Les Nouvelles Aventures de Sabrina : de la place des femmes en religion
Nonobstant le relatif manque de talent de la plupart des seconds rôles et le côté un peu cheap des décors, Les nouvelles de Sabrina reste une bonne surprise. Cette première saison offre une réflexion sur les droits des femmes dans un contexte d’ultra-religiosité.
Elle suit le chemin de Sabrina pour tenter de s’émanciper de l’Église de la Nuit sans pour autant renoncer à la sorcellerie. Elle propose également une réflexion sur le féminisme inclus des références à l’horripilante théorie de l’intersectionnalité. Ainsi le seul patriarcat semblant être digne d’être abattu est le patriarcat blanc, comme si le seul à faire preuve d’esprit de domination était le mâle blanc et que la lutte pour le droit des femmes ne pouvait se faire qu’en non-mixité avec éventuellement des alliés n’assistant de fait pas aux réunions. C’est néanmoins une bonne photographie de l’état actuel du féminisme américain où le relativisme culturel est très en vogue.
La figure de la sorcière est une figure ambivalente. Elle est à la fois le symbole du Mal et un modèle de femme libre. Libre parce que libérée à la fois des conventions habituelles des sociétés des hommes et parce que vivant seule en n’étant pas sous la coupe d’un homme donc pas sous celle de Dieu. Durant les dernières décennies, le caractère maléfique de la sorcière a été effacé au profit d’une figure émancipatrice. Les nouvelles aventures de Sabrina renoue avec cette vision ambiguë. La société magique est clairement une société cruelle où on n’hésite pas à s’écharper à qui mieux mieux. Cannibalisme, sacrifices humain, meurtres,… Ces gens ont pactisé avec Satan et il ne s’agit pas de satanistes du dimanche se retrouvant à minuit dans un cimetière pour jouer à se faire peur.
Mais à y regarder des plus près ce féminin omniprésent n’est tout puissant avec ces pouvoirs que pour mieux être asservi par le masculin. Tante Zelda est obsédée par le Seigneur des Ténèbres, même Madame Satan, la grande figure machiavélique de cette saison, s’humilie devant Le Bouc en l’implorant après son premier échec à mener Sabrina à son baptême. Toutes les femmes présentes sont définies à travers la relation qu’elles ont avec un homme qui de fait les domine. Cela vaut y compris pour Sabrina qui est dominée symboliquement par la figure de son père qu’elle n’a jamais connu. Son statut de grand prêtre et le péché qu’il a commis de se marier en dehors de la communauté pèsent lourd sur les épaules de sa fille pour lequel Satan a clairement un plan bien établi. Néanmoins cette domination ne se fait pas à l’avantage des hommes tout aussi rongés par la peur et la domination que les femmes. Là où mes femmes sont soumises aux hommes, les hommes sont soumis à Satan.
Ce qui nous est montré à l’écran, ce sont les systèmes de domination qui s’exercent sur l’ensemble des individus lorsqu’ils vivent sous le joug d’une religion totalitaire. Le satanisme régit sans le moindre répit l’existence de ses adeptes : les autres croyants suivent les enseignements du faux dieu, la possibilité d’être athée n’est même pas évoqué, tout le monde répète, à longueur de journée, « loué soit Satan » comme d’autres disent « loué soit Dieu ». La religion n’a pas ici un enjeu spirituel mais de pouvoir. Il ne s’agit d’élever son âme, il s’agit de ne pas être écraser sous le poids de la domination quitte à soi-même dominer un autre membre de la communauté. Les rituels ne sont là que pour emprisonner les adeptes. Il est en cela très parlant que l’enjeu de la saison soit le baptême de Sabrina. En refusant à de signer le livre tout en restant sorcière, Sabrina revendique un pouvoir qui ne soit que le sien. Intolérable pour Satan qui fait tout pour la faire signer en la coupant de ses amis. Elle finira par le faire non parce que les liens étaient rompus mais parce que son amour pour eux était si fort qu’elle a accepté de se sacrifier pour les sauver. Le baptême de Sabrina signe à la fois l’échec et la victoire de Satan. Ces amis connaissent sa nature de sorcière et l’aime tel qu’elle est. Sabrina a acquis un fort pouvoir symbolique dans l’Eglise de la Nuit : elle a passé la saison à s’y positionner et à ses propres conditions, elle a été baptisée non par le Révérend Fautus en présence de toute la congrégation mais seule par Satan en personne. Elle a néanmoins été contrainte de se soumettre au baptême et est donc désormais sous la coupe de Satan.
La fin de cette première saison nous rappelle les grands mécanismes de la tragédie antique. Sabrina a suivi sa propre voie mais elle l’a conduit à la fatalité de signer le livre qu’elle ne voulait surtout pas signer. Satan n’a pas réussi à la séparer de ses amis mais elle a perdu son humanité.
Les nouvelles aventures de Sabrina a le potentiel pour devenir une grande référence de la série d’horreur. Pour cela, elle doit abandonner son côté teen drama pour assumer pleinement d’être une série d’horreur et embrasser totalement la tragédie grecque qui a été mis en place au cours des dix épisodes de cette première saison. Sabrina vient à la fois de signer un accord faustien avec Satan et d’incarner une Antigone des temps modernes. Le destin lui a forcé la main mais elle a pleinement choisi de le vivre. Elle a signé en toute conscience pour le salut de sa cité, Greendale.
Félicie