#TeamBatman – Batman et Robin (1997)
Alors que Batman V Superman : Dawn Of Justice est à une semaine de sa sortie en France, SmallThings.fr continue d’explorer l’univers cinématographique des deux héros. Aujourd’hui, on revient sur le cas du légendaire Batman et Robin.
Autant annoncer tout de suite la couleur : nous ne tirerons pas ici sur l’ambulance. Batman et Robin, le monde les sait et peu le contestent, est un très mauvais film, le fun et la joie en sont absent, remplacés par la vulgarité et le kitch, rien ne va, du jeu des acteurs à l’écriture des personnages, des anges de caméra choisis à l’aspect visuel de la chose. Ici, au lieu de vous proposer une critique qui dira la même chose que les autres, SmallThings a décidé de se pencher pour vous sur les raisons de l’échec de Batman et Robin, mais surtout sur les conséquences dramatiques que cet échec a eu sur l’ensemble de l’univers cinématographique DC, expliquant pour beaucoup son retard sur Marvel aujourd’hui.
Un mot, d’abord, tout de même, du film en lui-même. Ce qui est formidable dans cette œuvre c’est que rien ne va, rien n’est à sa place, le film est en décalage permanent avec son récit et son sujet, les personnages ne vont nulle part… Pour donner un exemple, une intrigue existe dans le film à propos d’une possible mort d’Alfred, ingrédient et situation dramatique si il en est, mais qui n’a rien à faire dans ce film où se côtoient tétons de Robin et gros paquet de Batman ! Il est clair que Joël Schumacher ne sait pas où il va, et se contente pour faire vivre son film extrêmement pauvre d’y apporter une vraie caverne d’Ali Baba de produits dérivés : du flingue en plastique de MrFreeze à la carte de crédit (sic) de Batman, les personnages aux mêmes semblent simplement être présents pour en vendre des figurines (et ce n’est pas le jeu quasi-monolithique de Clooney qui dira le contraire, lui même est presque une figurine en cire durant tout le film).
Avec tout cela, il aurait été présomptueux d’attendre de Batman et Robin une quelconque cohérence de l’intrigue : qui peut prétendre, ayant vu le film, avoir compris quelque chose au plan de Freeze, et à l’utilité de son alliance avec Poison Ivy? L’intrigue a des trous énormes, les scènes s’enchaînent sans aucun rythme, sans aucune recherche de cohérence même élémentaire. Ce n’est pas un film, c’est un assemblage de scènes sans aucun liant sinon celui d’être un produit marketing (assez efficace, il faut l’avouer). Tout est pétaradant, le film précédent ressemble presque à un Burton en comparaison tant Batman et Robin est grossier esthétiquement, les couleurs fluo peignant le film comme un jeune bachelier qui fête sa victoire « repeint » le sol de sa salle de bain en fin de soirée ! Tout est immonde, gras, rien n’est digeste et on en ressort complètement abruti, alors que le premier film était loin d’être mauvais ! En bref, le film est un massacre dans les grandes et petites largeurs et on ne peut que se poser la question suivante : que s’est-il passé ?
Commençons par les raisons de l’échec Batman et Robin, qui finalement sont toutes liées à un enjeu principal de la production : le film a été produit en un temps record, de la volonté de Warner ! Il faut savoir que Joël Schumacher n’avait aucune envie de faire le film a l’époque, il dira plus tard regretter d’avoir accepté de faire une suite à Forever, n’y connaissant rien en suites lui-même. Le film s’est donc non seulement fait à la va-vite, mais aussi dans l’ennui le plus total de tous ses créateurs ! Et le départ de Val Kilmer, peu avant le début du tournage, n’a rien fait non plus pour arranger les choses, remplacé à la va-vite par un George Clooney insouciant qui, disons le, n’a accepté de jouer dans le film pour rien de plus que le plaisir et la renommée qu’est supposé apporter le rôle de Batman !
De la même manière que l’on peut se poser la question de savoir la raison pour laquelle Nolan a gardé une certaine prise ratée de The Dark Knight Rises, on se demande encore ce qui a pris aux producteurs, à la Warner donc, de ne pas mettre un holà au projet. Jusqu’à au bout, cette dernière a l’air d’avoir cru au projet, au film en lui-même, allant jusqu’à en prévoir la suite avant même sa sortie ! Après le succès de Batman précédent, celui de Batman et Robin pouvait sembler logique mais pourquoi n’avoir pas exercé un contrôle plus efficace sur le film ? Forever n’avait pas été un gros succès critique, contrairement au premier film de Burton, on n’explique donc pas la main complètement libre de Schumacher sur le projet. Le « complètement libre » étant ici à mettre entre guillemets : on ne parle que de qualité. Commercialement, on sait au vu de ses témoignages que le réalisateur avait pour directives de faire un film « toyetic ». Mélange de « Poetic » et de « toy », il n’en faut pas plus pour comprendre que la seule ambition de Warner était l’argent et que la qualité du film leur était indifférente.
Ainsi, si faute doit être distribuée, elle va évidemment au réalisateur pour ce qu’il a fait du film et de l’ensemble du cast, mais aussi, et on l’oublie trop souvent, aux producteurs qui ont laissé la main complètement libre à un créateur inexpérimenté en la matiere. C’est difficile à avouer et à manière avec prudence, mais au vu de ce que l’on a évoqué il semble que Batman et Robin était un film voué à l’échec, rien ne pouvait sortir de bon d’un film dont tout le monde se fichait. Quand aux conséquences de toute cela, elles ont été, au moins, catastrophiques, au niveau qualitatif bien sûr mais également, contre toute attente de la part des studios Warner, commerciales, de sorte que Joel Schumacher, George Clooney mais surtout le mythe même de Batman ont bien failli ne jamais s’en relever.
