Sériephilie

Suits : imposture en robe et tolérance fictionnelle.

Les séries juridiques passionnent par leur immersion dans le milieu des procès, mais sont-elles réalistes  ? JurisDrama s’invite sur Smallthings pour juger Suits.

Dans l’univers de Suits, Mike Ross est un prodige du droit… mais sans aucun diplôme. Il n’a jamais fréquenté la faculté, n’a pas passé le barreau, et pourtant, il plaide, signe des contrats et traite avec des juges dans l’un des cabinets les plus prestigieux de New York.

Ce postulat de départ, aussi captivant qu’irréaliste, constitue l’un des plus gros « faux raccords juridiques » de la série. Car dans la vraie vie, l’histoire de Mike ne relèverait pas de la fiction, mais du pénal. Top c’est parti pour scruter les incohérences juridiques dans Suits :

Une infraction grave dans la vraie vie

Dans la réalité, Mike Ross serait immédiatement poursuivi pour exercice illégal de la profession d’avocat.
En droit américain comme en droit français, se présenter faussement comme avocat constitue un délit pénal.

En droit français (à titre comparatif) :

Article 433-17 du Code pénal :

> « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait d’exercer une activité réglementée sans remplir les conditions légales. »

En droit américain :

L’unauthorized practice of law (UPL) est strictement encadrée.
Chaque État punit l’exercice illégal du droit, parfois jusqu’à 5 ans de prison selon la gravité et les conséquences.
Et ici, Mike ne se contente pas d’un petit conseil juridique clandestin… Il travaille dans l’un des plus gros cabinets de New York !

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Un cabinet complice : où sont les barreaux ?

Ce qui choque tout juriste, c’est le silence des institutions :

Harvey Specter, l’associé senior, engage Mike en connaissance de cause.

Jessica Pearson, managing partner, couvre la fraude. Le barreau de New York, censé réguler la profession, ne remarque rien pendant plusieurs saisons.

Dans la vraie vie, tous risqueraient :

Des sanctions disciplinaires graves (radiation, suspension)

Des poursuites pour complicité d’usurpation de titre, voire mise en danger des clients

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La série évite habilement de confronter Mike à la vraie violence de la justice pénale. Lorsqu’il est enfin découvert, il est protéiné par la narration :

Ses actes sont « compris ». Son talent devient une excuse. Il finit même… par plaider pour de vrai avec l’accord d’un juge. Suits choisit de romancer la fraude pour glorifier l’intelligence, au détriment du droit.

Le silence coupable du cabinet Pearson Hardman

Dans la réalité , il est strictement interdit de pratiquer le droit sans être diplômé d’une faculté de droit accréditée et inscrit au barreau de l’Etat concerné. Or, Mike Ross ( Interprété par Patrick J. Adams ) n’a jamais étudié en faculté. L’idée qu’il puisse plaider, négocier et représenter des clients en justice et non seulement illégale , mais relèverait de la fraude grave dans n’importe quelle juridiction américaine. Pour référence juridique : dans l’État de New York , pratiquer le droit sans licence constitue un crime, puni par l’article 485.10 du code pénal.

Tous les associés sont au courant à un moment ou un autre. Pourtant, personne ne signale Mike. Pourquoi ? la série normalise la complicité professionnelle comme stratégie de survie. En réalité, tout avocat ayant connaissance d’une telle fraude a l’obligation éthique de la dénoncer. Leur silence les rend juridiquement vulnérables, notamment pour négligence , collusion ou entrave à la justice.

Le recrutement de Mike Ross repose uniquement sur un entretien avec Harvey Specter, sans la moindre vérification de ses diplômes ou antécédents. Dans un cabinet d’élite , cela frôle l’absurde. Dans la réalité , le diplôme , le passage au barreau et les références font l’objet de vérifications multiples avant l’embauche.

Des juges , des adversaires, des clients , des avocats rivaux…et personne ne s’aperçoit de la supercherie ? ce niveau d’invisibilité est hautement improbable. Les confrontations judiciaires, les bases de données du barreau et les registres de formation continue rendent cette imposture quasi impossible à long terme. Le silence de la série sur ce point entretient une illusion dramatique , mais peu crédible juridiquement.

Suits glorifie l’image de l’avocat-charmeur , invincible et tout-puissant. La procédure judiciaire devient un décor lointain. Les règles de procédure civile ou pénale sont reléguées au second plan. Résultat ? une justice stylisée, certes mais biaisée: les normes sont floues , le droit devient un accessoire de prestige, et le spectateur perd le lien avec la rigueur du réel.

Manipulation, intimidation, bluff : l’arsenal “ juridique” douteux.

Harvey Specter et Mike Ross usent et abusent des techniques borderline: menaces voilées, manipulations de preuves, pressions psychologiques sur témoins. Or , ces pratiques seraient sanctionnées sévèrement par tout tribunal ou comité de discipline. La série banalise l’illégalité comme moyen de victoire. On aime Suits pour son rythme, son style, ses punchlines. Mais juridiquement, la série repose sur une fiction fragile. Elle détourne les fondements de l’éthique juridique et banalise l’imposture comme s’il s’agissait d’un simple défaut administratif. Avec JurisDrama, nous rappelons qu’en matière de justice , la forme ne doit pas éclipser le fond.

Elliott TSHIBUYI Horace

Tom Witwicky

Créateur de SmallThings, 1er Geek Picard de la planète Exilé dans le 92

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