Mary Poppins : notre avis sur le Blu-Ray
Cette semaine, en parallèle de la sortie de « Dans l’Ombre de Mary », Disney sort « Mary Poppins » pour la première fois en Blu-Ray, près de cinquante ans après son arrivée dans les salles américaines. Cette édition en haute définition vaut-elle le détour?
Au début des années 1960, Hollywood a du mal à faire concurrence à l’arrivée massive de la télévision dans les foyers. L’introduction du Cinémascope est un des moyens de lutte pour faire revenir les spectateurs dans les salles. Walt Disney, lui, a un des plus puissants empires de divertissement, avec les parcs d’attraction Disneyland, sa présentation des émissions siglées Disney assurant sa présence sur tous les petits écrans du pays. De plus, pour pallier à la longue production des films d’animation (« Les 101 Dalmatiens », « Merlin l’Enchanteur »), Walt Disney Pictures produit une longue série de films live-action. Pour adapter le livre « Mary Poppins » de P.L. Travers, Disney va avoir pour idée de réaliser de longues séquences hybrides où les personnages seraient plongés dans un univers de dessin animé. La technique n’est pas nouvelle : il l’avait déjà employée dans les années 1940 et « Song of The South », et également dans une ou deux productions MGM des années 1940, mais jamais à cette échelle.
En appelant un habitué des productions filmées Disney, Robert Stevenson (« Flubber », alias « Monte là-dessus » et sa suite), Disney et son coproducteur Bill Walsh vont s’assurer d’avoir le meilleur des deux mondes. « Mary Poppins » réunit, dans un seul film, des effets spéciaux pratiques, des numéros musicaux s’étendant sur plus de 10 minutes (les ramoneurs!) et une séquence animée essayant d’effacer les limites entre animation et monde réel, procédé qui sera à nouveau perfectionnée de manière notable par Robert Zemeckis dans « Qui veut la peau de Roger Rabbit? » Des détails tous bêtes comme les chevaux sortis du manège dont les barres s’enfoncent dans la terre du chemin en 2D, sont remarquables pour l’époque. Le matériel animé a dû subir le plus de restauration, à cause d’un endommagement de la pellicule dû à l’utilisation de la tireuse optique pour les effets spéciaux. Deux laboratoires différents ont été utilisés pour la restauration des éléments animés et celle du négatif en 4K. La réussite de cette restauration vient autant de la préservation du grain du film que de la restitution de la photographie et de la lumière, surtout pour l’intérieur de la maison des Banks, idyllique des demeures londoniennes. « Mary Poppins » n’hésite pas à habiller ses personnages couleur pastel pour mieux les intégrer au fond animé, et signifier au spectateur que Cherrytree Lane est un univers assez fantaisiste pour qu’une Mary Poppins puisse y exister sans peine (évidemment par le biais du voisinage). Finalement, le seul personnage teinté de sérieux est bien George Banks, et c’est celui-ci qui va constituer l’arc du film. C’est celui-là même dont la voix ne se prête pas à celle des chansons des frères Sherman, les déclamant en rythme avec quelques intonations, mais se refusant à pousser la moindre note.
« Mary Poppins » tient surtout le coup grâce à la quinzaine de chansons composées par les frères Sherman, et une orchestration ébouriffante d’Irwin Kostal : il faut entendre le Bert de Dick Van Dyke interpréter de manière plus mesurée le « Spoonful Of Sugar » et les quelques mélodies insérées en rappel subliminal dans quelques séquences pour réaliser la maîtrise et la luxuriance des arrangements. Les frères Sherman n’hésitent pas à aller chercher du côté du canon russe, des valses viennoises ou du cabaret big-band de leurs concurrents de MGM pour une bande-son assurément truculente. Le seul supplément notable de l’édition HD vient d’ailleurs du survivant des frères Sherman, Richard, qui raconte des anecdotes sur la composition auprès de celui qui l’incarne dans « Dans L’Ombre de Mary », Jason Schwartzman. Le côté trop révérencieux et l’ajout promotionnel de la bande-annonce du film est agaçant, mais la créativité des arrangements expliquée vaut le détour. L’autre supplément, moins probant, est un assortiment de chansons du film réinterprétées en « lyric video » animées. Il s’agit des versions anglaises des chansons, la version française originale du film étant présente sur cette édition mais pas mise en avant (piste 2.0).
Les suppléments du DVD de 2004, pour le 40e anniversaire du film, sont tous transposés sur le Blu-Ray. On peut donc voir le master HD avec les commentaires de Richard Sherman, Julie Andrews et Dick Van Dyke, mais aussi les heures de bonus revenant sur le making-of, la première du film à Los Angeles, les effets spéciaux et la musique. On trouve aussi un documentaire de 50 minutes sur l’adaptation à Broadway qui est un peu trop long et promotionnel pour mériter sa place ici, et le court-métrage qui voit Julie Andrews reprendre le rôle de Mary Poppins reste anecdotique et peu inspiré. Mais l’exhaustivité des contenus du DVD rend les ajouts HD décevants pour les collectionneurs. Mais le vrai justificatif de l’achat reste le master HD du film, qui est très réussi. On aurait juste souhaité un ajout de bonus plus substantiel à la lumière de « Dans L’ombre de Mary », comme les enregistrements audio des conversations de P.L. Travers à Los Angeles, ou encore un module sur l’auteure elle-même. Mais il semble que Disney utilise cette nouvelle édition comme produit d’appel à aller voir le film making-of, « Dans l’Ombre de Mary », alors qu’il n’en est pas vraiment un. Les consommateurs qui feront la démarche inverse risquent d’en être pour leurs frais. En définitive, l’interactivité n’est pas supercalifragilistic, principalement pour les collectionneurs Disney.