Man of Tomorrow : court-métrage où la passion est anéantie par l’excès de confiance
Les fan films sont des projets où le coeur parle avant toute chose. L’amour du fan pour une création est souvent mal comprise, démesurée mais toujours sincère. Les fan films Superman sont tous différents. Par manque de budget, on peut s’attarder sur la psychologie des personnages et quand on a l’ambition d’offrir une production value indispensable pour raconter une histoire qui tient à coeur, cela donne Man Of Tomorrow, court-métrage français.
Critique à quatre mains avec Adrien et Tom A l’aube du 21ème siècle, les mega-corporations exercent une influence plus grande que les gouvernements. La ville de Metropolis en est le symbole, une vitrine technologique du monde de demain. C’est dans ce contexte que le jeune Clark Kent, perdu comme jamais suite à la perte de son amour de toujours, Lana Lang, et de son père, Jonathan Kent, partira dans une quête vengeresse contre Omega Corp qu’il tient pour responsable de cette perte et qui entrainera le monde entier vers un nouvel âge. Dans l’ombre de Metropolis, Clark devra affronter un ennemi qui testera sa part d’humanité, mais aussi de précieux alliés qui l’amèneront vers son ultime destin: Superman !
On ne partait pas gagnant avec une bande-annonce un peu prétentieuse (mettre en avant des producteurs inconnus est preuve d’un manque de tact flagrant et d’un désir de faire « comme les américains ». Man Of Tomorrow est enfin là après des années de développement.
Projet de longue date, Man Of Tomorrow est l’oeuvre d’un français, Hugues Puyau. Il s’est lui-même mis en scène dans le rôle de Clark / Superman pour ce court-métrage ambitieux de 40 minutes tout de même. Je n’avais pas deviné qu’il était acteur et réalisateur alors que depuis le début du projet, je trouvais le rôle titre très mal casté. Maladresse de ma part peut-être mais il faut l’avouer, le manque de charisme est insolent. Si on ajoute à ça un jeu très limite, il reste alors un intérêt assez réduit. On se doute bien que le projet est le sien, qu’il en est en faire, mais cette volonté de se mettre ainsi en avant reste un peu douteuse du point de vue de l’humilité nécessaire à tout fan-film.
Pourtant tout le reste méritait le détour puisque le court a l’ambition de proposer une adaptation de Superman: Earth One de J. Michael Straczynski. Si on passe sur le jeu des acteurs, la mise en scène est de bonne facture avec un rythme soutenu et appréciable. Sûrement par un manque d’expérience, la volonté de tout montrer plutôt que de suggérer est synonyme de balle dans le pied puisque les scènes d’action ou les scènes graphiques font tache avec les décors naturels (la vraie ferme des Kent de la série Smallville et le centre-ville de New-York). Il aurait été préférable de faire dans l’économie de moyens et dans l’ambition narrative plutôt que démonstrative. Les plans larges manquent et ne permettent pas de rendre certaines scènes crédibles. La présence du véhicule de Batman à un mètre de Clark sans qu’il ne s’en rende compte est un peu étrange par exemple… Pire encore, certains figurants ne s’investissent pas dans les scènes de combat ou de destruction, et il ne suffit pas, comme le fait pourtant le film, de filmer le tout en shaky cam pour que le spectateur n’y voie que du feu. L’action est souvent molle, et cette volonté de le cacher maladroitement agace le spectateur.
L’autre originalité est d’avoir fait doubler les comédies par certaines voix « connues » comme les voix de Clark, Jonathan et Martha Kent de Smallville. Si on peut penser que l’idée est saugrenue, on n’y prête guère attention si on n’a pas eu l’information (et dommage de ne pas avoir choisi Chloé Sullivan en personnage puisque son sosie apparait !) Ou plutôt si, on est obligé de se rendre compte du problème tant le doublage semble fait par dessus la jambe, on revient sur un problème récurrent de voix qui ne conviennent pas au jeu facial et comportemental des acteurs, cet espèce de gadget, sous couvert de faire plaisir aux fans de Smallville, se révèle finalement un handicap dans la tenue globale du projet.
Dans la globalité du récit, l’intrigue reste assez bien tenue, fait preuve d’un peu d’ambition et de cohérence. Mais au vu d’un projet se présentant comme aussi mastoc, on ne peut que tiquer devant certains détails, comme une relation Batman/Superman trop poussée dans leur amitié (le discours de Batman, pitié…), la voix de Darkseid absolument horrible, supposément terrifiante mais en fait ridicule dans ses effets, et surtout cet espèce de réveil de Superman lors de leur combat, jamais expliqué scénaristiquement.
Le métrage souffre d’une petite baisse de régime toutefois après 20 minutes mais la richesse du récit permet de passer outre. La musique est inspirée, quand elle n’emprunte pas des notes à Hans Zimmer (le thème de Batman est à la limite du plagiat par rapport aux Dark Knight), la production value est quand même recherchée. Pour un projet qui était très ambitieux sur le papier, peut-être trop, le résultat est à la hauteur de mes attentes qui n’étaient pas très hautes.
Le projet a le mérite d’avoir été bouclé et d’offrir 40 minutes de fanfilm sur Superman avec un héros en action et des personnages fidèlement représentés. L’amour pour l’univers et le personnage est là, c’est indéniable. Mais la passion ne l’emporte pas face à l’ambition. Mais c’est moins par son manque de moyens que par sa prétention qu’il pèche, un excès de confiance en soi du créateur menant à un résultat au moins bancal.
A vous de juger !
https://youtu.be/Ju3k0hW5Z1w