Call Me By Your Name : été italien
La critique n’avait pas été tendre avec le précédent film de Luca Guadagnino, A Bigger Splash, remake de La Piscine. L’idée d’un remake du grand Suspiria de Dario Argento ne réjouissait guère le monde et l’annonce de Guadagnino à la réalisation n’avait fait qu’éveiller davantage la méfiance. La sortie de Call me by your name était prévue entre ces deux projets et pourtant, les premiers échos des festivals n’étaient qu’excellents, voir même dithyrambiques.
Chaque été, le père d’Elio, professeur, accueille un étudiant chercheur dans leur grande maison au nord de l’Italie. En cette année 1983, c’est Oliver, un jeune américain charmeur qui débarque et se fait immédiatement une place dans le village. Elio tombe sous le charme mais, persuadé qu’Oliver ne l’apprécie pas, finit par le trouver trop arrogant. L’heure est à la détente des vacances et des amourettes hétérosexuels et pourtant, ce désir est toujours présent.
Pendant sa longue première partie, Call me your name prend le temps d’instaurer les prémices de la relation, des prémices toujours très subtiles, doutes des personnages, orientation sexuelle et époque obligent. Et la retranscription de ces signes discrets est tout aussi fine. Guadagnino se concentre sur Elio mais implique finalement la multitude de personnages secondaires autour qui, par leurs regards, leurs courtes paroles, semblent tous comprendre ce qu’il se trame. L’homosexualité est un non-dit mais la verve d’Elio et son entourage bienveillant le pousse à être l’initiateur d’une relation qu’Olivier, écrasé par une éducation que l’on devine homophobe, a peur de voir se concrétiser. La problématique du secret n’est néanmoins pas seulement liée à l’homosexualité mais au désir, de manière générale. Le film laisse une belle part à l’observation de l’autre, aux moments intimes, à ces débuts de sentiments encore inavoués par peur du rejet de l’autre, magnifiés par les interprétations de Timothée Chalamet et Armie Hammer. Le défaut de Call me by your name apparaît néanmoins à ce moment, cette observation des interactions sociales donne parfois l’impression d’assister à quelque chose que l’on ne comprend pas pleinement. La mise en scène est toujours très appliquée, un soin méticuleux semble être apporté à chaque cadre mais en dépit du résultat de l’ensemble, de la cohérence de l’œuvre finale.
Contrairement à son A Bigger splash volontairement tape-à-l’œil, Guadagnino utilise ici un langage cinématographique sobre mais des plus maîtrisés. Le réalisateur excelle et utilise pleinement la moindre de ses images. On retrouve des motifs qui, par l’utilisation de surimpressions et fondus, se mêlent d’autant plus au désir d’Elio. Son père et Olivier étudient de vieilles statues romaines aux pauses langoureuses, sur le pêcher du jardin les fruits murissent et les mouches gravitent autour des personnages principaux. Sur ce point, Call me by your name évoque parfois Sur la route de Madison, dont on retrouve également les mêmes jeux avec les portes ouvertes, qui constituent ici non pas seulement la composition des plans mais aussi des scènes, toutes aussi marquantes les unes que les autres, systématiquement dotées d’une écriture exceptionnelle. La séquence finale n’est pas en reste puisque Call me by your name a la qualité rare de disposer d’un dernier plan qui imprime la rétine et le cœur des spectateurs sans pour autant céder ici à une l’empreinte calculée qu’on a pu précédemment reprocher au film, au contraire.
Le récit initiatique qui se tisse n’oublie pas les difficultés des premières relations sexuelles, abordant les instants les moins glorieux et plus potaches. Le désir lointain, vécu dans l’observation et la peur du rejet, fait place à l’expérimentation et la peur de la honte avant d’être pleinement accepté par le personnage principal. Néanmoins Guadagnino semble plus inspiré pour traiter le chagrin que l’amour. Davantage cinéaste de la langueur que de la passion, du dialogue plutôt que de l’observation, on regrette que le film ne soit pas systématiquement à la hauteur de ses ambitions, trop occupé à servir un instant T et une précision secondaire plutôt qu’une ambition globale. Les défauts de Call me by your name semblent étrangement liés à ses qualités. Mais on en retiendra surtout une œuvre élégante, disposant de scènes fortes et d’une interprétation au service du détails (le nom de Chalamet est d’ors et déjà sur toutes les lèvres).