The Good Doctor, Suivi Critique : épisode 2
Après avoir il y a quelques années mis fin à l’institution (et série favorite de votre serviteur) qu’était Dr House, David Shore revient avec une nouvelle série médicale, centrée sur un jeune chirurgien atteint d’autisme.
Un jeune chirurgien brillant, le docteur Sean Murphy, doit être accepté dans le service d’un grand hôpital, mais le débat entre les parties prenantes de cet hôpital fait encore rage. Et pour cause : le jeune docteur est atteint d’autisme … Episode 2 : Mount Rushmore
Le second épisode est dans la lignée du premier en termes de qualité mais amenuise un peu les défauts qu’on avait pu trouver au départ. Les flashs backs sont moins forcés et servent le thème de l’épisode, si chez à David Shore : le mensonge. Les relations de Sean avec les autres membres de l’hôpital sont très bien reconstruites, il est forcément découvert comme génie à la fin mais le reste du temps, le choix qui est fait n’est pas celui d’une idéalisation forcée mais au contraire d’un dévoilement de faiblesses du personnage, qui ne sait pas faire preuve de la compassion nécessaire pour ses patients, et ne peut s’empêcher de le montrer d’une manière ou d’une autre quand il est obligé de leur mentir pour les rassurer.
En quelque sorte, il est assez rassurant de voir que la série n’hésite pas à montrer que ce génie n’en est pas encore un, et qu’il a beaucoup à apprendre. Il n’est pas ouvert aux autres formes de médecine que la médecine physique stricto sensu,dommage d’ailleurs que la série lui donne raison quand il rejette l’idée même de maladie psycho somatique. L’épisode ne nie pas leur existence puisqu’elle les place dans la bouche du mentor mais montrer que Murphy avait raison au final de les rejeter apporte un message peu clair et surtout peu constructif.
Cela dit, c’est un positionnement assez logique quand on sait que la série fait preuve d’une foi quasi-aveugle en l’homme, et est en ce sens extrêmement bienveillant. L’esprit de Shore a changé depuis House, aucun cynisme n’est présent dans cette nouvelle création et ce est forcément parfois la raison de dépassements premier degré comme celui-ci, « il aurait fallu croire la petite fille qui avait vraiment mal ». On peut regretter cette grossièreté, cette caricature du discours médical psycho-somatique qui est sérieux et prouvé mais on aurait tendance à penser qu’elle est excusable par manque d’expertise, ce sont des notions encore peu admises dans l’esprit commun. À ce stade, cela aurait peut être été beaucoup demander à la série. Reste que l’ensemble se tient, Highmore est parfaitement crédible dans son rôle et la justesse du propos sur l’autisme est d’un excellent niveau, comme celui d’Atypical cet été.
Episode 1 : Burn Food
David Shore a une fascination pour les génies malades. Après avoir mis fin à l’adaptation de Sherlock Holmes la plus audacieuse et pertinente pour un bon moment encore, il fallait tourner la page. On dirait qu’elle l’est à moitié, on s’intéresse encore à un génie socialement inadapté mais la manière de faire est totalement contraire : au lieu d’un personnage cynique et odieux, The Good Doctor propose un personnage absolument incapable de cynisme à cause de sa condition mentale. L’idée n’est pas neuve cette année (on peut même craindre la redite avec Atypical, qui par malchance est arrivée quelques mois plus tôt), mais elle l’est résolument dans ce qu’on pourrait attendre de Shore, enfin débarrassé de son enfermement (en quelque sorte) dans l’adaptation d’une oeuvre aussi contraignante et réputée. Ici, le créateur peut enfin laisser libre court aux thématiques et récits qui lui sont chers, se basant sur un concept imaginé par des créateurs sud-coréens. Quitte à y perdre quelques plumes par manque de structure.
C’est un peu le cas. Autant crever l’abcès vite, The Good Doctor n’est pas dans son premier jet l’institution qu’elle pourrait devenir en remplaçant la place vacante qu’House a laissé mais elle est bien évidemment loin des critiques qui lui étaient déjà faites avant sa sortie. Étrangement, la série réussit à passer les nombreux caps d’un bon pilote en 45mn mais échoue aussi là où on ne l’attend pas, prouvant une fois de plus que Shore n’est pas celui qu’il faut pour raconter des origin story. L’épisode fonctionne, on le verra, quand on se concentre sur le présent : les actions de Sean Murphy, son inadaptation sociale, son avance médicale stupéfiante, tout est convaincant et réaliste sans avoir à suspendre son incrédulité. Il ne fonctionne pas quand il essaie d’expliquer les raisons de la situation présente du personnage.
