Au-Delà du Réel, l’aventure continue, saison 1
En 1995, X-Files cartonne, Star Trek continue de briller et la SF se sent pousser des ailes. MGM et Showtime produisent une nouvelle version de The Outer Limits, série des années 60.
Anthologie culte, The Outer Limits est avec The Twilight Zone l’une des anthologies les plus célèbres de la TV. En 1995, Au-Delà Du Réel arrive sur les écrans US. La série fait partie de ce qu’on peut appelé la Trilogie Showtime avec Poltergeist (1996) et Stargate SG-1 (1997). L’identité visuelle est quasi la même avec des effets spéciaux très semblables.La grosse progression en qualité des effets a permis une explosion du genre SF et à rendre plus crédible certains univers. C’est donc avec un bagage technique encourageant que Au-Delà du Réel débarque avec sa science-fiction moderne, son anticipation intelligente et des thématiques fortes. Les dérives de la science sont les sujets les plus traitées. A ce titre, les premiers épisodes de la saison 1 mettent en scène des scientifiques et des gens « du métier » avec une légère redondance. C’était aussi la promesse de la note d’intention du projet initial.« Ce n’est pas une défaillance de votre téléviseur. N’essayez donc pas de régler l’image. Nous maîtrisons, à présent, toute retransmission. Nous contrôlons les horizontales et les verticales. Nous pouvons vous noyer sous un millier de chaînes ou dilater une simple image jusqu’à lui donner la clarté du cristal, et même au-delà … Nous pouvons modeler votre vision et lui fournir tout ce que votre imagination peut concevoir. Nous contrôlerons tout ce que vous allez voir et entendre. Nous partagerons les angoisses et les mystères qui gisent dans les plus profonds abysses… au-delà du réel. » Cette voix qui accompagne le générique a été magnifiquement portée par l’excellent Patrick Floersheim, disparu il y a quelques années maintenant.Revenons sur chaque épisode puisque la série, anthologique, est assez inégale. Les épisodes en bleu sont les incontournables.
1×01-02 ● Le Royaume des sables 1 et 2
La série débute par un double épisode saisissant. bénéficiant d’une base solide (une nouvelle de G.R.R. Martin, le papa de Game of Thrones). Simon Kress est un scientifique qui étudie des insectes récupérées d’une mission martienne. L’expérience tourne mal et il est démis de ses fonctions. Il vole un échantillon de terre et recommence l’expérience chez lui. Peu de temps après, une colonie de sandkings s’est développée.Cet épisode parvient à raconter une belle histoire SF sans puiser sans cesse dans son intrigue principale. Les créatures ne sont pas le sujet principal de l’épisode. C’est la lente montée en disgrâce de Kress qui donne tout le sel à ce double-épisode. Atteint par la folie créatrice, jouant à Dieu, Kress ne contrôle plus rien.Si le double-épisode a quelques longueurs (notamment en seconde partie), Le Royaume des Sables est un épisode très bien ficelé, incarné par un Beau Bridges habité. Peu surprenant dans les avancées de l’intrigue, le script est cependant intelligent et ne tombe jamais dans le sensationnel gratuit. Techniquement, les créatures sont plutôt bien fichues même si on regrette l’utilisation de marionnettes à de rares occasions. Il y a aussi quelques maladresses comme montrer un endroit sans importance au détour d’une scène, histoire de comprendre, bien plus tard, comment un personnage arrive à cet endroit. On parle alors de Fusil de Chekov qui est une figure de style dans l’audiovisuel : Montrer un objet ou un endroit qui semble sans importance en aura bien plus tard !Ce double épisode est un des meilleurs épisodes de la saison, si ce n’est de la série.
1×03 ● Valérie 23
William Sadler (Teresi dans Power, ou le shérif Valenti dans Roswell) est paraplégique et scientifique dans le milieu robotique. On lui propose de tester un robot, Valérie, en tant qu’assistante de vie. Il tente de s’habituer à cette création qui ressent beaucoup de choses. .. peut-être un peu trop.Thème historique de la SF, le robot donne des histoires à double sens entre le simple récit d’anticipation et celui, plus métaphysique, de la question de l’identité humaine. Valérie 23 est un honnête épisode qui ne surprend pas du tout par son traitement.
