Autopsie d'un classique

Videodrome : rêve ou réalité ?

Nouveau classique revu et peut-être corrigé avec Videodrome de Cronenberg !

David Cronenberg est un cinéaste à part, c’est une évidence. Durant sa longue carrière, il a traversé plusieurs périodes, des films indés horrifiques des années 1970 aux films plus consensuels de ces dernières années remplis de stars, mais toujours avec les mêmes thématiques : notre rapport vis-à-vis de notre corps, de notre environnement, de nos fantasmes et nos peurs. D’un sens, Cronenberg est proche de David Lynch ; mais dans le traitement, le Canadien est moins mystique, plus organique que son confrère américain. Et Videodrome en est un de ses plus frappants exemples.

Pourtant, le film commence (presque) normalement : on suit Max Renn, un patron de chaîne pour adultes qui tombe un jour par hasard sur une émission pirate appelée Videodrome, qui met en scène la torture et la mort d’un être humain. Le concept séduit Max, qui ne se pose que deux questions : d’où l’émission émet, et est-ce pour de vrai ou non ?

Dur d’en dire plus sans spoiler et gâcher tout le plaisir. Car, de ce postulat de base, Cronenberg en tire une ambiance malsaine et développe une histoire alambiquée qui brasse beaucoup de thèmes, mélange réalité et délires de Max, le tout avec différents niveaux de lecture. Ainsi, on peut voir dans Videodrome un pamphlet contre la télévision qui asservit ; ou alors, la fascination que l’on entretient pour le trash, cherchant toujours à regarder plus violent pour se divertir. Il y a d’autres théories possibles, le film se payant le luxe d’être assez ouvert pour laisser l’imagination des spectateurs travailler sur le sujet et garder le film en tête – et c’est sans doute voulu par Cronenberg.

videodrome

Car Videodrome est avant tout un film porté par les effets de maquillage, par son ambiance, et par la réalisation du Canadien. Cronenberg s’est fait plaisir niveau fantasmes, multipliant les effets plus dégoûtants les uns que les autres, sans tomber dans le gore cependant. Combinés à l’ambiance malsaine et à une mise en scène propre et efficace, bien servie par un rythme soutenu (contrairement à Scanners), ces trois éléments donnent un vrai cachet à Videodrome et font que l’on se souvient du film même plusieurs semaines après l’avoir vu, avec malaise. Il faut aussi ajouter que le casting est de qualité, de James Woods en Max Renn qui perd complètement pied, à Deborah Harry, la chanteuse de Blondie.

Tout l’intérêt du film réside donc dans cette absence de limite entre réalité et hallucination, mais c’est aussi ce qui risque de perdre certains spectateurs peu habitués à tant de confusions. Autre point faible, si le rythme du film est soutenu, le dernier quart d’heure est plus classique, en tout cas moins tortueux que le reste du film, et peut décevoir. Néanmoins, ce serait injuste d’en vouloir à Videodrome qui réussit pendant plus d’une heure à nous embarquer dans une histoire sombre et malsaine, où rien n’est sûr et la paranoïa présente.

Cependant, je pense que voir Videodrome sans s’être frotter à d’autres films de Cronenberg auparavant me semble un brin suicidaire, sachant que ce n’est pas le film le plus abordable du Canadien. Voir La Mouche (avec Jeff Goldblum), Scanners et/ou Faux-Semblants (avec un Jeremy Irons terrifiant) me parait nécessaire, au moins La Mouche. Mais si cela vous intéresse, vous pouvez regarder tous les films de Cronenberg sans souci, ils sont suffisamment variés pour ne pas être lassé (malgré les baisses de qualité dans ses derniers films).

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