Jessica Forever : Formidablement paradoxal
Jessica Forever est un film français écrit et réalisé par Jonathan Vinel et Caroline Poggi prenant place dans un futur proche dans lequel les orphelins sont nombreux et sont traqués pour être tués. Jessica est une jeune femme se dressant contre cette violence et décide de sauver les orphelins pour former une famille. Le film débute pendant le sauvetage d’un orphelin.
Malgré un synopsis qui a de quoi titiller l’imagination, il se trouve que Jessica Forever est l’exemple-type du film sans budget. En effet, les scénaristes/réalisateurs jouent sur la probabilité d’un futur qui ressemblerait au monde que nous connaissons aujourd’hui pour proposer un film qui se déroule dans des lotissements comme il y en a des milliers en France. Il est donc loin le dépaysement d’un film proposant de prime abord une sympathique science-fiction. Tout le film se caractérise alors par un côté très cheap, notamment avec des costumes simplistes qui font penser avant tout à des déguisements enfantins. Le spectateur l’aura donc compris : le film ne compte pas sur l’illusion pour le transporter dans son univers.
En réalité, Jessica Forever repose peu sur son histoire, et bien plus sur une ambiance poétique poussant souvent à la réflexion. Si les deux jeunes réalisateurs auraient pu fournir un film banal mettant en scène un affrontement entre deux entités opposées (comme la plupart des films de ce genre), ils ont judicieusement préféré traiter du mode de vie qu’entrainait la fuite permanente, ainsi que la psychologie de personnages n’ayant jamais connu que la violence et la solitude. Le concept du film est donc de présenter un réel background de ses protagonistes sans jamais vraiment développer l’univers général. Finalement, le côté low cost renforce le propos d’un film qui, peut-être contre la volonté de réalisateurs ambitieux, prend un ton plus intimiste que dystopique, et transpose facilement ses problématiques dans le monde réel qu’il calque trait pour trait. C’est ainsi que le spectateur se rapproche de ces quelques jeunes adultes en quête d’une place à jouer dans leur vie, tous plus touchants les uns que les autres malgré un jeu totalement irréaliste.
Jessica Forever est donc une oeuvre formidablement paradoxale, un film diptyque qui propose de la SF, dont l’inspiration d’une pop-culture vidéoludique est flagrante, mais aussi une poésie contemplative indescriptible interrogeant chacun de ses personnages comme une preuve vivante des défauts du monde et de l’avenir risqué des jeunes. Cette dualité ne fait que mettre en exergue un côté fantastique et improbable, avec certaines scènes restant sans explication plausible qui, à l’inverse du reste du film, tend à éloigner le spectateur des protagonistes, ces derniers comprenant visiblement des codes d’un univers auquel le spectateur ne peut pas appartenir. Le film de Poggi et Vinel est donc un étrange mélange d’inspirations multiples et d’une volonté de transmettre un message sombre et puissant à travers des personnages forts. Loin de pouvoir plaire à tout le monde, il réside néanmoins dans Jessica Forever une beauté intrinsèque capable de toucher profondément le spectateur, justifiant le pari risqué d’aller voir le film.