Wonder Woman : Ragnarok
Après les excellents Man Of Steel et Batman V Superman, et la déception quasi totale qu’était Suicide Squad, DC pose une nouvelle pierre à son univers étendu avec Wonder Woman, consacré exclusivement (c’est assez rare pour le dire) à son héroïne. Les américains ont adoré, le film est il vraiment la pierre angulaire du DC Extended Universe ?
Alors que Bruce Wayne lui a renvoyé sa photo la montrant avec ses amis, Diana Prince se souvient… de comment elle est devenue Wonder Woman, de son entraînement chez les amazones, de sa participation à la première guerre mondiale dans notre monde, et de son combat avec………
Comme le disait mon confrère dans sa critique de Suicide Squad, un film DC a toujours un goût, parfois bon, parfois mauvais. Il dit toujours quelque chose du monde, ne s’arrête pas au divertissement simple et essaie toujours d’aller plus loin. Certains trouvent ça prétentieux, et d’autres ont du mal à concevoir un blockbuster autrement. Jusqu’ici, les réflexions de DC, ses études de personnages ont été sombres, lourdes, mordantes. Avec Wonder Woman, Patty Jenkins laissera des spectateurs (surtout masculins, on l’a déjà vu à l’avant première) sur le carreau, tant elle tranche avec cet héritage de par son optimisme, son apparente légèreté, sa foi en l’homme (ou plutôt la femme).
Pourtant, Wonder Woman ne se distancie pas, au fond, de ses prédécesseurs. Le DCEU, depuis ses débuts avec Man Of Steel, et même depuis le Batman de Burton, propose toujours des films qui reviennent à l’éternel questionnement de l’Homme sur qui il est, quelles sont ses responsabilités. Batman, chez Snyder, apprenait à être miséricordieux à la mort de Superman, reprenait espoir en les hommes. Superman, lui, apprenait à découvrir sa part d’humanité dans Man Of Steel, en découvrant qu’il pouvait ressentir de la haine, jusqu’à assassiner froidement Zod. Wonder Woman détonne parce que son alter ego, Diana Prince, n’est au fond qu’elle-même habillée différemment. Et, plus encore, elle reste durant tout le film droit dans ses bottes, et égale à elle-même, malgré toutes les horreurs qu’elles voit (le gaz moutarde tuant des dizaines de femmes et d’enfants, scène le plus poignante du film car assez frontale), continue à croire parce que c’est dans son ADN, et qu’il a suffi qu’un seul humain (Chris Pine, toujours aussi a l’aise dans les rôles de premier plan) lui donne une raison de le faire pour qu’elle croie en la bonté possible de tout un peuple. Elle est comme une enfant, qui découvre la guerre et la met en permanence sur le dos de son ennemi Arès, qui en est le Dieu, alors qu’il lui est toujours rappelle que les hommes se battent parce que c’est leur nature. Même après avoir découvert la vérité, elle croit encore en la bonté.
Au fond, Patty Jenkins prouve avec Wonder Woman que l’optimisme a toujours été présent dans le DCEU, alors qu’il était jusqu’ici un peu étouffé par le parcours initiatique des personnages. Ici, il explose enfin et irrigue tout le film, quitte à parfois y perdre quelques plumes. On est un peu embarrassé, il est vrai, quand le personnage déclame qu’il « croit en l’amour » et qu’il suffit de croire pour que le combat pour la survie de l’humanité soit justifié. Mais on aura tendance à penser que, par pur militantisme humaniste, le film force volontairement le trait, pour être sur de parler aux réticents, ceux pour qui c’est si insupportable qu’ils quitteront la salle au fur et à mesure du film. Encore une fois, le film prend des risques et s’inscrit au fond dans la lignée des précédents films du DCEU, refusant catégoriquement d’entrer dans le rang.
Car oui, et cela ne surprendra personne, Wonder Woman est un film militant. On a déjà défini l’humanisme du film, il est partout et symbolisé par le personnage éponyme, toujours interprété remarquablement par Gal Gadot. Ce militantisme est aussi féministe, et clairement identifiable en tant que tel, bien qu’il n’appartienne pas à l’auteur de juger de sa pertinence sur le sujet. On dira simplement que le militantisme fonctionne sur le « non concerné », et cela joue aussi grâce à l’interprétation de Gadot et tout les efforts payants qui sont fournis pour la rendre attachante. Elle est parfois naïve, trop pour le monde qu’elle découvre, mais elle est toujours farouchement intelligente et bien plus compétente que n’importe quel homme à l’écran. Le film se veut porteur d’espoir, et il l’est à chaque scène de combat, alors que l’héroïne donne des pieds et des mains pour défaire le soldat allemand. Il n’est finalement pas anodin que la réalisatrice, qui n’est définitivement pas dupe, s’oblige à forcer le trait pour faire passer son message : peut être était-ce nécessaire pour qu’il soit audible.
On a évoqué les scènes d’action, sans dire qu’elles étaient bien faites. Elles le sont pour la plupart, le montage est parfois saccadé mais la lisibilité est clairement définie et on comprend les actions, cela passe aussi par un filtre de lumière bien plus claire qu’à l’accoutumée (la teneur dramatique du film l’exigeait). La réalisation n’est pas vraiment le fort de ce Wonder Woman, on retient quelques money shots et quelques ralentis qui se veulent snyderiens mais la force symbolique de la réalisation de la tête pensante du DCEU reste assez rarement atteinte. Wonder Woman ne joue pas dans la même cour que Batman V Superman, sans traitement de valeur aucun, ils ne parlent toutefois pas des mêmes choses et surtout n’utilisent pas les mêmes moyens pour y arriver. Les films de Snyder étaient plus cinématographiques, ici la réalisation est soignée mais reste au niveau fonctionnel, sans proposer vraiment plus.
Sur la place de Wonder Woman dans le DCEU, celle ci est au fond assez rapidement définie. Aucun easter egg n’est reconnaissable dans le film, en tous cas au premier plan, on se contente du fait que Wonder Woman soit un personnage clé de l’univers étendu et qu’elle se rappelle de son histoire en raison du mot et de la photo d’elle que Wayne lui transmettait à la fin de Batman V Superman. Au fond, c’est préférable : dans la volonté d’indépendance du personnage, il est de bon ton que le film le soit lui aussi, et ne se force pas à disséminer plus ou moins habilement des tremplins qui, à la longue, auraient risqué de devenir artificiels. Jusqu’au bout, Wonder Woman est un film cohérent avec lui même.
On ne peut que conseiller le film. Quand bien même il n’est pas la pièce maîtresse du DCEU et manque parfois de subtilité, il reste une véritable bouffée d’air frais dans l’univers parfois étouffant de ces films, mais n’est pas pour autant l’enfant le plus négligé de la famille. À voir dès aujourd’hui, dans toutes les salles !
AMD