Les 8 Salopards – Le Huis Clos de Trop
Trois ans après le triomphant Django Unchained, Quentin Tarantino renoue avec le Western pour son huitième film Les 8 Salopards, originalement intitulé The Hateful Eight, plus noir, plus trash mais surtout plus ennuyeux.
Coincés dans un refuge par un blizzard au cœur des Montagnes enneigées de l’Amérique, huit Salopards vont devoir coexister : deux chasseurs de primes, une prisonnière, un futur shérif et quatre personnages énigmatiques. Ce refuge va rapidement devenir le théâtre d’une série de tromperies et de trahisons où l’un de ces salopards n’est pas celui qu’il prétend être…
Impossible de le nier, au premier abord, ce film a tout pour plaire : un visuel époustouflant, un casting prestigieux et une intrigue digne des plus grands polars. Et pourtant rien ne pouvait prédire que ce film, attendu de pieds ferme après les succès retentissants des œuvres du réalisateur et la divulgation du scénario avant l’heure qui avait fortement compromis sa sortie, ennuierait. Et c’est bien là le principal défaut des 8 Salopards qui, malgré toutes ses qualités, peine à embarquer le spectateur.
Tourné en format Ultra Panavision 70 mm, le film permet un visionnage hors du temps puisque il a presque disparu – Tarantino himself conseille aux spectateurs de le voir dans son format d’origine ; oui mais le problème étant qu’un nombre très limité de cinémas peuvent se permettre une telle projection en 70 mm, ainsi un faible pourcentage aura la chance de découvrir le film dans de telles conditions. Ce qui est bien dommage lorsque le réalisateur nous présente de tels paysages et une mise-en-scène somptueuse que nous lui connaissons bien. En effet, la réalisation n’est on ne peut plus « Tarantinesque » : nous retrouvons ses cadrages composés et millimétrés, ses dialogues cinglants, ses références assumées, l’importance de la musique – signée Ennio Morricone, s’il vous plait – et le découpage de son intrigue en chapitre.
Parlons-en de l’intrigue. Le scénario est nettement découpé en plusieurs parties ce qui donne un sentiment d’alléger, si nous pouvons dire, l’histoire relativement conséquente et riche. Ici, nous perdons le second degré propre à son style habituel et ses dialogues s’en retrouvent à la fois lourds de sens et lourds à digérer rendant le tout pesant et long. Certes, Tarantino propose une réflexion intelligente sur la place accordée à chacun dans une Amérique d’après-guerre mais cette succession de dialogues conduit inévitablement à des longueurs et sur un film de 2h45, cela se ressent. Ici tout est dans la retenue pour conditionner le public à réagir face à une fin foudroyante mais même ce dénouement explosif et des plus sanglants – âmes sensibles, prenez garde – nous laisse perplexe après plus de deux heures de film à attendre. Cela nous amène à parler du manque de tension qui se fait cruellement attendre – encore une fois – notamment dans ce genre de huis clos où les masques tombent un par un.
Cependant, soulignons la superbe direction d’acteurs qui reste l’un des atouts majeurs des Huit Salopards. Tarantino nous a toujours prouvé qu’il était compétent dans ce domaine, et il a toujours offert des rôles passionnants que ce soit à ses acteurs fétiches ou à de nouveaux talents qu’il met en lumière. Dans le cas présent, c’est bien simple : chacun de ces huit talents est formidable et c’est un pur plaisir à les regarder interagir sur leur scène théâtrale qu’il possède et habite à merveille. Nous retrouvons le grand Samuel L. Jackson, Kurt Russel, Tim Roth, Michael Madsen, Bruce Dern, James Parks et Walton Goggins vraie révélation du film, qui ont tous déjà travaillé avec Tarantino. En petite nouvelle mais pas moins grande actrice, nous retrouvons Jennifer Jason Leigh, magistrale.
Vous êtes prévenus : Les 8 Salopards est une œuvre complète et à part entière, la meilleure du réalisateur pour certains, la pire pour d’autres, qui risque de faire parler d’elle. Mais l’ennui aura eu raison de nous, la déception aussi.