Critiques de livres

Le ciel nous appartient, les mains en l’air, la bouche en coeur

Le ciel nous appartient de Brendan I. Koerner vient de paraître aux éditions du Livre de Poche (le 2 mai). Il s’agit d’un inédit en France. L’auteur, journaliste réputé du Vanity Fair américain, nous plonge dans l’histoire de deux pirates de l’air amoureux, au cœur du plus grand détournement d’avion des Etats-Unis. Dès sa sortie en juin 2013, Le ciel nous appartient s’est placé dans les meilleures ventes aux Etats-Unis. La réalisatrice de la série Master of Sex travaille actuellement sur son adaptation.

ciel-nous-appartient-poche1972. Un jeune couple un peu paumé, Roger Holder et Cathy Kerkow, décide d’échapper à un quotidien sans promesse en détournant en avion à destination de Seattle.

A travers le cas de ce couple de pirates, c’est un portrait de la société américaine des années 1970 qu’offre Le ciel nous appartient au lecteur, fasciné malgré lui. Roger Holder est un soldat révoqué, traumatisé par la guerre du Vietnam, grand consommateur de marijuana et fasciné par le mouvement du Black Power et par Angela Davies qu’il voulait à l’origine faire libérer lors de ce détournement d’avion. Cathy Kerkow est une jeune hippie désabusée, issue d’un petit patelin américain réactionnaire, beauté sauvage dont les charmes seront plus utiles en cavale qu’au sein de son propre pays. Ces deux pirates intrépides et irresponsables sont le reflet d’une jeunesse américaine des années 1960 à 1970 qui ne se reconnaît plus dans son pays et dans son modèle politique comme économique.

Au-delà de l’histoire particulière de ces deux amants, qui vivront exilés en Algérie puis en France, le journaliste américain Brendan I. Kroener nous livre surtout dans Le ciel nous appartient un travail d’historien très complet sur le double phénomène de la piraterie aérienne et du renforcement de la sécurité dans les aéroports. Du premier détournement aérien en 1961 à l’essoufflement de la tendance une dizaine d’années après, c’est à la fin d’une certaine insouciance que l’on assiste, teintée de nostalgie. En effet, les détournements loufoques (effectués par des mineurs en mal de sensations fortes ou par un couple avec son bébé !) cèdent malheureusement le pas aux demandes de rançons mirobolantes avec prise d’otages. La coopération bonhomme du personnel de vol sous l’oeil amusé du public américain fait place à l’apparition des normes de sécurités aériennes telles qu’on les connait aujourd’hui et à la définition de la piraterie aérienne comme crime sévèrement puni.

Si Le ciel nous appartient m’a paru être davantage un récit (bien) documenté qu’un roman d’amour et d’aventure, sa lecture est intéressante et instructive. J’ai cependant regretté cette aridité présente au sein de plusieurs chapitres (accumulation de dates et de détails qui sont de l’ordre de l’exposé pour un cours d’histoire et qui peuvent perdre le lecteur, notamment concernant les faits de guerre). Le style littéraire est souvent sacrifié au profit de l’exactitude historique et l’on aurait souhaité une plus grande prise de risque narrative de la part de Brendan Koerner, éditorialiste de renom. Mais je ne peux nier le très bon portait de la société américaine des années 1960 à 1970 sous l’angle original de la piraterie aérienne, l’absence heureuse de référence aux attentats du 11 septembre, la richesse du travail de recherche de l’auteur.

J’attends avec curiosité son adaptation télévisuelle !

 » En ce temps-là, on pouvait traverser un aéroport, du contrôle à l’embarquement, sans rencontrer le moindre inconvénient – ni appareil à rayons X, ni détecteurs de métaux, ni même les mains baladeuses d’un agent de sûreté mal luné. N’importe qui pouvait traverser nonchalamment un tarmac et se joindre à la file d’attente pour embarquer sans billet, ni la moindre pièce d’identité. Sur certains vols, les passagers avaient même la liberté de régler leur voyage après le décollage. Comme si les avions n’avaient été que de simples trains de banlieue flanqués d’ailes. Toute une génération de pirates de l’air sut tirer profit de cette naïveté. Entre 1961, année du premier détournement dans l’espace aérien nord-américain, et 1972, celle où le vol 701 pour Seattle fut piraté, cent cinquante-neuf avions commerciaux furent détournés aux Etats-Unis. « 

Le ciel nous appartient, Brendan I. Koerner, Le Livre de Poche Editions, 367 pages. Pour en savoir plus, le site de l’auteur est à consulter : une véritable mine d’informations sur les faits qui ont inspiré le livre.

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