S1m0ne : en 2002, Al Pacino inventait une star avec une IA
Il y a plus de 20 ans, S1m0ne proposait une idée farfelue pour l’époque, mais terriblement contemporaine aujourd’hui. Malin à l’époque, le film avec Al Pacino tient-il l’épreuve du temps ?
Un film d’anticipation vieux de plus de 20 ans peut-il encore être pertinent ? Quand il rejoint la réalité ne gagne-t-il pas en puissance ? C’est le genre de questions qu’on se pose quand on lance S1m0ne, écrit et réalisé par Andrew Niccol. L’homme aime les chefs d’orchestre qui perdent le contrôle de leur jouet et les sociétés où on vous ment. Bienvenue à Gattaca, The Truman Show, Time Out sont autant de films d’anticipation que de regards pertinents sur un futur improbable devenu plus que probable.
Grand artificier d’un monde qu’on ne comprenait pas vraiment, précurseur de beaucoup d’évolutions de la société, Niccol a perdu sa pertinence. Peut-être le monde allait trop vite pour lui. Anon et Good Kill n’ont pas eu l’effet escompté.
Création et dissimulation
S1m0ne met en scène Viktor Taransky (Al Pacino), réalisateur hollywoodien sur le déclin, qui voit sa vedette principale de son film en cours (Winona Ryder) quitter le navire de son film. Interpelé par un informaticien farfelu qui lui vend une technologie révolutionnaire, il préfère quitter un temps Hollywood. À la mort de l’informaticien, on lui lègue le disque dur de sa dernière création : Simulation One, un logiciel performant qui crée un humain virtuel. Il a trouvé la nouvelle star de son film.
Simone (SIMulation ONE, jouée par Rachel Roberts) devient alors une actrice à al renommée soudaine, une superstar, une création qui va peu à peu dépossédée Taransky de la maîtrise des choses.
À l’heure où les influenceuses créées de toutes pièces envahissent Instagram, où on parle de plus en plus du remplacement des artistes par les IA, il était intéressant et intrigant de se pencher sur ce film. Alors qu’il soulevait de sacrées questions à l’époque, aujourd’hui, il est devant nous pour jouer au jeu des sept erreurs.
Histoire (in)temporelle
Ce qui choque au premier abord est le ton global du film, qui frôle parfois la comédie. On est dans le genre assurément, mais certaines scènes sont du domaine de la satire plutôt que du conte. Si le film se moque du microcosme qui se crée autour d’une star, il est surtout devenu très caricatural. On ne peut pas nier que Niccol a voulu se moquer des journalistes, de la starisation. Sauf que Niccol peine à offrir une histoire crédible.
La crédibilité ne se trouve pas dans l’existence de Simone. Au contraire, en 2024, le film n‘a rien de science-fiction. Ce qui cloche est la mise en scène et les choix ridicules de Niccol. Un script comme ça doit être d’une précision redoutable désormais quand on utilise la technologie comme point d’ancrage de son intrigue. En 2002, l’étonnante idée de Niccol suffisait à accepter les défauts et raccourcis du film. Vingt ans plus tard, on n’excuse pas l’incohérence de Simone quand Viktor l’utilise (quand il simule ses mouvements par exemple ou quand il suffit de taper aveuglément sur son clavier pour créer n’importe quoi), ou la façon dont le public réagit face à elle (les pancartes et autres). On frôle la facilité dans de nombreux cas. On aurait préféré un script beaucoup plus solide, plus crédible si on voulait que le film soit… intemporel.
Le film fait presque deux heures mais on aurait aimé plus d’aspect ludique sur la création de la star, son utilisation et la façon dont on biaise le public. Finalement, Niccol reste sur la réception de son idée et non l’exploitation. On est un peu frustré.
Difficile de ne pas dire que S1m0ne a vieilli. Les thématiques restent très pertinentes. L’illusion et la perfection sont les thèmes de la trilogie Truman / Gattaca / Simone. On ne peut pas retirer à Niccol l’intelligence du propos.
Autour du film, il est intéressant de voir que Rachel Roberts a signé une clause lui interdisant d’apparaître pour la promotion du film, prétextant que c’était une véritable création virtuelle qui a été utilisée. Cela marcherait énormément aujourd’hui.
S1m0ne est un film qui semble peu pertinent dans son exécution aujourd’hui, mais qui reste, avec le regard tourné vers le passé, un incontournable de son époque. Flop à sa sortie, peu diffusé, introuvable sur les plateformes, ce film sur une IA reste une curiosité quasi essentielle du cinéma d’anticipation.