peter Davison, Le Cinquième Docteur
A l’image du changement d’ère dans Doctor Who, après sept ans de règne Tom Baker, la régénération du Quatrième Docteur en Cinquième Docteur est très difficile.
Le premier Doctor William HartnellLe second Doctor – Patrick TroughtonLe troisième Doctor – John PertweeLe quatrième Doctor – Tom BakerATTENTION CE COMPTE-RENDU EST PARTICULIEREMENT RICHE EN SPOILERS. LECTURE A VOS RISQUES ET PERILS.
L’ère Peter Davison (1981-1984)
Difficile donc car il faut à celui-ci quasiment tout son premier arc (Castrovalva) pour s’en remettre, et il passe par tous les états. Ce sont ses compagnons, Tegan et Nyssa, qui prennent, malgré elles, les choses en main, alors que le Maître les attire dans un piège et a immobilisé Adric. Tout est bien qui finit bien, puisque le Docteur reprend le dessus, mais le ton, prémonitoire, est donné : passer après le Quatrième Docteur et son immense popularité ne sera pas chose facile.Pour ne pas faire du sous-Tom Baker, ou l’exact opposé, ce qui dérouterait complètement l’audience, la série revient à une gestion plus sage. Le mandat du Cinquième Docteur est celui qui est peut-être le plus complet et ordonné : il croise tous les ennemis-phares (Daleks, Cybermen, Oméga), en découvre de nouveaux, et revient sur Gallifrey. Les scénarios de ses aventures, par ailleurs, sont souvent très bien exécutés (The Black Orchid, Terminus, Earthshock, The King’s Demons, Resurrection of the Daleks, The Caves of Androzani). Ce sera aussi lui qui présidera, en quelques sortes, les retrouvailles dans The Five Doctors, la célébration des vingt ans de la série (1983). In fine, Peter Davison sera surtout prisonnier de ce cadrage d’écriture, de ce manque de prise de risques qui faisait le sel de l’ère Tom Baker, laissant sa période sur de bonnes notes mais un sentiment de manque de relief.L’action de Peter Davison commence avec une première saison nettement plus posée, malgré la difficile régénération du Docteur. L’acteur a 29 ans quand il prend le rôle, et il est l’une des étoiles montantes de la télévision britannique. Il campe un Seigneur du Temps plus sensible, plus pacifiste, surtout. Sa jeunesse est gage d’énergie : c’est peut-être le Docteur qui se dépense le plus physiquement des huit du « old Who ». Sa véritable excentricité (outre la branche de céleri sur la veste, pour le protéger des gaz mortels) est celle de faire des pieds et des mains pour que personne ne se batte et que tout le monde discute, n’hésitant pas, à son corps défendant, à se porter garant. Du reste, avec son parfait attirail de joueur de cricket, il se fond parfaitement dans la masse, au point d’être véritablement pris pour un pratiquant de ce sport et embarqué comme tel, dans The Black Orchid, façon Matt Smith et le football dans The Lodger. Il joue, enfin, un rôle de grand frère pour Nyssa, Tegan et Adric, tous plus jeunes, et ensemble, ils forment un quatuor très complice. Une atmosphère très familiale, manière de retourner aux sources de la série (à la base pour les enfants), sans perdre de vue le public qui a grandi et vieilli.Car à la fin du très bon Earthshock, Adric meurt en réparant les torts causés à l’Histoire par les Cybermen. Une idée terrible, mais plutôt bien sentie, en termes de production : le personnage, pénible, n’a jamais été apprécié, tout comme l’acteur sur les tournages. De plus, dans l’épisode, Adric donne sa médaille de mathématiques en or au Docteur. Celui-ci peut alors s’en servir contre les Cybermen (pour qui l’or est mortel) et libérer tout le monde pour fuir. L’idée donc d’un compagnon qui se substitue au Docteur dans l’acte de résolution final, et qui se sacrifie pour l’humanité, renversant donc les rôles, couplée à l’absence de musique dans le générique, figé sur la médaille d’Adric, est l’un des moments forts du « old Who ». Pas mal, quand on sait l’impopularité du personnage d’Adric !Néanmoins, la série n’exploitera jamais complètement cette mort. Elle est tout juste évoquée et évacuée dans l’épisode suivant, Time-Flight, en quelques mots et une illusion, et le sentiment familial qui se dégageait du quatuor est juste un petit peu amputé, comme si sa mort ne comptait pas vraiment, et que l’équipe de Doctor Who n’avait pas mis de côté son antipathie pour Matthew Waterhouse en filmant les conséquences de la disparition de son personnage à l’écran. Le Docteur l’a très vite intégrée, sans vraiment changer son comportement. Tout juste le Seigneur du Temps l’entendra-t-il parler au moment de sa