Chronique d’un parigot à Avignon : DAY THREE
Mardi.
Passé le réveil moins douloureux mais toujours difficile, tu entames ta troisième journée à la ville du théâtre, le monde du spectacle, bref le festival OFF d’Avignon. Sorti grandi de ton erreur quant au Duo Philo (voir article précédent), tu es décidé à faire plus attention aux critiques déjà prononcées à propos des pièces que tu choisis.
Te basant donc là dessus mais aussi bien sûr sur les thèmes abordés par les pièces, tu as choisi « Mangez-le si vous voulez » (compagnie Fouic Théâtre), dont le rapide résumé t’intrigue (« ALAIN DE MONEYS ETAIT LEUR AMI D’ENFANCE, ET EN CE BEAU JOUR D’ÉTÉ… ILS L’ONT MANGÉ).
Et c’est, chers lecteurs, un des principaux coups de coeur de votre serviteur. Menée par des acteurs puissants en diable (Jean-Christophe Dollé en tête), par une voix off omniprésente sans être gênante (ici, elle favorise surtout la compréhension mais également l’immersion du spectateur dans l’intrigue), cette pièce à propos de la psychologie des foules et de la théorie de l’instinct grégaire a tout pour être considérée comme une des meilleures pièces de l’année.
La violence, des propos comme de l’action, rend le spectacle difficilement accessible aux plus jeunes, et résonne chez les spectateurs les plus avertis tel une cloche d’église dans leur cage thoracique, déchanchant d’inévitables larmes de compassion pour le pauvre Alain de Moneys, tué par la stupidité et la paranoïa dont sont capables les hommes, le meurtre partant seulement de quelques mots mal interprètés. On ne dira pas plus de la pièce pour ne pas la déflorer, précisons toutefois que la mise en scène, dont l’atmosphère doit sans doute beaucoup aux meilleurs fantasmes lynchiens, ne fait que renforcer le caractère complexe des sentiments ressentis.
Passé la claque du matin, place aux joies de l’après-midi avignonnais, dont la chaleur torride ne fait que renforcer l’envie d’aller se faire enfermer dans une salle obscure. C’est bien sûr ton désir, et tu te rends avec joie au théâtre de la Manufacture, pour assister à « Sic(k)« , création de la compagnie Théâtre à Cru.
Décrivant les affres de l’addiction, la pièce, menée par Claudine Baschet (transcendante comme à son habitude, à l’écran comme sur scène), mais aussi par les non moins talentueux Alexis Armengol et Rémi Cassabé, est à conseiller. Si elle ne s’adresse pas à tous les âges, c’est par la complexité de son propos, qui ne se contente pas, tel un « Requiem For A Dream » sur plateau, de nous exposer les dangers de l’addiction, mais aussi de nous en expliquer les fondements et les raisons.
Pas question donc ici de condamner les personnes dépendantes (au tabac, à la cocaïne, à l’alcool, au regard de l’autre) et encore moins de les plaindre, mais simplement (et c’est déjà beaucoup) de nous aider à comprendre sans juger leur addiction, de par différents témoignages, différentes discussions autour de ce thème tabou dans notre société. Débordante d’intelligence, la pièce mise en scène par Alexis Armengol a le mérite de proposer une ambiance pour le moins personnelle, cette impression de familiarité se faisant entre les acteurs mais aussi dans la relation acteurs-public: pas un mot ne nous est adressé mais pourtant nous nous sommes rarement sentis à ce point sollicités. C’est la force de « Sic(k) », dont le titre désigne finalement assez bien la pièce.
Enfin, suite à cette avalanche de qualité dont tu as été la cible, tu as bien besoin d’un peu de repos. Et ça tombe bien, car tu as choisi pour clore la journée d’aller assister à la première du nouveau live de Thomas Ngijol!
Et tu n’es pas décu. Si le spectacle souffre d’un manque de préparation (l’affiche ne mentait pas, le show est bien « en construction »), il est bon de préciser qu’il s’agit plus d’une introduction au live qui aura lieu a Paris. C’est étrangement une manière de confirmer le talent comique de l’étoile du Jamel Comedy Club, dont on avait déjà pu admirer la teneur dans « Case départ » et « le Crocodile du Botswanga »), qui arrive à nous faire rire en partant de rien, à peine quelques notes sur un cahier.
Échange avec le public, anti-démagogie, anti-Kev Adams et surtout franche rigolade, c’est ce qui vous attend si vous prenez part à l’aventure Ngijol, dont vous ressortirez le sourire aux lèvres et avec la hâte de le revoir bientôt. Sans doute pas la priorité à Avignon, bien sûr, mais enfin sait on jamais, on a tous besoin de se détendre un peu parfois …
Votre aguerri spectateur,
A.M.D