Class: qu’attendre du spin-off de Doctor Who ?
Le casting du spin-off de Doctor Who, Class, a été révélé il y a quelques jours. L’occasion de faire un premier point sur le peu dont nous disposons sur la série, alors que la maison-mère n’aura droit qu’à un épisode de Noël cette année.
On le sait depuis maintenant quelques semaines : la saison 10 sera la dernière de Steven Moffat à la tête de l’un des shows de SF les plus cultes de la télévision. Remplacé par Chris Chibnall pour la saison 11, et alors que la saison 10 ne sortira qu’à l’horizon 2017, Moffat peut ainsi bien fignoler sa sortie (il n’a que le Christmas Special à faire pour fin 2016), mais aussi pour superviser un autre de ses accomplissements, dont il est producteur exécutif : un nouveau spin-off à Doctor Who, nommé Class.
Le show se focalisera sur Coal Hill School, où Clara enseignait entre deux voyages temporels, en bref une sphère à laquelle Moffat a remis un coup de pinceau, où le Docteur est venu jouer les trublions en saison 8 dans l’épisode The Caretaker. Il est donc allé chercher Patrick Ness, l’écrivain young-adult de la série de livres Le Chaos en Marche, pour assurer l’écriture, et ainsi donner un ton bien particulier à la série. Si Patrick Ness a aussi fait de la littérature pour adultes, il semble au vu de l’identité de nos héros (une professeur et quelques élèves) que la série aura une tonalité whovian jeune public très assumée, tout en ne perdant pas ce qui fait son charme et son succès : du comique de situation bien british et un peu de cet adorable aspect kitsch pour donner le ton. Le casting a d’ailleurs été révélé : Greg Austin (dont le personnage sera nommé Charlie), Fady Elsayed, Sophie Hopkins et Vivian Oparah, des gamins inconnus du grand public, dans le rôle des lycéens (Sixth Formers, donc de première-terminale), et chapeautés par leur professeur, interprétée par Kathleen Kelly (récompensée pour son rôle dans Coronation Street, et vue récemment dans The Night Manager).
Ceci vu, qu’en attendre ? Le choix d’acteurs peu connus du grand public n’a pour quelque chose comme Doctor Who, surtout version Moffat, rien d’anodin : les acteurs ne sont jamais vraiment des stars absolues de la télévision (en témoigne le choix de Matt Smith à l’époque contesté). La série sera diffusée sur BBC Three, la filiale jeune public et jeune talent de la BBC (Him & Her, Being Human, et qui assurait déjà Torchwood). Autrement dit, les projets en sous-main des gros pontes de BBC One, ceux qui ont un intérêt artistique et télévisuel mais ne peuvent décemment pas vu leur bouteille prétendre à une place sur la grille de la chaîne principale. Class, qui ne comptera que 8 épisodes de 45mn, pourrait ainsi se tester sur la troisième chaîne avant d’éventuellement connaître un destin à la Torchwood et de passer progressivement sur BBC One (en espérant que ca ne finisse pas en coproduction Starz comme la 4e saison), surtout quand on sait que ses deux prédécesseurs, Torchwood et Sarah Jane Adventures, ont connu respectivement 4 et 5 saisons. Doctor Who fait partie de ces immenses projets dont l’univers est assez monstrueux pour, au fur et à mesure de ses tribulations, créer assez de romans, ou plutôt de shows possibles, où le filon est assez vaste pour évoluer à la fois en parallèle et en collaboration avec la série-mère. Dans Torchwood, c’était Jack Harkness, très apprécié des fans, double et antithèse du Docteur, qui guidait ; dans Sarah Jane Adventures, c’était l’ancienne compagnonne Sarah Jane qui menait la danse, comme un moyen de rendre hommage à l’ancienne série et d’en conserver quelques fragments dans ce revival. De ce fait, Class, qui prend place dans un lieu historique de la série, Coal Hill School, pourrait devenir un nouvel univers parallèle à Doctor Who, un espèce de recoin caché, un méandre incarné de l’esprit du Docteur, une aventure trop vaste pour être seulement un épisode d’une saison mais mériterait plutôt un passage au crible en plusieurs sessions. La BBC précise d’ailleurs bien que la série allait dévoiler tout un nouveau pan de l’univers whovian.