régénération, dans The Caves of Androzani. Ca a un peu plus d’incidence, en revanche, sur Nyssa et Tegan : la première quitte le TARDIS quelques épisodes plus tard (Terminus), pour aller aider les gens autrement ; la seconde part épuisée après une confrontation avec les Daleks (Resurrection of the Daleks), et fatiguée par toute la destruction et toutes les morts entourant ces aventures. Elle-même en a d’ailleurs bavé, étant par deux fois possédée par un esprit maléfique (Snakedance et Kinda) qui profite de sa fragilité psychologique.La mort d’Adric, pas assez exploitée du point de vue du Seigneur du Temps, est assez représentative de l’ère du Cinquième Docteur : bien pensée, bien exécutée, mais il a manqué quelque chose dans son service après-vente. Plus encore, après Adric interviennent deux autres compagnons au potentiel gâché. Le premier, Turlough, est en fait, au début, un espion envoyé par le Gardien Noir, plus vu depuis The Armageddon Factor. Le jeune garçon était censé tuer le Docteur, il ne parviendra, au mieux, qu’à le ralentir, en sabotant un petit peu son TARDIS, avant de rallier le Seigneur du Temps. Turlough, pourtant pas dénué d’intelligence, ne prendra pleinement son envol que dans Planet of Fire, épisode de son… départ, et avant-dernière apparition de Peter Davison. C’est pareil pour Kamelion : à l’origine, c’est un androïde qui peut prendre le visage de n’importe quelle personne. Il est utilisé par le Maître, dans le cadre de ses plans de domination. Le Docteur retourne Kamelion à son avantage, sauf que le robot… n’apparaîtra plus, sauf dans Planet of Fire, où il est détruit. L’explication se trouve hors-écran : le robot est très difficile d’utilisation, et en plus, son créateur, seule personne à savoir l’utiliser, est mort peu de temps après l’avoir conçu (ce qui donnera lieu à la rumeur d’une malédiction au tour du personnage, tous ceux l’ayant approché étant décédés).Planet of Fire, épisode de départs et de disparitions, symbolise lui aussi la période du Cinquième Docteur. Le Maître, à l’origine des événements, est défait, et pire, le Docteur le laisse brûler dans des flammes. Juste avant de mourir, le renégat lui dit : « Tu ne vas quand même pas tuer ton propre… ». Un moment intense, très bien réalisé, créant un mystère qui est ensuite laissé en suspens : jamais une réponse ne sera apportée à ces mots. Et on ne verra pas non plus le Docteur vraiment s’interroger sur la disparition de son meilleur ennemi, lui qui ne veut laisser personne derrière (et surtout sa cinquième incarnation), puisqu’il se régénère dans l’épisode suivant.Il y a un sentiment d’inachevé qui perle de l’ère Davison. Très bon interprète, le Cinquième Docteur est celui qui, à l’image de The Five Doctors, a voulu le plus fédérer les spectateurs. Un règne sage, efficace, bien mené, avec beaucoup de bonnes histoires et de mythologie. Néanmoins, il a manqué à cette période une progression du personnage à la hauteur des enjeux soulevés. Au sortir de son mandat, on est dans une forme de paradoxe : on sait qu’on a vu un travail sérieux, mais auquel il manque une véritable concrétisation. Un Docteur dont il faut se souvenir, mais pas assez marquant, là où tous ses prédécesseurs ont laissé une petite trace. Un Docteur dont le sens du sacrifice, porté à son paroxysme dans son excellent final, The Caves of Androzani (considéré comme le meilleur épisode de la série par les fans), reste vain face à la postérité. Peut-être est-ce là le regret de Peter Davison, qui aurait voulu faire une quatrième saison dans le rôle ?Il a néanmoins suivi le conseil de Patrick Troughton : trois saisons et puis s’en va. Ceci fait, il a quitté le rôle, ne revenant que dans Dimensions in Time (1993) pour les trente ans de la série. Pas le plus médiatique (et ce injustement malgré ce goût d’inachevé), Peter Davison n’a toutefois pas travaillé pour rien : il est le Docteur préféré de David Tennant, dont on retrouve en effet l’énergie et la vigueur de la jeunesse dans l’interprétation. Les deux acteurs se retrouveront en 2007 pour un mini-épisode caritatif, Time Crash, dans lequel leurs deux TARDIS entrent en collision. Davison et Tennant ne se quittent plus d’ailleurs : Tennant a épousé Georgia Moffett, la fille de Davison, qu’il a rencontrée sur le tournage de La Fille du Docteur, épisode de la saison 4.On parlait en début d’article de prémonition sur l’avenir sombre de la série : elles prennent pleinement forme avec le départ de Peter Davison, remplacé par Colin Baker.
Léo Corcos