The Big Bang Theory, saison 10 : investissement rentable
C’est au tour de The Big Bang Theory de se mettre en pause pour les fêtes. La série, après 10 saison, maintient un rythme de croisière (et des audiences) assez remarquable, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour sa créativité. Explications.
Rappelons qu’au début de cette saison 10 de The Big Bang Theory, Leonard et Penny se sont « remariés », en bonne et due forme, selon le souhait de leurs familles, ce qui avait donné lieu à quelques scènes cocasses, comme ce qui a été considéré (et qui n’a pas été officiellement confirmé) comme un rapprochement intime entre le père de Leonard et la mère de Sheldon. Depuis, mieux : Amy et Sheldon vivent ensemble dans l’appartement de Penny, tandis que Penny a emménagé avec Leonard, ce qui n’est, malgré tout, pas de tout repos. Et enfin : Bernadette a accouché d’une petite Halley…
Tout cela est très beau, mais on sent qu’avec ce tournant de la naissance, du vivre-ensemble, de la famille, The Big Bang Theory semble être en phase d’atterrissage. Tout ce qui faisait le sel de la série (les nerds scientifiques qui tâchent de trouver une belle fille, vivre leur passion, qui ont des hauts et des bas, se retrouvant en cela dans des situations plus absurdes et cocasses les unes que les autres) a bien sûr évolué en 10 ans. Mais on ne peut s’empêcher de penser que cette espèce de passage à l’âge adulte, bien que phase naturelle pour un show aux telles dispositions (4 copains qui vivent leur vie, rencontrent une fille, se casent…), ne soit pas en même temps le signe d’une fin en soi, et donc d’une fin tout court. Prenons un exemple tout simple : depuis qu’Howard s’est marié, il a perdu facilement 50% de sa substance, tant il est relégué au second plan. Il n’est même plus un personnage à part entière, il s’est « rangé », d’un point de vue purement caractériel. Ses imitations, les blagues sur sa judaïté, ses accoutrements, ne sont presque plus présents, et son délire sur la NSA, tentative un peu gênante de le rebooster, a fait long feu. De fait, Bernadette en souffre aussi puisqu’elle est sa femme, et déjà qu’elle n’avait pas une importance capitale, mais sa grossesse, bien que touchante, ne lui apporte pas quelque chose de plus (elle reste une espèce de chipie à la voix stridente). Et du reste, la grossesse est un fil rouge peu prioritaire, qui nous touche quand elle est annoncée, puis quand Bernadette arrive à terme.
Il est assez étonnant de voir d’ailleurs que The Big Bang Theory ne se soit pas servi de cette grossesse pour organiser un vrai sketch sur les responsabilités. Quand on voit que la série a pris un tournant dramatique depuis deux ou trois saisons (les mariages, certaines disputes, le comportement de Sheldon…), il est assez surprenant de voir qu’Howard ne se soit pas posé plus de questions sur sa capacité à être père, par exemple, une réflexion qui pourrait avoir lieu en filigrane, comme Ted s’imaginant rencontrer la fille de ses rêves et quel père il ferait, et qui entrerait dans cette nouvelle ligne de l’appréhension de la vie parentale. Cette question est trop vite expédiée, du fait certainement du format de la sitcom qui demande vitesse et efficacité plus que réflexivité. On aurait d’ailleurs pu imaginer que Penny et Leonard, désormais mariés, puissent aussi se poser la question de leur potentiel de parents (est-ce qu’on aurait imaginé Penny mère au début de la série ?) ; ou que Sheldon, après tout ce que la série a fait pour un peu remodeler son caractère difficile, repense à sa demande en mariage d’Amy ; ou que Raj se secoue un peu pour retrouver une fille et ne pas juste être un sidekick sympathique mais gênant (ce qu’il sait très bien faire et qui est très drôle, mais un peu toujours de la même manière). Au lieu de cela, on a donc des situations de plus ou moins grande importance, qui quand elles se rencontrent permettent de sympathiques moments de bravoure (comme la bataille dans le partage des biens de Leonard et Sheldon), mais dont le feu sacré est moindre.
L’équilibre de traitement des personnages y est forcément pour quelque chose. On a l’impression que l’équipe technique de The Big Bang Theory s’est retrouvée face au fait accompli de leur écriture scénaristique, et ont donc dû sacrifier certains personnages face à d’autres. Sheldon et Amy ont ainsi la plus grande place, du fait de la teneur de leur relation reposant pour beaucoup sur les facéties de Sheldon et les soupirs d’Amy, et qui constitue le principal potentiel comique de la série, dans la veine de la décision, depuis 3 bonnes saisons, de donner une importance grandissante au développement de Sheldon au détriment des autres jugés, certainement, déjà assez complets. Le procédé a un intérêt dans le sens où Sheldon a énormément de particularités, coincé avec un esprit d’enfant surdoué dans un corps adulte, mais est fatigant à la longue quand tout ou presque repose sur son comique du décalage, qui éclipse les qualités des autres personnages. Si on a encore des séquences très caractéristiques de la série (notamment le pré-générique avec Sheldon qui sort un truc, les autres qui rebondissent dessus en se moquant de lui), la balance a désormais clairement penché. Raj piétine, Wolowitz est en retrait, Sheldon fait du surplace… Même Leonard et Penny en sont presque ennuyeux, surtout depuis leur mariage, puisqu’ils ne se déclenchent comme personnages, la majeure partie du temps, qu’en tant que Sheldon et Amy déclenchent eux-mêmes quelque chose. Mais ils ont toujours plus d’importance qu’Howard, Bernadette, ou Raj… Peut-être est-ce dû aux revalorisations salariales récentes des acteurs, incluant peut-être plus de temps d’écran ? On sait en plus qu’Howard, Bernadette, et Raj, sont moins bien payés que leurs compères, même si cela a été quelque peu régularisé, certainement en fonction de leur importance là aussi. Une dimension commerciale, qui, du coup, expliquerait pas mal qu’au milieu des quelques nouveautés (l’attente du bébé, la future condition de parrain de Raj, les aspirations grandissantes d’Amy, les potentielles évolutions du couple Leonard/Penny), on se retrouve avec beaucoup (pour ne pas dire en majorité) de choses très habituelles de la série (le retour de Stuart-la-déprime à la maison Wolowitz en premier lieu). Et l’annonce d’un possible spin-off sur l’enfance de Sheldon n’est pas pour rassurer…
Qu’on ne s’y trompe pas : The Big Bang Theory reste une sitcom de très bonne qualité, fidèle à elle-même. Mais après tant de temps, et même si cela nous ferait mal, il est temps d’avancer… ou de se poser. La deuxième moitié de saison nous apprendra peut-être quelque chose en ce sens. The Big Bang Theory revient le 5 janvier 2017 sur CBS.
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