1×04 ● Frères de sang
Spencer et Michael, deux frères que tout oppose, se battent pour obtenir le contrôle de la société pharmaceutique léguée par leur père. Le jour où Spencer met au point un vaccin susceptible de garantir l’immortalité, Michael veut être le premier cobaye.Episode très moyen, cet épisode parle de la quête d’immortalité par des scientifiques. Autant vous dire que le traitement n’est pas audacieux, ne brille pas par ses rebondissements mais la conclusion est plutôt jouissive.
1×05 ● Dos au Monde
Après les dérives de la science, on part enfin du côté des extra-terrestres avec cet épisode qui nous montre un monde (les Etats-Unis en fait) qui accueillent les N’Tal, peuple alien mourant qui récupère les morts terriens en tant que nouveaux hôtes. La question éthique se pose mais, surtout, on parvient à avoir des relents de la série V. L’épisode est loin d’être déplaisant, on mêle la politique, les questions sociales et la SF pour offrir un épisode qui est dans la moyenne haute de la saison et même de la série.
1×06 ● Rendez vous avec la mort
Malgré son grand âge, Harlan Hawke, un milliardaire excentrique né il y a plus d’un siècle, n’a rien perdu de son enthousiasme et de sa rage de vivre. C’est avec son physicien personnel, le Dr «Mac» Enerney, qu’il a entrepris et financé huit ans plus tôt un ambitieux projet de recherche scientifique. Ensemble, ils ont conçu un nouveau code artificiel doté d’un mécanisme extrêmement perfectionné…Un épisode qui sonne moins SF même si on parle d’un docteur qui cherche à ne pas faire mourir un très vieux et très riche patient. Le fait que la Mort se manifeste a des allures de fantastique intéressantes. On nage en plein événement surnaturel qui n’a pas d’explication. Mais l’épisode ne convainc pas, la faute à des rebondissements peu engageants et des personnages antipathiques.
1×07 ● Evolution
Une petite fille (Thora Birch) qui a développé des dons de télékinésie. Ses parents engagent une nounou pour s’en occuper…. qui a aussi les mêmes pouvoirs. Elle se rapproche de la jeune fille pour la protéger car un agent du gouvernement cherche à la récupérer.On glisse encore vers une thématique moins portée sur le travail de scientifiques. L’épisode est bien différent des précédents. On est dans du pur surnaturel. Si la progression est classique (et la morale de fin honteusement bateau), on retrouve une belle ambiance avec des personnages bien fichues et des acteurs convaincants.
1×08 ● Avenir virtuel
Un brillant scientifique découvre le moyen de voyager dans le temps. Mais il devient la victime d’une machination orchestrée par un millionnaire prêt à tout pour servir ses ambitions.Josh Brolin nous fait un trip de réalité virtuelle dans un épisode qui parle surtout de prémonition avec cet appareil qui permet de voir dans le futur. Si le script ne se permet pas d’expliquer comment et pourquoi on arrive à voir tel moment à venir, l’épisode se suit dans déplaisir. Par contre, il est très basique dans son traitement jusqu’à sa fin sans surprise, sans grande morale et sans prétention.L’autre point noir aussi est le manque d’inspiration des dialogues pour certains personnages comme celui qui dit Jack à longueur de temps sur tous les tons possibles. Il faut dire que la VF n’aide pas…
1×09 ● Les yeux de la peur
Un homme très malade est sauvé par l’implantation d’une puce dans son cerveau. Mais il est tout à coup victime de violentes visions cauchemardesques. Il se met à traquer le meurtrier piégé dans sa tête.Le récit classique de la vision partagée avec un tueur fait mouche dans cet épisode qui permet de voir des personnages qui subissent plus qu’ils n’agissent. Encore une fois, le récit est très classique, sans surprise mais ça fonctionne.
1×10 ● Au coin de l’œil
Un prêtre très proche des sans abris et pauvres de la ville repère soudainement la présence d’aliens parmi les humains. Après un pacte, il obtient un pouvoir de guérison.Cet épisode rappelant un peu Invasion Los Angeles n’a pas grande ambition si ce n’est de raconter une conspiration alien. Les tenants et aboutissants de l’histoire sont plutôt riches et enrichissent le récit. Comme pour les épisodes précédents, peu de surprises même pour sa conclusion.
