Vice : L’enquête d’une Amérique pourrie
Adam McKay revient près de quatre ans après The Big Short, film sur le krach boursier de 2008, avec Vice, fruit de nombreuses enquêtes et se concentrant sur la vie de l’homme politique américain Dick Cheney (joué par Christian Bale), notamment connu pour avoir été vice-président des États-Unis sous George W. Bush. Le film commence dans les années 1960 et se déroule jusqu’à nos jours.
The Big Short avait surpris par sa forme qui se voulait pédagogique et humoristique, mais malheureusement le film restait relativement complexe pour des non-initiés à l’économie. Ici, McKay perfectionne largement son style en nous proposant un film prenant les mêmes bases (une voix-off permettant d’expliquer les situations complexes au spectateur, de nombreuses touches d’humour) pour rendre Vice accessible à tous, ou quasiment, et surtout le rendre particulièrement intéressant. En effet, le réalisateur ne tombe pas dans le piège du biopic, celui de ne chercher qu’une représentation de la stricte vérité sans apposer sa marque ou sans chercher une dimension artistique. Bien au contraire, Vice ne ressemble en rien aux biopics habituels puisqu’il fait preuve d’énormément de second degré, proposant avec ingéniosité un comique qui permet de faire une critique du fonctionnement américain et de sa corruption, tout en permettant au spectateur lambda de ne pas s’ennuyer au cours d’un film qui, de prime abord, aurait tout pour faire fuir l’apolitique qu’il est.
Dans cette même quête de rythme, Vice est constitué d’un montage étonnamment rapide, faisant s’enchaîner les époques et les situations, revenant sans cesse en arrière pour montrer l’évolution morale de l’homme politique, mettant en avant les moments-clés d’une vie qui semblaient alors inutiles mais qui prouvent que chaque choix a peu à peu mené un inconnu raté à devenir l’homme le plus puissant au monde, le tout dans une parfaite dynamique rythmique peu habituelle au genre. C’est donc à merveille que McKay, s’entourant à nouveau d’une merveilleuse équipe, fait connaître au grand public les coulisses de la vie terriblement secrète et passionnante d’un homme qui a conquis le monde sans que personne ne s’en rende compte. Vice n’est donc pas qu’un film brillamment exécuté, joué et raconté, il est avant tout un merveilleux travail d’investigations, d’ailleurs mis en avant dès la première image du film grâce à la transcription des paroles de McKay, se terminant par un génial « Putain ce qu’on a bossé ».
Vice est cependant le fruit d’un pari risqué, étant clairement tranché en deux dans sa structure. En effet, si la première moitié du film est fluide et simple, la deuxième partie s’ancre nettement plus dans une dimension politique. Les deux sont indissociables et intelligemment assemblées, mais il s’avère que le spectateur aura forcément une préférence pour l’une plus que pour l’autre, tant elles sont en réalité différentes, ce qui veut aussi dire qu’il y a peu de chance qu’il soit réellement emballé par l’une des deux parties, et s’ennuie légèrement plus dans l’autre. Si la première partie est facile d’accès et ne fait que frôler un discours plus profond, la deuxième partie est plus concrète mais diffuse un flux important d’informations bien plus complexes à assimiler. Si McKay arrive mieux à transmettre ses informations que dans The Big Short, il continue de faire face à des sujets naturellement compliqués et dont les propos risquent de ne pas être intégralement compris par le spectateur qui n’est pas particulièrement informé, tout en mettant à sa portée les éléments essentiels à une compréhension globale, à défaut d’être entière.
Vice reste cependant une prouesse tant ses informations sont cruciales et superbement bien amenées. Il est difficile de reprocher au film sa complexité puisqu’il serait impossible de rendre compte de faits aussi délicats d’une manière encore plus simplifiée, simplification due à une forme originale qui permet au film de dépasser la majorité des autres oeuvres du genre. De plus, Vice fait profiter au spectateur d’une nouvelle prestation du grand Christian Bale, encore incroyable, accompagné notamment des géniaux Amy Adams et Steve Carell.