Le show ne diffuse que des informations mystérieuses pour le moment, toutefois quelques détails ont sailli : Steven Moffat a ainsi déclaré qu’il rêvait de voir un « Buffy Britannique, et que c’était la mission de Patrick Ness de faire en sorte que ce soit le cas ». Et du reste, quand on voit que la BBC en fait la promotion en parlant de Coal Hill comme d’un lieu historique, mais menacé par la rupture des murs du temps et de l’espace, rendus plus fins à chaque voyage temporel (et Dieu sait que le Docteur en a fait pour venir chercher Clara à chaque fois), et d’où pourrait sortir quelque chose de destructeur, difficile en effet de ne pas penser aux créatures de Buffy. La série, sans prise de tête mais avec le souci du détail et du whoniverse, serait ainsi un show où l’humour serait légion dans tous les domaines, où le burlesque et l’héroï-comique seraient traités sur un pied d’égalité : la peur, les monstres, comme les cours ou la prof… Ou comment des gamins sans histoires, mais avec des « secrets », devraient composer avec une menace sur l’univers, à l’échelle de leur propre vie déjà bien assez bouleversée par les troubles de l’adolescence, un véritable passage à échelle humaine mais où le fantastique n’aura jamais été aussi présent, une sorte de « Family of Blood » (saison 3) en plus léger. Class, dans la lignée de Doctor Who, sera bien dotée de cet esprit terre à terre, où surgit le fantastique pour bouleverser tous les codes et habitudes, même les plus enfouis. Et, à terme, soulever de plus en plus de questions pour devenir une partie intégrante de tout ce que le revival de 2005 a apporté. En outre, les mots de la BBC résonnent d’hypothèses : « Et si toute votre planète avait été massacrée et que vous étiez le seul survivant ? Et si une figure légendaire de l’espace-temps vous avait trouvé un endroit où vous cacher ? Mais, et si ce qui veut votre peau vous avait finalement retrouvé ? Et si, pire que tout… vous n’aviez pas étudié pour votre bac ? » Il est évident que ces paroles s’adressent au spectateur, pour le mettre dans la peau des personnages. Mais appliqué à l’échelle du show, cela pourrait être différent. Le ton abrupt de la dernière proposition tranche avec l’effet sérieux voire messianique des précédentes, histoire de poser des fondations volontairement décalées et une série qui exploite cet entre-deux socio-fantastique. Si la première proposition pouvait faire penser au Docteur, celui-ci semble apparaître dans la deuxième. Les deux propositions suivantes pourraient impliquer que les élèves seraient des extraterrestres, prenant apparence humaine pour se cacher, ou en tout cas, comme chaque cas du Docteur, qu’ils ne sont pas choisis au hasard. Mais le fait qu’on parle d’un « seul survivant » semble entrer en collision avec cette éventualité (serait-ce la prof ?). La réponse pourrait venir du Docteur lui-même, bien que Peter Capaldi soit encore en négociations pour apparaître dans la série (tandis qu’il n’y aura pas Clara).
Class, dite « effrayante et drôle, aussi douloureuse et tranchante que peut l’être la jeunesse » part avec du culot, et avec la volonté de poser sa pierre à l’édifice whovian. Avec des bases qui semblent bien ancrées, chaperonnée par tout ce que Doctor Who a déjà construit, Class semble naturellement destinée à s’inscrire dans la continuité. Avec le choix du young-adult, la série y va l’esprit libre, pour assurer un véritable « docere et placere » du divertissement, fun mais avec une direction bien précise, et pourquoi pas connaître un destin à la Torchwood. Son principal défi sera de creuser son propre sillon. Réponse courant 2016 !
3.5
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