2020, le grand bouleversement TV
Nous sommes à la fin d’une époque. Mais nous n’avions pas encore marqué le début de la nouvelle. Ce sera 2020.
Le jeu vidéo tend à exploser son offre de plateformes avec l’arrivée d’Apple Arcade et de Google Play Pass. Après la fin de l’époque Nintendo / Sega, l’arrivée de Microsoft et Sony dans le « game », voici donc une évolution certaine du monde vidéo-ludique. Le e-sport explose, les communautés se développent et la façon d’aborder le jeu avait besoin de cette nouvelle approche.
Pour le cinéma, le Marvel Cinematic Universe a transformé l’approche du blockbuster. On mise sur de la marque plutôt que de l’original. On préfère des univers connus qu’inédits, on séquelle, on reboote, on développe une marque plutôt qu’une oeuvre. Les rares blockbusters originaux peinent à convaincre et la main mise sur le business par Disney devient impressionnant si ce n’est dangereux. L’été américain au box-office a été pauvre. Les seuls films sortants du lot sont des Disney / Marvel. Le reste ne dépasse pas la barre des 200 millions de dollars. Déjà ressenti l’année dernière, cette écrasante domination prend ses racines en 2014 où on n’avait jamais vu un box-office aussi peu reluisant et aussi peu dominé.
Côté presse, le rachat de Mondadori par Reworld sonne le glas de plus de 200 carrières de journalistes dans des titres forts comme Grazia, Top Santé ou Télé Star. Beaucoup de magazines vont voir leur ligne éditoriale sûrement modifiée.
Et côté TV ?
5 ans de mutation
2014, année faste pour la télévision avec des arrivées comme The Leftovers, True Detective, The 100, Jane The Virgin, The Affair, Flash, Fargo, How To Get Away With Murder, une époque qui offrait aussi bien des productions de network que du câble avec une étonnante régularité et une peak TV encore acceptable et un paysage sériel qui profitait encore de certaines oeuvres sur la longueur.
2014, quelqu’un d’autre débarque : Netflix. révolution pour certains, évolution pour d’autres.
2019, Game Of Thrones se termine. On a beaucoup parlé de la fin d’une ère, à juste titre. Nous sommes face à la fin d’une grande série fédératrice qui était quasiment le dernier bastion d’une longue lignée. The Walking Dead n’attire plus, les séries historiques de Netflix (House of Cards et Orange is The New Black) sont terminées, Stranger Things bat de l’aile. Nous n’avons plus de repères et de repaires sériels dans lesquels nous avons tous un avis. Il y a bien les quelques Fleabag ou Big Little Lies ou The Handmaid’s Tales qui arrivent péniblement à arracher une once de célébration collective… mais en décroissance.
Supernatural et The 100 terminant leur run l’année prochaine, en mai 2020, il n’y aura donc plus que Doctor Who qui aura son fandom connu et reconnu. Evidemment, il y a des séries aux fandoms actifs mais peu bruyants comme celui de Wynonna Earp par exemple. Mais nous voici donc face à un bouleversement « géographique ». Des repères en perdition sur la longue route de la sériephilie.
On commence doucement à se rendre compte que Netflix n’a plus l’aura d’avant. On se permet de faire des articles sur ceux qui se désabonnent (L’Echo – 20 Minutes), de dire que les séries Netflix sont surtout des buzz éphémères et qu’au final, Netflix était bien utile il y a quelques années mais qu’il va falloir proposer autre chose. Peu de nouvelles productions percutantes, annulations de séries (The OA, Sense8, Santa Clarita Diet), hausse de l’abonnement, Netflix subit de plein fouet un retour de bâton inévitable.
L’arrivée de multiples plateformes comme Apple TV+, Salto, HBO Max ou Disney+ tend donc à exploser les sources. Les habitudes changeront assurément.
2020, la vraie révolution
Netflix n’étant plus la référence en la matière (venant presque d’une auto-proclamation de la part de Netflix, par son CM imposant des façons de faire, par la mise en lumière d’une certaine « différence » et d’un certain « libre arbitre de la part du spectateur), Amazon Prime ne voulant toujours pas améliorer l’expérience utilisateur et handicapant son catalogue, il y a donc le champ libre pour une révolution… qu’on ne voulait pas forcément. Et on ne parle pas d’OCS qui n’arrive pas à devenir une référence grand public et qui ne récolte que des retours négatifs finalement qui jouent contre elle depuis la fin de GOT (le nombre d’articles essayant de prouver qu’il faut rester sur OCS car il y a autre chose que GOT…).