D’un point de vue commercial, le film de Joel Schumacher n’a pas été un échec immédiat mais plutôt sur la longue durée. En l’espèce, le film n’a pas du tout été une catastrophe au box office, glanant selon les estimations de Box Office Mojo un total de 238 millions de dollars pour un budget de 125 millions de dollars. Le score en lui même est donc très convenable, c’est en fait à la postérité que s’évalue la perte engendrée par la qualité de Batman et Robin. Après que la sortie du film et que les ventes de jouets qui en ont découlé aient eu le temps d’être largement consommées, la maison de production Warner Brothers, pour ce qui est des adaptations de comics DC, s’est trouvée dans un état de léthargie si intense et durable qu’il a fallu attendre 8 ans, fin de période correspondant à la sortie du Batman Begins de Christopher Nolan, pour qu’un nouveau film de ce genre voie le jour chez eux (si on excepte le Catwoman de Pitof deux ans plus tôt, échec cette fois à la fois commercial et critique). Que de temps perdu pour Warner Brothers ! Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de faire revenir après coup le personnage de Batman au cinéma, mais toutes les tentatives en ce sens se sont soldées d’un échec, un abandon, tout simplement en raison de la frilosité des producteurs et des différents problèmes que pouvaient engendrer les projets.
C’est d’abord le cas du projet « Batman Triumphant« . Celui-ci se situe juste avant la sortie de Batman et Robin, alors que la Warner, aveuglée par la perspective plus ou moins, on l’a vu, réaliste des gains que le film allait engendrer, s’interroge sur le futur du personnage. Cette fameuse suite à Batman et Robin en est alors au stade de projet sérieux, toujours réalisé par Joel Schumacher, et le film est cette fois plus ambitieux : avec un Nicolas Cage en Épouvantail, Batman affronterait son plus grand défi, faisant également face à la fille du Joker de Burton, Harley Quinn (dont les murmures disent qu’elle aurait été interprétée par nulle autre que Madonna). Inutile de dire que l’accueil critique très mauvais de Batman et Robin a anéanti toute perspective des producteurs en ce sens… Le projet ne manquant toutefois pas d’un certain panache, il aurait été stupide de la part de la Warner d’espérer un quelconque profit de la part d’une équipe désormais si décriée, huée par un public désormais prévenu de ce qu’il pense (avec une certaine raison) être une totale incompétence de sa part.
L’abandon du projet Batman Triumphant est donc le début d’une longue période de gestation créative pour Warner Bros. Après le logique abandon du spin-off sur le personnage de Robin (un des principaux griefs apportés à Batman et Robin), les studios se sont en effet évertués à trouver des idées pour relancer la machine, avec toujours en préoccupation principale la volonté de proposer un divertissement familial, mais cette fois accompagnée de celle de proposer un fond réel au film : ils s’en sont rendu compte, le spectateur n’est pas qu’un consommateur ! Ainsi, plusieurs projets voient le jour, qui se ressemblent au fond tous un peu et seront tous rejetés par les producteurs plus ou moins pour les mêmes raisons !
C’est d’abord le cas de Batman Darknight, où l’Epouvantail (toujours, dans les plans, interprété par Nicolas Cage, comme quoi l’acteur, en plus de son rôle dans le défunt Superman Lives, était décidément dans les petits papiers de DC), de par des expériences sur sa toxine, donnait naissance à Man-Bat (premier ennemi de Batman, si je ne m’abuse, dans la culte série animée sur le personnage). Un Batman alors à la retraite devait se mettre à pourchasser la créature… L’idée était ambitieuse, empruntant beaucoup aux comics imaginés par Frank Miller, mais la Warner sans doute frileuse à l’idée d’un projet aussi sombre ne l’a pas retenu. Une adaptation de Batman Beyond a également, pour les mêmes raisons, été rejetée, de par son aspect trop sombre, et surtout le fait que les producteurs souhaitaient revenir sur des bases totalement neuves. Le projet hallucinant de Dareen Aronofsky pour le retour aux origines d’un Batman écrit par Frank Miller n’a pas non plus été retenu, l’idée d’un film classé R effrayant les producteurs déjà bien timorés.
Mais, avant de se quitter, un projet mérite de retenir notre attention quelques minutes. Un projet qui ressemble beaucoup à la raison pour laquelle nous écrivons ces rétrospectives aujourd’hui. Le projet Batman Vs Superman ! En effet, Wolfgang Petersen (Troie) a longtemps été pressenti pour réaliser le film : Bruce Wayne, ayant perdu tous ses proches, a raccroché le costume de Batman, mais le ré-enfile quand le Joker (ressuscité par Lex Luthor) assassine sa toute jeune mariée. Prévoyant une revanche, Batman se trouve alors arrêté dans son ambition par Superman… Mais c’est un projet remarquable qui n’a pas non plus vu le jour, Warner étant inquiète de détruire sa seconde licence phare, Superman.
Il faudra donc attendre 2005 pour que Christopher Nolan remette les choses en l’ordre avec son reboot total de la franchise, Batman Begins. Mais c’est une autre histoire… On parlera du film après demain, pour l’heure, restons en là ! Demain, je vous parlerai de Man Of Steel !
Sources :
- Wikipedia (Pages Batman et Robin, Joël Schumacher, Razzie Awards…)
- DC Planet : Batman au cinéma, les projets avortés
- Screenrant : George Clooney Apologizes (Again) for Batman and Robin
- Tor : Everyone Involved In Batman and Robin also hated Batman and Robin
AMD
Aaaah J ai beaucoup aimé cet article hyper bien documenté qui change beaucoup de la simple critique.