Cucumber, Banana & Tofu au menu proposé par Russell T. Davies
La boucle est bouclée pour Russell T Davies qui revient à la télévision non pas avec une, ni deux, mais trois séries (bon, allez, deux et demi) situées à Manchester avec des bandes de gais lurons.
Il y a plus de quinze ans,
Queer as Folk débarquait sur les écrans anglais avec ces jeunes gays de Manchester à une époque où l’âge légal du consentement au sexe homosexuel venait d’être calé sur l’âge hétérosexuel. Après quelques années riches en actualités (surtout chez nous), entre la légalisation du mariage homosexuel et l’avancée générale des droits LGBT, Russell T Davies revient de sa pause bien méritée post-Doctor Who avec deux nouveaux dramas et un documentaire.
Cucumber, d’un format de 55 min, débarque dans un paysage télévisuel rempli de Looking, Orange is the New Black, Last Tango in Halifax, où non seulement l’homosexualité est une part caractéristique des personnages principaux, mais aussi le sujet principal. On est loin des petits jeunes de 20 ans de QaF, non, Davies a vieilli, et c’est donc logique qu’on suive des quadras, qui ont connu des périodes difficiles et qui tentent de s’adapter dans la société actuelle. Henry (Vincent Franklin) nous apprend de suite qu’il y a une échelle de dureté pour l’érection masculine, du tofu, à la banane pelée, puis à la banane mûre, et enfin, au concombre. Il est en pleine crise de la quarantaine, et homo ou pas, ça ne change rien, le temps où il était jeune est révolu et son compagnon ne l’excite plus. Comment dire… c’est graphique, très graphique. Mais ce n’est jamais vulgaire, et c’est ce qui était déjà remarquable dans QaF. Et avec les petites blagues bien orientées, on n’a pas besoin de se forcer pour rire. Très terre-à-terre, avec un rythme assez effréné et un humour décalé, on retrouve bien Russell T Davies qui jette à nouveau un œil au style de vie homosexuel, mais cette fois-ci d’une génération qui ne semble pas suivre le flow. Niveau casting, il y a des têtes connues comme des inconnues, je ne nommerai que James Murray qui j’espère, sera bien présent.
De suite après, on a Banana sur E4 qui suit les tribulations de Dean (Fisayo Akinade), qui bosse dans la même société que Henry en tant que coursier, âgé à peine de 19 ans. Pendant 20 min, on retrouve des twentysomethings dans des coups d’un soir, dans des embrouilles avec des parents qui ont du mal à accepter l’orientation de leur fils, dans des galères de colocation, dans leur utilisation de Grindr, mais plus généralement dans la gayness de notre monde moderne. Forcément, avec des clichés, on ressent encore plus fortement dans Banana, l’évolution de la perception de l’homosexualité à la télévision. La série prend le parti de l’humour, avec une ceinture de chasteté à la pointe de la technologie pour éviter de trop s’enliser dans des relations. Plus audacieux que Looking à tous les niveaux, c’est la touche indépendante britannique avec une énergie propre à Manchester qui ressort de cette série.
Le plus original et différent, reste vraiment la partie Tofu qu’on retrouve en ligne. La caméra va aller à la rencontre des acteurs et des particuliers pour leur poser des questions sans tabou. Pour ce premier épisode, « Good sex, bad sex » interroge directement ces gens comme tout le monde, en leur faisant partager leurs expériences du sexe. Ce sont des conversations des plus honnêtes auxquelles on assiste, et ce sont de bons sujets à débats. Le co-réalisateur de Tofu est un journaliste du nom de Ben Cook, que Davies a rencontré à l’époque de Doctor Who, et c’est juste présenté d’une manière tellement naturelle qu’on n’a pas l’impression que la personne est interrogée, mais on se place dans un véritable dialogue pertinent. Les trois pans sont prévus en 8 épisodes.
(P.S. : J’ignore si ça va être la nouvelle série gay culte d’une génération, mais dans tous les cas, ça fait plaisir de savoir qu’une série de Russell T Davies est à l’écran.)