Les séries networks US ne font plus le buzz. The Good Doctor est presque la seule nouveauté qui a bien marché sur nos chaines françaises quand elle est arrivée. Le prisme des recommandations séries ne se faisaient quasiment plus que par le câble et les plateformes.
Résumons la situation, Netflix imposait sa marque plutôt que ses séries, les séries dont tout le monde parle se terminent, les buzz sont de plus en plus courts, les saisons 2 n’arrivent pas à convaincre. Il y a donc tout à parier que 2020 sera le début de quelque chose de nouveau. Enfin… de « nouveau ».
Apple et Disney semblent partir sur le principe d’offrir un épisode hebdomadaire de leurs séries maison. On a vu passer des tweets ou des réactions surprenantes. Pour certains, c’est un sacrilège, pour d’autres, le binge watching est mort. Tellement persuadés que ce sont les plateformes qui leur imposent leur rythme, les « gens » ont oublié qu’il avait encore le choix de changer.
Ils ont le choix de s’abonner à ce qu’ils veulent, le temps qu’ils veulent, le temps de voir la série qu’ils veulent, comme ils le faisaient avant, en téléchargeant. Rien ne les empêchera d’attendre que les séries Disney ou Apple soient disponibles pour s’abonner.
N’ont-ils plus le temps d’attendre alors qu’ils ont le temps de tout voir ?
Choix de camp ou choix de séries ?
Team Disney ou Team Apple ? Deux salles deux ambiances et assurément, deux alternatives qui pèseront beaucoup dans la balance. Si Apple ne proposera que peu de contenu pour le moment, il faut penser que Disney va cannibaliser beaucoup d’abonnements « familiaux ». Le catalogue est immense, la marque a une côte formidable et les licences (Pixar, Star Wars, Fox) sont très attrayantes.
Avec l’éclatement des plateformes, il est encore difficile de jauger le comportement du public. Vont-ils partir de Netflix qui était, pour eux, une solution unique porté par un buzz positif, ou empiler les abonnements? Les abonnés Apple vont-ils arriver quand leurs séries auront un lot d’épisodes conséquentes à visionner ?
Netflix étant avant tout une marque plus qu’une plateforme depuis quelques années, il y a eu un éveil des consciences. Le contenu est vaste, la communication ne l’est pas. Même le CM de Netflix se plaint qu’une série comme Unbelievable ne soit pas plus discutée. Quand on mise tout sur d’autres séries comme Marianne ou The I-land aussi…
Le public devra donc piocher. Netflix devra miser sur des séries plutôt que sur du catalogue, j’entends par là qu’elle devra recréer l’événement plutôt que de faire grossir le catalogue de semaine en semaine. Disney n’aura pas à survendre grand chose. Apple jouera sur la carte « premium » avec des produits « on dirait du HBO ». Amazon, après son fail concernant South Park, devra retrousser ses manches et offrir enfin une plateforme à la hauteur de l’ambition.
Côté sériephile, il n’y aura plus vraiment de repères et de repaires, chacun ira de sa série, reprenant ses habitudes de téléchargements pour tout voir, les séries s’enchaîneront sans qu’une ne sorte du lot, ou alors deux ou trois seront, par chance, élevées au rang de phénomène (qui s’inscriront dans le temps pour un ou deux). Les Emmy Awards devront enfin réfléchir sur la qualité des programmes nommés, les TV françaises devront piocher sur les networks pour trouver des perles alors que les networks eux-mêmes devront, à coup sûr, se réunir pour proposer une offre nouvelle alors qu’on a devant nous des séries qui ne font plus rêver.
Il y a donc un changement radical qui s’opère, qu’on ne mesure pas encore mais qui nous fera réfléchir et débattre sur la condition de la série après un âge d’or certain qui a fait éclater les barrières et les définitions des oeuvres. Un film Netflix aux Oscars, une série télé plus trop télé, une consommation de masse oubliant la définition même de l’épisode, on ne sait pas encore comment la série sera traitée par les médias, les podcasts, les blogs, le public, les sériephiles…
Bonne chance à tous, on se retrouvera quelque part, autour d’une série. Patience.