1×11 ● Sous le lit
Un psychiatre s’occupe du cas d’une fillette, témoin unique de l’enlèvement de son frère de huit ans. La fillette affirme que le kidnapping aurait été commis par un monstre caché sous le lit.Un épisode qui se détache du mode SF pour se rapprocher du fantastique avec ce monstre tapi dans l’ombre qui est le prétexte à une enquête qui fleure bon les X-Files. Le duo (qui est écrit comme un couple mais qui n’apporte strictement rien au récit) fonctionne plutôt bien, ils sont même étoffé grâce aux personnages secondaires. L’enquête est prenante, le mystère reste entier et on gagne en intensité au fil des scènes.Assez bien ficelé, l’épisode perd des points dans son final où il montre la créature un poil risible. Mais l’épisode fait partie du haut du panier de cette saison. Bonne enquête, bons personnages, bonne idée et bonne fin ouverte.
1×12 ● Le piège éternel
Après une collision contre un mystérieux objet, un vaisseau spatial est éjecté soudainement de l’hyperespace. Le pilote doit sauver sa navette alors qu’il se trouve plongé dans l’obscurité spatiale et se voit visiter par des créatures fantomatiques.Un épisode de SF spatiale typique de la série avec un huis-clos pour limiter le budget. Mais le vaisseau est plutôt bien fichu et les créatures et autres apparitions utilisent des effets faciles qui rendent le tout un poil vieillissant. Le mélange de SF et de vaisseau fantôme fonctionne bien grâce à des acteurs plutôt bons comme Annette O’Toole (Martha dans Smallville) ou Jon Heard (Big).
1×13 ● Une deuxième chance
Un homme fraîchement sorti de prison vient se venger en tuant ses anciens collègues. Blessé, il rencontre un homme qui semble savoir tout ce qui va se passer.Cet épisode a beaucoup marqué par sa musique. Return To Innocence d’Enigma résonne dès la première seconde avec une splendide première séquence remplie d’émotions… alors qu’elle ne raconte quasiment rien. C’est pourtant le message final, cette morale, qui reste gravé. Enigma résonne encore, le personnage a une conclusion symbolique, les tripes sont prises. Sorte de huis clos très bien mené, Seconde Chance parle de rédemption, de choix. C’est plutôt bien fichu mais la VF n’aide pas avec un choix affreux de mettre un peu trop en avant les figurants et les rôles tertiaires.C’est un épisode qui tranche vraiment avec les autres tant la science et la science fiction font profil bas.
1×14 ● Sans pitié
Lors d’une guerre intergalactique, le major John Skokes est fait prisonnier par une race ennemie. Il se retrouve dans une cellule où une jeune femme, Bree Tristan, est elle aussi enfermée. Régulièrement, les aliens l’emmènent pour effectuer sur elle diverses tortures et expériences…Robert Patrick et Nicole de Boer (Dead Zone) forment un duo attachant. Mais l’épisode huis-clos ne propose qu’une succession de scènes identiques. Pire, le scénario semble attendre le twist final, très efficace, pour livrer son bilan. A part de longs dialogues, l’épisode ne propose finalement rien de bien marquant. Sauf sa fin, très noire.
1×15 ● La nouvelle génération
Un scientifique arrive à guérir les cellules cancéreuses avec de la nanotechnologie. Son futur beau-frère apprend qu’il a une tumeur et s’injecte la technologie.En voilà un épisode qui marque. Tout est là pour offrir un épisode complet et typiquement dans l’intention de la série. Un savant, un cobaye et la science qui déraille. On passe de surprise en surprise, le script est malin, réserve des scènes marquantes et propose un climax efficace. Le travail de maquillage est plutôt remarquable, les thématiques sont fortes, les acteurs sont impliqués, il y a même un peu de cul, c’est un épisode complet !
1×16 ● Le voyage de retour
Lors d’une expédition sur Mars en 2015, des astronautes font entrer par inadvertance une forme de vie alien dans le vaisseau qui doit les ramener sur Terre. Pour sauver la race humaine, ils vont devoir être prêts à tous les sacrifices.Un épisode assez désastreux, les acteurs en font trop, les décors sont tristes, l’intrigue tient à rien et le monstre fait rire. Ça ne raconte pas grand chose mais on ne s’ennuie pas. Etrange.
1×17 ● Le démon de l’amour
Une jeune fille chaste et sage se retrouve soudainement possédée par une force obscure. Cette force lui donne un appétit sexuel insatiable et… meurtrier.
Alyssa Milano avec un appétit sexuel décuplé, que demander de plus à l’ado qu’on était à l’époque? Episode très plaisant qui rappelle furieusement La Mutante qui sortira la même semaine de diffusion. D’ailleurs, l’épisode a été diffusé plus tôt que prévu pour coller au plus près de la sortie du film en 1995.
