La Femme d’un homme d’A.S.A. Harrison
Le roman d’A.S.A. Harrison La Femme d’un homme sort aujourd’hui au Livre de Poche dans sa première édition française. A l’instar de Stieg Larsson (Millenium), A.S.A. Harrison est décédée avant de pouvoir connaître le succès de son livre. Les premières critiques anglaises sont élogieuses, et c’est maintenant un succès mondial qui attend La Femme d’un homme (en VO The Silent Wife). Nicole Kidman jouera d’ailleurs le rôle de Jodi dans l’adaptation cinématographique prévue.
Jodi et Todd vivent en couple depuis des années. Ils mènent une existence réglée comme du papier à musique, sans heurts ni cris. Jodi, qui n’a jamais trouvé utile d’épouser Todd, est malgré tout pour lui l’épouse parfaite. La maison est tenue impeccablement, elle fait la cuisine et s’occupe de son linge, tout en exerçant à côté son activité de psychologue. Quant à Todd, il travaille beaucoup et s’accorde ça et là quelques aventures extra-conjugales, dont Jodi se doute, sans jamais poser de questions. Suite à la sévère dépression de Todd, elle lui a comme implicitement donné le droit de la tromper de temps en temps. Tant qu’il revient chez eux et s’assied sagement à leur table pour dîner tranquillement avec Jodi, tout va bien.
Mais un jour, Todd commence à fréquenter Natasha, la fille d’un de ses amis proches. Beaucoup plus jeune que lui, elle n’en a pas moins de maturité, ou en tout cas une maturité suffisante pour avoir envie d’épouser Todd et de lui faire un enfant. D’ailleurs, elle tombe enceinte. Ravi à l’idée de devenir père et d’enfin avoir une descendance, Todd accepte d’épouser Natasha, mais rechigne à l’annoncer à Jodi. Et il a bien raison…
Le moins que l’on puisse dire de La Femme d’un homme, c’est qu’il s’agit d’un roman très dense. Sous l’apparence simple de sa structure (il alterne les chapitres « Lui », consacrés à Todd, et « Elle », consacrés à Jodi), il est rempli de nuances et d’ébauches de théories psychanalytiques. A.S.A. Harrison fouille la psychologie des personnages : la rigidité de Jodi, la lâcheté de Todd, tout s’embrique, tout s’explique, jusqu’à l’inévitable dérive… L’auteure ne nous épargne aucune de ses théories, comme si elle nous exposait de réels « cas » psychanalytiques. On découvre les séances de psychanalyse de Jodi, condamnée à une certaine passivité et une fatalité, due à ses responsabilités de jeune fille envers ses frères, et le caractère de sa mère… Quant à Todd, on comprend qu’il reproduit inconsciemment son schéma parental : l’adultère du père, le silence de la mère. Freud est là, et bien là… Si une certaine « simplicité » se dégage de la démonstration psychologique d’A.S.A. Harrison, ses analyses sont bien menées, et servent parfaitement l’histoire.
La Femme d’un homme est un thriller psychologique mené de main de maître par son auteure, qui travaille sur les variations émotionnelles de ses personnages comme on travaille sur une sculpture. Une petite retouche par ci, une petite retouche par là, et Todd et Jodi prennent forme et deviennent des personnages plus que crédibles. Un tour de force, malgré un style assez basique, qui nous entraîne dans les méandres de cette vie de couple brisée.
Point de tueur psychopathe, point de rue sombre, pas de suée nocturne à la lecture de La Femme d’un homme, mais un véritable inconfort, un malaise, parfois, une lente descente où personne ne tient les commandes… On se prend au jeu. Qui a provoqué la tragédie, ou plutôt, comment les deux protagonistes n’ont-ils pas su l’arrêter ? Le manque de communication, la lâcheté, la psychorigidité. Tous les aspects des caractères nous entraînent et nous fascinent, et comme disent les américains, cette « folie à deux » lente et sournoise nous emporte jusqu’à la fin !
L’atrice devrait également rejoindre l’équipe de production du film qui n’a pas encore de réalisateur, comme nous l’explique cet article sur actualitte.com