Suite, remake, reboot

Quelques Minutes Après Minuit : trop de temps à attendre

Juan Antonio Bayona a conquis le public en deux films. The Impossible et L’Orphelinat sont des références dans leur genre et avec Quelques Minutes Après Minuit, Bayona s’attaque au conte avec un dextérité folle.

Avant qu’il ne s’envole pour Hawaï et Jurassic World 2, Juan Antonio Bayona a adapté le roman de Patrick Ness, A Monster Calls.

Conor a de plus en plus de difficultés à faire face à la maladie de sa mère, à l’intimidation de ses camarades et à la fermeté de sa grand-mère. Chaque nuit, pour fuir son quotidien, il s’échappe dans un monde imaginaire peuplé de créatures extraordinaires. Mais c’est pourtant là qu’il va apprendre le courage, la valeur du chagrin et surtout affronter la vérité…

Il ne faut que quelques minutes pour comprendre où va nous emmener Quelques Minutes… Par un procédé assez rincé de la voix-off et de la scène de fin en avant-propos, le film semble déjà coincé dans son dispositif de fable incompressible. Le petit garçon (formidable Lewis MacDougall) s’enferme dans un monde pas si extraordinaire que ça. Le résumé semble faire de Conor, une sorte d’aventurier dans un monde féerique. Il n’en est rien. Le Monstre débarque dans sa vie avec une rapidité de propos et d’exécution folle et jamais Conor se retrouvera dans un monde différent du sien. Au contraire, Conor ne sera que coincé dans sa vision un peu morne d’un monde qui s’écroule autour de lui, littéralement ou métaphoriquement. L’ambiance n’est pas aidée par une photo terne et des décors rappellent les mauvaises heures de l’Angleterre des années 80. Tout est orange, gris et beige, loin de l’image aux contrastes forts des précédents films de Bayona.

quelques minutes

Apprenant que le Monstre (porté par la voix et les gestes de Liam Neeson) est là pour partager des histoires avec Conor, le spectateur semble perdu par le ton et la volonté du film. Sommes-nous dans un film à sketchs ou plutôt un film purement féerique ? Quelques Minutes… se perd dans une forme bancale où les histoires racontées sont prétextes à l’évolution du petit Conor. Bayona a choisi d’animer ces histoires pour éviter de personnifier avec des acteurs les personnages de ces contes. Les séquences en animation sont formidables mais nous font sortir du film par une pertinence de propos un peu lourde contrairement à celle de Harry Potter et les Reliques de la Mort partie 1 qui arrivait à surprendre avec ce même artifice.
Il y a une telle différence de ton, d’images et d’intention entre ces séquences et les scènes d’exposition qu’il y a un désintérêt qui s’installe. L’ennui pointe même son nez quand le père de Conor (Toby Kebbell) apparaît pour ne servir aucune volonté scénaristique.

La dramaturgie du film a bien du mal à nous toucher. Conor n’est pas idiot mais le film en fait quelqu’un d’ignorant dès la première minute pour servir la finalité du scénario. La crédibilité psychologique du personnage en prend un coup. Le propos est alors dilué dans une approche un peu désuète du lâcher prise. Sigourney Weaver et Felicity Jones  (grand-mère et mère de Conor) n’apportent pas assez d’humanité à l’ensemble. Malgré tous les efforts de Bayona qui reste un des meilleurs réalisateurs en activité, on peut passer à côté du film. Il ne dit pas les choses, il n’exprime pas les émotions et les survole mal. Bayona parvient à offrir de beaux moments de grâce qui pourront suffire à certains mais qui seront vains pour d’autres. Le Monstre et Conor partagent des scènes visuellement splendides et en soi, le duo improbable ne suffit pas à faire une fable réussie. Le message a beau être fort, le spectateur comprend trop tôt où la fiction veut l’emmener et la surprise ne pointera jamais son nez. L’épilogue n’est pas surprenant mais aucun film prônant la fable ne peut se permettre de prendre le public à contre-courant.

Le film reste un peu émouvant quelques minutes… avant la fin, quand enfin, les choses sont dites. On a compris le message du film bien trop tôt pour ne plus être emporté, ni surpris. Bayona fait le minimum mais enterre sans mal Le Bon Gros Géant avec un duo plus attachant, une exécution sincère, intime et arrivera sans mal à devenir un classique pour beaucoup.

Tom Witwicky

Créateur de SmallThings, 1er Geek Picard de la planète Exilé dans le 92

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