1×18 ● Le message
Jennifer Winter souffre de surdité depuis sa naissance. On vient aujourd’hui de lui implanter un mécanisme révolutionnaire, qui devrait lui permettre d’entendre pour la première fois de sa vie…Marlee Martin, vraie sourde, communique avec une force étrangère. Larry Drake (vu partout), force tranquille, attachant, joue l’ex employé de la NASA reconverti… en balayeur. L’histoire part encore dans le domaine alien mais avec des idées plutôt intéressantes. La manière de faire est plutôt bonne, l’épisode est loin d’être déplaisant.
1×19 ● Je pense, donc…
Adam, un puissant robot à l’apparence humaine, conçu pour faire le bien, est pourtant accusé du meurtre de son créateur, le docteur Link. Il s’avère que ce dernier a tenté de convertir Adam en machine à tuer.Leonard Nimoy, bourré de classe, joue un avocat qui défend un robot d’un crime. On se trouve dans une thématique de SF classique. Ce qu’il faut surtout retenir, est que l’épisode est basé sur une nouvelle écrite en 1939, 11 ans avant le I, Robot d’Asimov qui a définit les histoires de robot ! L’épisode peut donc passé pour opportun, facile mais il est juste représentatif et témoin de la base de tout. L’épisode se déroule sans aucune surprise par la même…
1×20 ● Si les murs pouvaient parler
Levi Mitchell s’est donné pour mission de prouver que les fantômes et autres esprits n’existent pas… Il enquête dans une maison hanté.Le jeune Ryan Reynolds, encore débutant, joue le jeune disparu dans une première scène chaude. L’histoire est originale pour la série. Après 19 épisodes de SF, nous voilà avec une pure histoire d’épouvante avec cette maison hantée ! Mais la série a de l’idée en incorporant un élément de SF qui plombe un peu l’ensemble. Malgré une tentative de proposer une avalanche d’effets spéciaux (une maison qui absorbe des gens – et on est à peine quelques années avant Hantise et La Maison de l’Horreur) qui fait vieillir l’épisode, le script suit une ligne narrative basique. On ne s’ennuie pas mais on voit clairement que le personnage féminin n’a aucune émotion.
1×21 ● Un sénateur venu d’ailleurs
Après avoir donné une conférence de presse sur les vertus d’un nouveau carburant anti-polluant, le sénateur Richard Adams et son assistant Eran Branch sont victimes d’un accident. Ce dernier trouve la mort . Quant à Richard Adams, il est grièvement blessé à la tête… Sa vie change radicalement…Le trop rare Perry King (Riptide, une série des années 80) joue un sénateur qui se découvre une identité assez étrange. L’épisode se la joue Fugitif version SF. C’est plutôt bien rythmé, intelligent mais on reste dans un développement facile avec un épilogue maintes fois utilisé cette saison.
1×22 ● La voix de la raison
Randall Strong, agent civil travaillant en étroite collaboration avec les services de sécurité militaire, demande audience à la commission. Il prétexte, pour cela, avoir un important secret à révéler. L’homme est en effet persuadé qu’un complot d’extraterrestres vise à détruire l’espèce humaine…Comme il sera prévu dans les autre saisons (d’après mes souvenirs maigres), cet épisode se veut une sorte de best-of qui tente de lier les histoires de la saison. Avec cette thématique alien, on nage en pleine conspiration X-Files. Pourtant, l’épisode ne convainc pas puisqu’aucun épisode ne marche sur les mêmes règles, les mêmes créatures et finalement, le même univers. Entre les extraits d’épisodes et les longs tunnels d’affrontements verbaux, l’épisode n’a pas vraiment de quoi intéresser.
BILAN DE LA SAISON
Le bilan est plutôt positif puisqu’il fait surtout resurgir des souvenirs qui étaient plaisants à l’époque. Et comme la majeure partie des épisodes n’ont pas vieilli grâce à leurs thématiques fortes, cette saison 1 reste une belle réussite pour l’époque et reste une anthologie forte. On parlait beaucoup de la nudité mais avec trois topless, on est loin d’un label HBO et même de ce que la chaîne Showtime proposera dix ans plus tard.Dans les mauvais côtés, outre la technique qui a pris de l’âge, il y a une focalisation sur des scientifiques avec des expériences qui tournent mal. De ce fait, les épilogues sont souvent peu surprenants. D’ailleurs, certains scripts semblent tout miser là-dessus. Si certaines fins fonctionnent, c’est aussi parce que le récit raconté imposait son univers et arrivait à conclure son intrigue avant de proposer son épilogue plus ou moins ouvert.