Évidemment (et encore heureux), la série n’essaie pas d’expliquer la condition mentale du personnage, mais essaie malheureusement d’expliquer tout ce qu’elle peut expliquer : pourquoi il veut aider les gens, pourquoi il est médecin… Non seulement les raisons de cela sont un poil trop écrites pour qu’on y croie (la mort du lapin, puis la mort du frère, puis le faux scalpel…), mais elles sont en plus très mal insérées dans le récit, sous forme de flash-backs sous éclairés franchement indigne de ce qu’on essaie de nous raconter sur le temps présent. Ce sont des choses de l’ordre de l’intime, heureusement survolées (très peu de scènes sont concernées), qu’on aurait franchement préféré ne pas savoir ou les voir se développer quand la série est installée. Ici, c’est juste assez balourd et cela ne plaira pas à grand monde.
Pour autant, The Good Doctor fonctionne tout le reste du temps parce qu’elle est originale. On pouvait faire tout et n’importe quoi de ce concept et Shore décide d’en faire quelque chose d’au fond assez sobre, quelques ralentis par ci par là appuient des éléments mais le gros de l’épisode se contente de (bien) filmer les actions et élucubrations de Murphy sans en ajouter dans la fascination du spectateur. On ne présente pas le spectateur comme une bête de foire, il ne fait rien d’irréaliste ou de franchement exceptionnel puisque la série se contente de montrer son sens du détail et surtout sa connaissance parfaite du monde médical et de sa technique, ce qui au fond s’explique de soi-même par la présence au monde très particulière du médecin. L’idée n’est pas forcément originale, on nous présente une dichotomie entre l’affect du personnage (son inadaptation sociale) et son intellect (ses connaissances formidables) mais cette simplicité fonctionne parce qu’elle n’est pas surexposée, notamment grâce à Highmore qui sait rester très sobre dans sa méthode de jeu, bien que sa zone de confort soit encore bien simplement protégée.
Au fond, on a de quoi être rassuré par cette série qui ne se veut finalement pas une grande série à Emmys, mais simplement une nouvelle ère dans la carrière de Shore, qui propose une nouvelle itération de ses sujets favoris. On verra par la suite mais on sent déjà que la série n’a, contrairement à House, pas forcément vocation à durer plus que quelques saisons, en témoigne son placement dans la semaine (le lundi soir n’est jamais un excellent signe aux Etats-Unis) mais surtout son propos franchement restreint. Gageons que cette première saison sera consacrée à la manière dont Murphy parvient à gagner ses galons dans l’hôpital et a y trouver sa place. Contrairement a House, on prend ici le personnage au début de son histoire et il y a franchement encore tout à raconter.
Ce sentiment d’inachevé (qui au fond, s’explique aussi par la durée courte de ce qui nous a été montré) vient aussi du fait que les personnages qui entourent Murphy sont assez peu incarnés. On parlerait même presque d’unidimensionnels, entre celui qui ne veut pas de Murphy pour des questions d’assurances et celui qui le veut pour son talent, entourés par une petite équipe dont on ignore tout… Le placement de l’univers est un peu insuffisant, on ne sait pas grand chose de l’hôpital et on sait trop de choses sur Murphy, il faudra vite rééquilibrer la balance avant que la série ne sombre dans le portrait d’un seul personnage, restreignant encore plus son champ d’attaque. Intéressant toutefois de voir que, comme dans Atypical, le propos de la série veut que son personnage soit le centre d’un dialogue de sourds entre les différents cadres de l’hôpital, renvoyés à leur propre autisme intellectuel par leur incapacité à se comprendre. Quelque chose qu’il faudra encore concrétiser, mais qui devrait absolument être une piste à creuser pour apporter du piment intellectuel à la série.
Pour l’heure, le pilote de The Good Doctor est convaincant, bien ficelé dans sa globalité et donne très envie de poursuivre. La série n’est pas encore le coup de cœur attendu par votre serviteur mais elle a encore tout pour le devenir dans les prochaines semaines. Elle n’est pour l’instant qu’un récit intéressant, enthousiasmant et nécessitant un peu d’huile dans ses rouages. À suivre.
AMD