Passé imparfait – La jeunesse de Julian Fellowes
Le nom de Julian Fellowes vous semble étrangement familier ? Évidemment, puisqu’il s’agit du créateur de Downton Abbey. Dans Passé imparfait, il raconte les détails de la vie de la jeune aristocratie anglaise de la fin des années 60… cette fois-ci, c’est une sorte de suite à la série dont il s’agit.
Eh oui, Julian Alexander Kitchener-Fellowes est de fait le Baron Fellowes de West Stafford, un véritable membre de la chambre des Lords. C’est peut-être pour ça que la vie de la noblesse de
Downton Abbey sonne aussi authentique dans l’oreille des plébéiens que nous sommes. Le héros, un romancier sexagénaire sans véritable grand succès se retrouve à raconter ses souvenirs de jeunesse lors des swinging sixties afin d’exécuter les dernières volontés d’un vieil ami…
L’ouvrage est paru en mai dernier chez nous et en 2008 outre-Manche, et si la période décrite est bien celle de la jeunesse de Fellowes, ce n’est certainement pas lui-même qu’on suit dans le passé. Pourtant, il partage plus d’un trait commun, comme un père diplomate ou une aisance à manier les mots. Typiquement britannique jusqu’au fin fond du Kent, entre leurs airs faussement sympathiques et leurs grands discours, les coups bas de l’élite anglaise entre eux. Il y mêle humour et ironie, avec une description enflammée de ces tea parties habituelles londoniennes. La Season comme il l’explique si bien, à savoir l’entrée des jeunes demoiselles débutantes dans la sphère aristocrate où elles vont rencontrer (probablement leur futur mari) toutes les relations qu’elles devront entretenir pour leur avenir. L’auteur dresse des portraits vifs de la lente déchéance de ces vieilles noblesses à la montée de ces nouveaux riches (l’omniprésence des Américains n’est plus à mentionner). Le roman se fait écho lui-même, la comparaison de leurs personnalités d’avant à ce qu’ils sont devenus aujourd’hui, et ce n’est pas toujours brillant… Il y a quelques longueurs d’ailleurs, dans les passages contemporains où la nostalgie pointe le bout de son nez, car on est plus happés par les souvenirs.
Ce qui est assez ahurissant, c’est de voir à quel point « leur » monde est réellement différent du commun des mortels. Et je ne parle pas seulement des conventions, de l’étiquette propre à la haute, mais plus généralement de ce clivage des classes. Moins trash que The Riot Club, mais tout aussi limité au monde de Cambridge, Oxford, Eton et autres grandes écoles privées ou alors aux particules bien placées, Passé imparfait expose à nu les us et coutumes sans pour autant les dénigrer ou les aduler. En somme, tout est dans le non-dit dans cette société. Le héros lui-même est mis à mal mais garde ses principes issus de la gentry et prouve que chacun est libre de disposer de sa propre vie. Il y aura toujours cette singularité chez les Anglais, leur profond respect voire une certaine affection pour la famille royale que nous ne comprendrons certainement jamais. En fait, Passé imparfait est ce qui pourrait arriver aux enfants de Lady Sybil et Lady Mary… Et ce qui est sûr, c’est qu’ils ne sont pas allés voir les Beatles en concert ou The Clash démarrer !
(P.S. : Ce qui est sûr, c’est qu’il est occupé Lord Fellowes. Avec une comédie musicale en chantier et la future adaptation d’un précédent roman, pas étonnant qu’il arrête Downton Abbey… Et si vous voulez avoir une idée de ce qui s’est passé avant la série, il y a toujours La dernière duchesse !)