Critiques de livres

Comme tous les après-midi, de l’iranienne Zoyâ Pirzâd

Zoyâ Pirzâd est une des figures majeures de la littérature iranienne contemporaine. Révélée en Europe par C’est moi qui éteins les lumières, elle n’a de cesse de peindre à petits traits sensibles la vie des femmes iraniennes, souvent mères au foyer, faisant s’épanouir au sein de ses mots la poésie simple de leur univers ménager et familial, et résonner leurs menus joies et chagrins dans le cœur de ses lecteurs. Pour sa rentrée de janvier, Zulma publie la traduction de Comme tous les après-midi.

zoya-pirzad-comme-tousComme tous les après-midi ne fait pas exception, mais se démarque des autres livres de Zoyâ Pirzâd par la finesse de ses ciselures et la sensibilité du trait. Enfant, adolescentes, femmes, mères, grand-mères, vieilles ou jeunes, toutes les femmes s’incarnent tour à tour dans ces dix-huit nouvelles. A travers ces portraits de femmes, c’est aussi tout un mode de vie, toute une civilisation orientale qui se dévoile sous nos yeux d’Européens, dans l’humilité des foyers modestes, le goût des raisins bidouneh ou du riz pilaf aux lentilles, et la simplicité du quotidien de tous ces personnages, attachés à leurs enfants, à leur conjoint, et à leur petit univers. Et aussi toute une humanité semblable à la nôtre, au-delà des différences de culture.

Là où Le goût âpre des kakis explorait les replis des relations entre hommes et femmes, et l’influence de la famille sur les femmes, Comme tous les après-midi se penche plus précisément sur le point de vue seul des femmes sur leur monde, et les relations de femme à femme, avec tout ce qu’elles soulèvent comme thèmes : la féminité, la maternité, la transmission de génération en génération… Que ce soit par les fleurs d’un arbre vues à travers les yeux d’une femme, un couvre-lit tricoté par une grand-mère et sa petite fille, ou l’admiration d’une petite fille pour la robe de sa mère, c’est le partage d’une histoire, d’une vie commune, d’un savoir qui se donne à voir sous nos yeux, avec toute la tendresse et la délicatesse de la plume de Zoyâ Pirzâd.

Zoyâ Pirzâd
Zoyâ Pirzâd

Cela n’en rend que plus surprenantes les quelques nouvelles qui sortent de ce lot commun, en se glissant dans la peau d’un jeune homme angoissé (« Le banc d’en face »), un vieux monsieur à la retraite (« L’heureuse vie de Monsieur F. ») ou en faisant carrément un détour dans un fantastique presque kafkaïen (« Les sauterelles ») où Zoyâ Pirzâd semble un peu moins à l’aise. Mais toutes sont des petites merveilles passionnantes, uniques et précieuses, qu’on savoure jusqu’à la dernière miette avant de tourner la page pour passer à la suivante.

« De là où elle était assise, elle pouvait voir la rue. Les enfants jouaient au ballon. L’air était chaud, étouffant. La femme appuya la tête contre le dossier du fauteuil et ferma les yeux. Elle reconnaissait chacun des enfants à sa voix. (…) Puis elle entendit le timbre de la bicyclette. C’était le journal du soir qu’on livrait. La femme se redressa dans son fauteuil en ramenant sur elle, comme un drap fin, les bruits familiers de la rue et la chaleur de l’été. Elle s’assoupit.

Trente ans plus tôt, elle était passée avec son mari au milieu du même vacarme de la rue pour entrer dans cette petite maison. Ce jour-là aussi, les enfants jouaient au ballon. »

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